Dans l’analyse climatique, les émissions Scope 3 sont cruciales mais sous-déclarées. Les entreprises soulignent les difficultés de calcul et leur caractère indirect, tandis que les investisseurs voient en elles des indicateurs clés pour évaluer les risques et les opportunités liés à la transition écologique. Les émissions Scope 3, bien que nécessaires, ne suffisent pas à elles seules pour évaluer l’impact climatique d’une entreprise. Les défis persistent également du côté des fournisseurs de données. La qualité des données est essentielle pour les investissements, mais les investisseurs doivent également tenir compte d’autres aspects dans leur analyse climatique.
Regards croisés des investisseurs et des entreprises
Dans le domaine complexe de l’analyse climatique du point de vue des investisseurs. Les émissions de scope 3 reviennent fréquemment comme un défi majeur. Les données sont souvent jugées incomplètes, peu fiables et insuffisantes pour définir des stratégies d’investissement en décarbonation. Les entreprises, quant à elles, soulignent les difficultés de calcul. Et le caractère indirect de ces émissions, ce qui les exclut partiellement de leur responsabilité. Cependant, de nombreux experts considèrent les données de scope 3 comme cruciales pour une analyse climatique approfondie. Chez Candriam, ils reconnaissent l’importance de ces données dans l’évaluation de l’alignement des entreprises. Avec les objectifs de l’Accord de Paris, tout en étant conscients de leurs limites contextuelles et structurelles.
Un pilier crucial de l’analyse carbone des entreprises
Les émissions Scope 3 représentent les émissions de gaz à effet de serre indirectes, qu’elles se situent en amont (fournisseurs, etc.) ou en aval (distribution, utilisation du produit, gestion de la fin de vie) des opérations d’une entreprise. Bien qu’indirectes, ces émissions sont essentielles à prendre en compte, car souvent, les enjeux carbone ne se limitent pas à la production d’un produit, mais concernent également les matières premières qui le composent ou son utilisation. Par exemple, dans le cas d’une entreprise pétrolière, il est peu pertinent d’analyser uniquement les émissions Scope 1 & 2, car la majorité des émissions liées au pétrole se produit lors de sa combustion par les clients. Se concentrer uniquement sur la décarbonation des Scopes 1 & 2 reviendrait à ne considérer que l’extraction du pétrole, sans prendre en compte le produit final fortement carboné.
Analyser les émissions Scope 3 ne vise pas à attribuer à chaque entreprise les émissions dont elle est “responsable” – une tâche complexe et subjective. Les investisseurs s’y intéressent parce qu’elles sont essentielles pour évaluer les risques et la résilience à long terme du modèle économique des entreprises. Les chaînes de valeur les plus émettrices de carbone devront consentir les efforts les plus importants, et cela aura des répercussions sur tous les acteurs impliqués. L’analyse des émissions Scope 3 est donc indispensable pour évaluer la position d’une entreprise vis-à-vis de la transition écologique, les ajustements nécessaires à son adaptation à un monde à faibles émissions de carbone, ainsi que les risques et opportunités associés. Ces éléments sont cruciaux pour évaluer la pertinence d’un investissement à long terme, notamment dans les secteurs les plus émetteurs de carbone.
Les défis du reporting des données Scope 3
Bien que le Scope 3 offre une vision plus globale des émissions tout au long de la chaîne de valeur, il présente des biais sectoriels significatifs, tout comme le Scope 1&2. Certains secteurs, notamment l’industrie, affichent naturellement des émissions Scope 3 plus élevées que d’autres, ce qui ne reflète pas nécessairement leur engagement ou leur stratégie climatique. Par exemple, les fabricants d’équipements industriels sont au cœur des processus industriels et génèrent donc des émissions Scope 3 considérables en aval. De même, les fournisseurs de solutions d’efficacité énergétique peuvent inclure dans leur Scope 3 une partie des émissions de CO2 liées à la consommation énergétique de leurs clients. Exclure ces entreprises des portefeuilles d’investissement ou les encourager à négliger les clients les plus émetteurs serait contre-productif pour la transition énergétique.
Progrès nécessaires du côté des entreprises
La publication des émissions scope 3 par les entreprises demeure insatisfaisante. En raison de la complexité de l’exercice et du manque de normes communes pour le calcul des émissions. Le GHG Protocol laisse une marge importante aux entreprises pour définir leurs émissions matérielles et la méthode de calcul. Entraînant ainsi de fortes disparités, même au sein d’un même secteur. Par exemple, les fabricants de semiconducteurs, bien qu’importants dans la transition énergétique, ne sont pas tenus de communiquer sur l’impact carbone de leurs produits selon le GHG Protocol. Cependant, ils mettent en avant leurs “émissions évitées” à leurs clients, sans disposer d’une analyse complète des impacts carbone négatifs.
Il est crucial que les futures réglementations, notamment la CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive). Apportent une plus grande cohérence aux rapports climatiques des entreprises. Permettant ainsi aux investisseurs d’obtenir et de communiquer des données carbone fiables.
Défis également du côté des fournisseurs de données
En général, les données d’émissions sont publiées de manière volontaire par les entreprises auprès du Carbon Disclosure Project (CDP), puis collectées et potentiellement retraitées par les fournisseurs de données. Cependant, très peu d’entreprises publient des données complètes, ce qui conduit à des estimations de leurs émissions scope 3 via des modèles statistiques comportant de nombreux biais méthodologiques.
Ces estimations ne tiennent pas compte des spécificités de l’activité de l’entreprise ou de ses marchés finaux, ce qui peut conduire à des estimations incorrectes. De plus, les données extrêmes sont souvent éliminées, ce qui peut fausser les résultats et décourager les entreprises de publier des données exhaustives.
Le manque de fiabilité, de cohérence et de stabilité des données scope 3 complique la tâche des investisseurs pour fixer des objectifs au niveau du portefeuille, en particulier pour les portefeuilles concentrés avec un fort positionnement climatique.
L’importance des données scope 3 dans les investissements
La qualité des données scope 3 est essentielle pour orienter les investissements vers la transition écologique, mais elle ne suffit pas. Encourager la transparence des entreprises sur leurs émissions et intégrer des objectifs scope 3 dans leurs plans de décarbonation est crucial. Cependant, ces données ne sont qu’un aspect parmi d’autres dans l’analyse climatique, qui reste complexe et fondamentale pour évaluer l’alignement avec les objectifs de l’Accord de Paris. Les investisseurs doivent s’entourer d’experts pour naviguer efficacement dans ce domaine.
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