
Les pays de l’Union européenne prévoient une hausse significative de leurs dépenses de défense dans les prochaines années. Cette décision, motivée par un besoin accru de souveraineté et de modernisation militaire, aura des répercussions économiques notables. Toutefois, selon les économistes de Goldman Sachs Research, si cette augmentation peut stimuler la croissance du PIB, son impact global restera limité.
Avec une projection d’augmentation annuelle d’environ 80 milliards d’euros d’ici 2027, soit environ 0,5 % du PIB de l’UE, la part des dépenses militaires dans la zone euro passera de 1,8 % du PIB en 2024 à 2,4 % en 2027. Cette évolution soulève des questions sur les effets réels d’un tel investissement et sur les stratégies de financement que les États européens pourraient adopter.
Une hausse des dépenses de défense à l’échelle européenne
Face à un contexte international de plus en plus incertain, les pays de l’UE ont revu leur politique budgétaire en matière de défense. L’Allemagne, par exemple, a annoncé l’exclusion des dépenses militaires de ses règles strictes de contrôle budgétaire et la création d’un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros. Si ces mesures sont mises en œuvre rapidement, elles pourraient favoriser une croissance plus soutenue pour la première économie européenne.
L’impact économique des dépenses militaires dépend en grande partie de la nature des investissements et de leur provenance. Lorsqu’un pays investit dans du matériel produit localement, l’effet multiplicateur est plus élevé que lorsque les équipements sont importés. Les analystes de Goldman Sachs estiment que chaque tranche de 100 euros investis dans la défense générera environ 50 euros de croissance supplémentaire du PIB sur deux ans, ce qui représente un multiplicateur fiscal de 0,5.
Vers une industrie européenne de la défense plus intégrée
Depuis 2014, la part des dépenses européennes allouées à l’équipement militaire est passée de 15 % à 33 % des budgets de défense. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a accéléré l’achat d’armements étrangers, mais historiquement, les grands pays européens ont privilégié la production domestique. Ainsi, entre 2005 et 2022, environ 90 % des équipements militaires français, 80 % des équipements allemands et 70 % des équipements italiens provenaient de fournisseurs nationaux.
Si la production d’armements en Europe a décliné entre 2008 et 2016, elle connaît désormais un regain d’activité. Les industriels européens, rattrapant leur retard sur leurs homologues américains, se positionnent pour une expansion rapide. L’harmonisation des équipements à l’échelle du continent et le développement de projets communs en recherche et développement pourraient améliorer l’efficacité des dépenses militaires et, à terme, accroître leur impact économique.
Comment financer l’augmentation des dépenses de défense ?
Pour atteindre l’objectif de 2,5 % du PIB en dépenses militaires, les États européens devront augmenter leurs budgets de 0,6 % du PIB par an. Cependant, les règles budgétaires de l’UE imposent des restrictions sur la dette publique, limitant la marge de manœuvre des États membres. Une exception temporaire, appelée « clause de sauvegarde », permet de suspendre ces règles en cas de crise majeure. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé de l’appliquer aux dépenses militaires lors de la Conférence de Munich sur la sécurité.
Le recours à la dette supranationale
Une alternative consiste à utiliser des outils de financement à l’échelle européenne, comme le Mécanisme européen de stabilité (MES) ou la Banque européenne d’investissement (BEI). Ces institutions pourraient financer des projets d’industrialisation de la défense, facilitant la montée en puissance de la production d’armements.
Une autre option serait de réutiliser des fonds non alloués du plan de relance post-COVID (NGEU) ou de créer un nouveau programme spécifiquement dédié au financement de la défense. Cette dernière solution offrirait un financement stable à long terme, mais nécessiterait un processus d’approbation complexe, qui pourrait prendre jusqu’à un an.
Un enjeu stratégique majeur
L’augmentation des dépenses de défense en Europe représente un enjeu stratégique majeur, tant sur le plan sécuritaire qu’économique. Si elle devrait apporter une contribution modeste à la croissance du PIB, son efficacité dépendra largement de la capacité des États à favoriser la production locale et à harmoniser leurs efforts à l’échelle du continent.
Le financement de cette montée en puissance militaire reste un défi. Entre dette nationale et emprunts supranationaux, les dirigeants européens devront trouver un équilibre entre contraintes budgétaires et impératifs de souveraineté. Une approche coordonnée pourrait permettre de maximiser l’impact économique des investissements de défense et de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe face aux défis géopolitiques actuels.
À lire aussi : Le Crédit Coopératif encourage la rénovation énergétique avec un prêt immobilier à impact