Dans une récente interview, Michel Barnier, Premier ministre français, a exprimé son souhait de reporter la mise en œuvre de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) pour les entreprises françaises. Face aux nombreuses contraintes réglementaires, il plaide pour un moratoire de deux à trois ans avant l’application complète de certaines exigences, permettant ainsi de réduire les charges administratives pesant sur les entreprises.
Une directive CSRD ambitieuse mais contraignante
Entrée en vigueur en 2024, la CSRD impose aux entreprises de nouvelles obligations strictes de reporting extra-financier. Elles doivent désormais publier des informations détaillées sur l’impact de leurs activités selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Cette directive a pour but de pousser les entreprises à mieux évaluer leurs effets sur l’environnement et la société, et de rendre ces informations accessibles au public et aux investisseurs. La France, qui a rapidement transposé cette directive, devient ainsi l’un des premiers pays européens à mettre en œuvre ces nouvelles normes.
Cependant, Michel Barnier a souligné les contraintes jugées “déraisonnables” que certaines normes imposent aux entreprises françaises, surtout en ce qui concerne la surtransposition des règles européennes, qui pourrait créer un handicap compétitif face aux autres pays de l’Union. Selon lui, cette charge est particulièrement lourde pour les PME et les secteurs sensibles aux exigences administratives élevées.
Un risque de violation du droit européen
La proposition de moratoire de Barnier pourrait être perçue comme une violation du droit européen, exposant la France à des sanctions potentielles de la Cour de justice de l’Union européenne. Si la France décidait de retarder unilatéralement la mise en œuvre de la directive CSRD, cela irait à l’encontre des obligations européennes, sauf si la Commission européenne envisage elle-même des ajustements face aux nombreuses critiques des entreprises.
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic, s’est opposée fermement à cette initiative. Selon elle, reculer sur ces nouvelles normes de transparence ne ferait que ralentir les progrès en matière de durabilité : « Vouloir protéger un vieux modèle qui craque ne peut créer de digues contre les fléaux environnementaux et sociaux », a-t-elle déclaré.
Le soutien des entreprises et la perspective européenne
Les préoccupations de Michel Barnier ne sont pas isolées. Elles font écho aux récentes recommandations de Mario Draghi dans son rapport sur la compétitivité en Europe, qui propose d’alléger certaines contraintes liées à la CSRD et au devoir de vigilance. Draghi considère ces normes comme des obstacles à la compétitivité des entreprises européennes et préconise des ajustements pour équilibrer la réglementation.
Conclusion sur le report de la directive CSRD pour les PME
La proposition de Michel Barnier soulève une question centrale : comment concilier les exigences de transparence et de durabilité avec la compétitivité des entreprises françaises ? Alors que la directive CSRD représente un levier essentiel pour une économie plus responsable, son application rapide et rigide pourrait freiner les entreprises. Ce débat entre rigueur réglementaire et soutien aux entreprises montre l’importance d’une approche équilibrée pour accompagner la transition vers un modèle économique plus durable.
Déclaration de Bruno Boggiani :
« Les récentes déclarations sont regrettables. Les retards et les allers-retours autour des réglementations européennes, comme l’EUDR, plongent les entreprises dans une incertitude qui complique leur préparation. Alors même qu’elles se conforment déjà aux exigences de la CSRD, reculer maintenant serait non seulement inutile, mais aussi contre-productif.
Il est essentiel de rappeler que les pratiques RSE renforcent la compétitivité des entreprises. Les directions achats s’appuient sur ces leviers pour intégrer les enjeux de responsabilité dans leurs chaînes d’approvisionnement. Bien sûr, nous avons besoin de simplification, mais cela ne signifie pas moins de réglementation. Ce qu’il faut, c’est une approche cohérente, où l’objectif l’emporte sur la forme du rapport. »
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