Les flux ESG au troisième trimestre 2025 : entre ralentissement global et signaux de reprise régionale

flux ESG

Le troisième trimestre 2025 marque une stabilisation des flux ESG mondiaux. L’Europe reste dominante malgré un ralentissement, les États-Unis demeurent prudents et l’Asie affiche une reprise prometteuse. Les investisseurs se recentrent sur la qualité, la transparence et les obligations durables, tandis que la régulation renforce la maturité du marché.

Le troisième trimestre 2025 marque un tournant dans la dynamique des investissements ESG. Après plusieurs trimestres de ralentissement, les flux mondiaux enregistrent une phase de stabilisation, tandis que certaines régions amorcent un retour progressif vers la croissance. L’appétit des investisseurs pour les fonds intégrant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance reste présent, mais il s’exprime désormais de manière plus sélective, prudente et orientée vers la performance réelle plutôt que la seule promesse d’impact durable.

Dans un contexte macroéconomique toujours incertain – taux d’intérêt élevés, inflation persistante et tensions géopolitiques – les stratégies ESG montrent leur résilience. Malgré une contraction des flux nets, les encours sous gestion se maintiennent à des niveaux historiques, preuve que la durabilité reste un axe central des politiques d’investissement à long terme.

Une stabilisation globale après un premier semestre contrasté

Les flux mondiaux ESG au troisième trimestre affichent une légère progression après un premier semestre marqué par une forte volatilité. Le total des souscriptions nettes s’élève à environ 27 milliards de dollars, contre 23 milliards au trimestre précédent. Cette hausse modérée traduit une stabilisation de la confiance, sans toutefois marquer un véritable retour de la dynamique observée avant 2023.

L’Europe conserve sa place de leader incontesté avec près de 80 % des flux ESG mondiaux, malgré un ralentissement notable sur certains segments. Les États-Unis, de leur côté, continuent de montrer une fragilité structurelle du marché ESG, pénalisé par un contexte politique polarisé et un regain de scepticisme vis-à-vis des labels de durabilité. En Asie, la tendance reste positive, portée par l’innovation réglementaire et la montée en puissance des marchés locaux.

Globalement, le troisième trimestre 2025 témoigne d’une recomposition du paysage ESG mondial : les investisseurs privilégient désormais la qualité, la transparence et la démonstration d’impact, plutôt que la simple appartenance à une catégorie “verte”.

L’Europe : un marché en reconsolidation

Avec 21 milliards de dollars de flux nets positifs au troisième trimestre, l’Europe reste le moteur de l’investissement durable. Même si la croissance est moins soutenue que lors des années record 2021-2022, la région affiche une solidité remarquable. Les investisseurs européens montrent un intérêt croissant pour les fonds alignés sur la taxonomie verte et ceux intégrant des objectifs de transition énergétique concrets.

La France, les Pays-Bas et l’Allemagne dominent toujours le marché, mais les pays nordiques se distinguent par une forte progression des stratégies d’impact social. Le Royaume-Uni, après plusieurs trimestres de décollecte, retrouve un niveau neutre, traduisant un regain de confiance. Les fonds article 9 (selon le règlement SFDR) enregistrent une légère hausse, soutenus par une meilleure clarification réglementaire et un recentrage des produits réellement alignés sur les objectifs environnementaux.

Les flux européens montrent également un glissement progressif vers les fonds obligataires durables. Alors que les fonds actions ESG représentaient 70 % du total en 2022, ils ne comptent plus que pour 55 % en 2025. L’intérêt pour les green bonds, sustainability-linked bonds et produits de dette verte ne cesse de croître, notamment auprès des investisseurs institutionnels cherchant à diversifier leurs portefeuilles tout en conservant un profil à faible risque.

Les États-Unis : une résistance discrète mais stratégique

Outre-Atlantique, le trimestre se solde par des sorties nettes d’environ 3 milliards de dollars, confirmant la tendance prudente des investisseurs américains à l’égard de l’ESG. La polarisation politique et les controverses autour du “woke investing” continuent d’affecter la perception du marché. Néanmoins, certains signaux montrent que la situation pourrait s’améliorer.

Les grands gestionnaires d’actifs, après avoir été critiqués pour leur approche jugée trop militante, adoptent désormais une posture plus neutre, axée sur la matérialité financière. Les flux vers les fonds ESG thématiques – notamment ceux liés à l’énergie propre, à l’eau et à la technologie de décarbonation – restent positifs. Les investisseurs institutionnels privilégient des stratégies ESG intégrées plutôt que des produits purement labellisés, afin d’éviter les polémiques tout en poursuivant leurs engagements de long terme.

Les ETF ESG américains affichent une performance mitigée : s’ils représentent toujours près de 40 % des encours ESG, leurs souscriptions nettes ralentissent. Cependant, leur adoption dans les portefeuilles d’allocation stratégique continue de croître, soutenue par la recherche d’exposition thématique plutôt que par conviction idéologique.

L’Asie-Pacifique : une dynamique encore fragile mais prometteuse

En Asie, les flux ESG s’élèvent à environ 7 milliards de dollars, marquant une hausse sensible par rapport au trimestre précédent. Le Japon et la Corée du Sud concentrent l’essentiel des souscriptions, tandis que Singapour et Hong Kong poursuivent leurs efforts de normalisation réglementaire. L’essor des obligations vertes asiatiques contribue largement à cette croissance, de même que la création de cadres régionaux d’harmonisation des labels ESG.

La Chine, en revanche, connaît un repli temporaire, lié à la prudence des investisseurs domestiques et à la baisse des flux vers les produits d’investissement collectif. Toutefois, les initiatives publiques en matière de finance durable (notamment dans le cadre du 14e plan quinquennal) laissent présager un rebond à moyen terme. Les marchés émergents d’Asie du Sud-Est deviennent progressivement des zones d’expérimentation pour les nouvelles stratégies d’impact et d’obligations sociales.

