L’économie mondiale face aux incertitudes : entre résilience et ralentissement annoncé

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L’année 2025 s’ouvre sur un paradoxe économique. D’un côté, l’économie mondiale a démontré une résistance inattendue face aux turbulences du premier semestre, marquée par des tensions géopolitiques, des politiques publiques hésitantes et des hausses de droits de douane. De l’autre, les perspectives à moyen terme demeurent assombries par la persistance d’incertitudes structurelles qui freinent l’investissement et perturbent les échanges commerciaux. Selon le dernier rapport de l’OCDE, la croissance mondiale devrait progressivement s’essouffler au cours des deux prochaines années, tandis que les risques liés à la dette publique, à la stabilité financière et aux tensions commerciales pèsent lourdement sur l’avenir.

Une résilience trompeuse au premier semestre 2025

Les six premiers mois de 2025 ont montré que l’économie mondiale n’était pas aussi fragile qu’anticipé. Malgré un contexte marqué par des tensions géopolitiques persistantes et la mise en place de barrières commerciales accrues, de nombreux pays ont réussi à maintenir un rythme de croissance correct. Cette solidité s’explique en partie par les mesures d’adaptation prises par les entreprises et les consommateurs au cours des dernières années : diversification des chaînes d’approvisionnement, constitution de stocks stratégiques et adaptation des modèles de consommation.

Cependant, cette résilience apparente cache des fragilités plus profondes. La consommation a souvent été soutenue artificiellement par l’utilisation de stocks accumulés en prévision des hausses tarifaires, tandis que les investissements productifs demeurent atones. L’incertitude politique, combinée à des signaux économiques contrastés, a freiné les prises de décision à long terme, en particulier dans les secteurs industriels et technologiques. Ainsi, ce dynamisme du premier semestre apparaît davantage comme un sursis que comme une tendance durable.

Des perspectives de croissance en recul

Le rapport de l’OCDE prévoit un ralentissement progressif de la croissance mondiale : après 3,3 % en 2024, celle-ci devrait tomber à 3,2 % en 2025, puis à 2,9 % en 2026. Cette décélération est loin d’être uniforme et reflète des dynamiques régionales contrastées.

Aux États-Unis, l’économie, portée jusqu’ici par la consommation des ménages et un marché du travail robuste, devrait connaître une phase de ralentissement marqué, avec une croissance attendue de 1,8 % en 2025 et 1,5 % en 2026. Dans la zone euro, où la fragilité industrielle s’ajoute à une demande intérieure hésitante, la croissance ne devrait pas dépasser 1,2 % en 2025 et 1 % en 2026. Quant à la Chine, moteur traditionnel de la croissance mondiale, elle devrait voir son expansion se limiter à 4,9 % en 2025 puis à 4,4 % en 2026, conséquence d’un essoufflement de la demande intérieure et de tensions commerciales accrues.

Ces prévisions traduisent un ralentissement généralisé de l’activité économique mondiale, où les moteurs traditionnels de croissance semblent grippés. La demande intérieure recule, les échanges se contractent et l’investissement reste en retrait. Ce trio fragilise à la fois les économies avancées et émergentes, créant un terrain fertile pour une instabilité prolongée.

Inflation en repli, mais vigilance de mise

L’un des rares points positifs de ce tableau est l’évolution attendue de l’inflation. Après une période de forte tension sur les prix liée à la sortie de la pandémie et aux perturbations géopolitiques, une tendance à la modération se dessine. Dans les pays du G20, l’inflation globale devrait reculer de 3,4 % en 2025 à 2,9 % en 2026, sous l’effet conjugué du ralentissement de la croissance et de l’apaisement progressif des tensions sur les marchés du travail.

Toutefois, cette détente ne doit pas masquer des risques persistants. L’inflation sous-jacente, qui exclut les composantes volatiles comme l’énergie et l’alimentation, devrait rester relativement stable autour de 2,6 % en 2025 et 2,5 % en 2026 dans les économies avancées. Cette stabilité traduit une inertie inflationniste qui pourrait se raviver rapidement en cas de nouveau choc énergétique ou de regain des tensions commerciales.

Les banques centrales, conscientes de ce fragile équilibre, sont appelées à maintenir une vigilance accrue. Si l’ancrage des anticipations d’inflation se confirme, des baisses de taux pourraient accompagner la décrue des prix. Mais la moindre déviation des trajectoires actuelles, qu’elle provienne de la géopolitique ou d’un choc financier, obligerait à des ajustements rapides et parfois douloureux de la politique monétaire.