L’intérêt pour les fonds mixtes et multithématiques progresse également, reflétant une volonté des investisseurs asiatiques d’équilibrer rendement et durabilité. La diversification des portefeuilles reste un moteur essentiel de cette croissance.

Les classes d’actifs : la montée en puissance du revenu fixe

La répartition sectorielle des flux ESG en 2025 confirme une mutation profonde des préférences d’investissement. Les fonds actions, historiquement majoritaires, voient leur part diminuer au profit des produits de revenu fixe. Les obligations durables (green, social, sustainability-linked) attirent de plus en plus d’investisseurs institutionnels, notamment en Europe et en Asie.

Cette évolution s’explique par le contexte macroéconomique : la hausse prolongée des taux d’intérêt a redonné de l’attrait aux obligations, tout en renforçant la demande pour des instruments alliant rendement et utilité sociétale. Les stratégies obligataires à impact permettent en outre une meilleure traçabilité des projets financés, répondant ainsi à l’exigence accrue de transparence des régulateurs et des investisseurs.

Du côté des fonds actions, les thématiques les plus porteuses demeurent la transition énergétique, l’efficacité des ressources et la biodiversité. Cependant, les performances hétérogènes des valeurs vertes en bourse ont incité les gérants à adopter une approche plus sélective, privilégiant les entreprises démontrant un alignement réel entre performance financière et indicateurs ESG.

Les fonds thématiques ESG : innovation et maturité

L’univers des fonds thématiques ESG continue d’évoluer vers une plus grande sophistication. Les stratégies liées à la transition énergétique, à l’hydrogène, à l’eau et aux infrastructures vertes dominent les souscriptions. Les investisseurs recherchent désormais des thématiques tangibles, mesurables et adossées à des politiques publiques claires.

Les fonds “climat”, autrefois stars du segment, connaissent une pause. Leur croissance s’essouffle légèrement, mais leur base d’actifs reste stable. En parallèle, de nouveaux thèmes émergent : économie circulaire, santé durable, inclusion sociale et transformation numérique responsable. Ces approches répondent à une demande croissante pour des produits combinant impact social et rentabilité économique.

Le marché des ETF thématiques ESG gagne en maturité, avec une meilleure différenciation entre les approches “best-in-class” et celles fondées sur des indices alignés sur les objectifs de neutralité carbone. La montée en puissance des produits passifs à impact positif témoigne d’une évolution des attentes : les investisseurs veulent concilier simplicité de gestion et pertinence ESG.

Une régulation de plus en plus structurante

Le cadre réglementaire mondial joue un rôle clé dans la consolidation du marché ESG. En Europe, la clarification du règlement SFDR et l’entrée en vigueur de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) apportent plus de transparence et réduisent les risques de greenwashing. Ces évolutions incitent les gérants à repositionner leurs gammes et à renforcer leurs processus de reporting extra-financier.

Aux États-Unis, la SEC poursuit ses travaux sur la définition et la supervision des fonds ESG, bien que le débat politique en freine l’application. En Asie, les autorités renforcent la standardisation des labels, avec des initiatives coordonnées entre la Chine, le Japon et Singapour.

Cette harmonisation progressive des cadres normatifs contribue à restaurer la confiance des investisseurs. Elle devrait, à terme, favoriser une croissance plus saine du marché ESG, fondée sur la qualité des données, la rigueur méthodologique et la traçabilité des impacts.

Les performances : un retour à la sélectivité

En termes de performance, les fonds ESG affichent une hétérogénéité marquée selon les zones géographiques et les classes d’actifs. En Europe, la majorité des fonds maintiennent une performance supérieure à leurs équivalents conventionnels sur un horizon de trois ans, notamment dans les segments obligataires. Aux États-Unis, la sous-performance de certains fonds actions a pesé sur les flux, renforçant la perception d’un “ESG premium” difficile à justifier à court terme.

Les stratégies combinant critères ESG et analyse fondamentale retrouvent la faveur des investisseurs institutionnels. Ces approches hybrides, plus pragmatiques, cherchent à identifier les entreprises capables de transformer la contrainte durable en avantage compétitif.

Perspectives : un marché en recomposition

Le troisième trimestre 2025 confirme que l’ESG entre dans une phase de maturité. Après des années d’euphorie et de croissance rapide, le marché se normalise. Les investisseurs deviennent plus exigeants, les régulateurs plus précis, et les sociétés de gestion plus sélectives dans la conception de leurs produits.

Les perspectives à moyen terme demeurent positives. L’intégration ESG ne relève plus d’une tendance passagère, mais d’une transformation structurelle du capitalisme financier. L’enjeu désormais n’est plus de savoir “si” les capitaux doivent s’aligner sur les objectifs de durabilité, mais “comment” le faire de manière crédible, mesurable et rentable.

Les signaux convergent : les obligations durables devraient continuer à croître, la transition énergétique restera un moteur clé d’allocation, et les marchés émergents deviendront de nouveaux pôles de développement ESG. La digitalisation des données extra-financières et l’essor de l’intelligence artificielle dans l’analyse ESG renforceront la précision et la comparabilité des indicateurs, ouvrant la voie à une finance durable plus rigoureuse et performante.

En conclusion, le troisième trimestre 2025 marque une étape de consolidation dans l’histoire de l’investissement durable. Moins spectaculaire, mais plus solide. Moins idéologique, mais plus ancré dans la réalité économique. C’est probablement le signe d’une maturité nouvelle du marché ESG, désormais jugé non plus à ses intentions, mais à ses résultats.

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