Le défi budgétaire : entre discipline et réformes structurelles

Au-delà des variables conjoncturelles, la question budgétaire demeure un enjeu majeur pour la stabilité économique mondiale. La dette publique, déjà élevée dans de nombreux pays, limite la capacité des États à soutenir l’activité en cas de nouveaux chocs. L’OCDE insiste sur la nécessité d’une discipline budgétaire rigoureuse, combinant maîtrise des dépenses et optimisation des recettes.

Mais cette discipline ne doit pas se limiter à une logique d’austérité. Elle doit s’inscrire dans une stratégie de moyen terme, où les réallocations de dépenses et la modernisation des systèmes fiscaux contribuent à restaurer la viabilité de la dette tout en préservant les marges d’investissement. Sans cette approche équilibrée, les économies risquent de se retrouver piégées entre la contrainte de la dette et l’incapacité à réagir efficacement à des crises futures.

Par ailleurs, la question de la crédibilité des trajectoires budgétaires est centrale. Dans un contexte où la confiance des investisseurs et des marchés financiers peut vaciller rapidement. Les gouvernements doivent démontrer une capacité claire à stabiliser leurs finances publiques. Cette confiance repose autant sur la rigueur comptable que sur la vision politique : sans réformes structurelles crédibles, aucune discipline budgétaire ne peut être durable.

L’urgence d’une coopération internationale

Les tensions commerciales actuelles ne sont pas qu’une affaire de tarifs douaniers. Elles révèlent une remise en cause plus profonde de l’ordre économique mondial. Bâti sur l’ouverture des marchés et la coopération multilatérale. Le Secrétaire général de l’OCDE, Mathias Cormann, a rappelé que la résolution durable de ces tensions constitue une condition indispensable au retour d’une croissance solide.

Cela implique non seulement de limiter l’escalade tarifaire, mais aussi de repenser les règles du commerce international. Les accords doivent être rendus plus équitables, plus transparents et mieux adaptés aux réalités actuelles. Où les technologies numériques, la transition énergétique et la diversification des chaînes de valeur redessinent les échanges mondiaux.

L’avenir du système économique mondial dépendra largement de la capacité des grandes puissances à coopérer plutôt qu’à s’affronter. Faute de consensus, les risques d’une fragmentation durable de l’économie mondiale s’accentueront. Avec des pertes importantes en termes de croissance, d’innovation et de stabilité.

L’innovation et les réformes comme leviers d’avenir

Au-delà des réponses conjoncturelles, la véritable clé de la prospérité future réside dans l’innovation et les réformes structurelles. Comme le souligne Álvaro Santos Pereira, chef économiste de l’OCDE, les nouvelles technologies. Notamment l’intelligence artificielle, peuvent offrir un potentiel considérable d’amélioration des niveaux de vie. Mais ce potentiel ne pourra se concrétiser sans des politiques actives de soutien à l’innovation. À la formation et à l’adaptation des systèmes économiques et sociaux.

Il ne s’agit pas seulement d’investir dans la recherche ou de favoriser l’essor des start-up. Les réformes doivent aussi viser à rendre les marchés du travail plus inclusifs. Les systèmes éducatifs plus adaptés aux nouvelles compétences, et les cadres réglementaires plus souples face aux évolutions technologiques. Ces transformations, souvent lentes et politiquement sensibles, conditionnent pourtant la capacité des économies à s’adapter aux bouleversements en cours.

L’intelligence artificielle, par exemple, pourrait générer des gains massifs de productivité. Mais aussi creuser les inégalités si son déploiement n’est pas accompagné de politiques sociales et éducatives ambitieuses. La transition énergétique, de son côté, constitue à la fois un défi colossal et une opportunité de croissance verte. Qui ne pourra être saisie qu’au prix d’investissements massifs et d’une coopération internationale renforcée.

Une économie mondiale en quête de cap

L’économie mondiale se trouve à la croisée des chemins. Résiliente à court terme mais fragilisée dans ses fondements. Ele doit composer avec un ralentissement annoncé, des incertitudes persistantes et des risques budgétaires croissants. Le reflux attendu de l’inflation offre une fenêtre d’opportunité. Mais celle-ci pourrait se refermer brutalement si les tensions commerciales et géopolitiques ne trouvent pas d’issue durable.

Dans ce contexte, l’avenir dépendra largement des choix collectifs. Discipline budgétaire, coopération internationale, réformes structurelles et soutien à l’innovation ne sont pas des options parmi d’autres. Elles constituent les piliers indispensables d’une croissance durable et inclusive. Faute de les mettre en œuvre, le risque est grand de voir l’économie mondiale glisser vers une période prolongée de stagnation et d’instabilité.

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