
Longtemps perçues à travers le seul prisme environnemental, les énergies renouvelables (EnR) s’imposent désormais comme un levier économique et fiscal majeur dans les territoires.
C’est un cas auquel les exploitants de parcs éoliens se sont désormais habitués. Des communes, réticentes à l’origine face à l’installation de turbines sur leurs collines, ne tarissent plus d’éloges à leur égard. Car ces éoliennes, qui suscitaient hier la méfiance, génèrent aujourd’hui des recettes fiscales régulières. Des emplois locaux et de nouvelles perspectives de développement économique.
Ce changement de regard ne repose pas seulement sur des impressions locales. Il s’appuie sur des données désormais consolidées. Dans une étude rendue publique l’année dernière, l’ADEME concluait que les filières des énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) représentaient 421 000 emplois directs en 2022. Soit une hausse de 24% par rapport à 2020. Sur la même période, leur chiffre d’affaires global a progressé de 39%, atteignant 34,2 milliards d’euros.
Les emplois générés par la croissance des énergies renouvelables se concentrent principalement dans les filières éolienne, photovoltaïque et chaleur renouvelable (biomasse, géothermie, réseaux de chaleur). Cette dynamique traduit l’industrialisation progressive du secteur : fabrication, installation, exploitation et maintenance structurent aujourd’hui une chaîne de valeur solidement ancrée dans les territoires.
Ces recettes fiscales qui changent la donne pour les communes
Cette montée en puissance des énergies renouvelables s’accompagne d’un impact budgétaire tangible pour les territoires. Les collectivités locales profitent de la croissance de la filière grâce à une fiscalité dédiée qui abonde directement leurs budgets. L’Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), due pour chaque installation, est fixée depuis 2024 à 8,36 €/kW de puissance installée, soit 8 360 €/MW/an pour l’éolien terrestre
Ces recettes sont réparties entre communes, intercommunalités, départements et régions, irrigant ainsi l’ensemble du tissu territorial. Selon le Syndicat des énergies renouvelables, l’association représentative du secteur, les retombées fiscales directes issues des EnR atteignaient déjà près d’un milliard d’euros par an pour les collectivités locales en 2019.
Dans certaines communes rurales, ces revenus représentent jusqu’à 10 % du budget d’investissement annuel. Un apport significatif qui contribue à financer des équipements publics ou des projets de revitalisation locale.
Mais les énergies renouvelables ne se contentent pas de créer de nouvelles recettes fiscales. Ces filières mobilisent une part importante d’entreprises régionales : génie civil, transport, construction, maintenance, ingénierie. Les emplois générés par la maintenance et l’exploitation des installations, souvent sur plus de vingt ans, sont non délocalisables et assurent un revenu stable dans des zones rurales ou périurbaines.
Quand l’énergie solaire soutient le monde rural
Cette dynamique d’ancrage local trouve une traduction très concrète dans le monde agricole. L’essor de l’agrivoltaïsme illustre la convergence entre transition énergétique et développement rural. Selon le ministère de la Transition énergétique, cette pratique consiste à combiner sur une même parcelle production agricole et production d’électricité solaire, grâce à des structures photovoltaïques adaptées à l’activité agricole.
Les premiers retours d’expérience confirment le potentiel du modèle. D’après une étude conjointe de l’Inrae et de l’ADEME, certaines cultures sensibles à la chaleur enregistrent une hausse de rendement de 10 à 20% dans certaines expérimentations, lorsque l’ombrage des panneaux est piloté de manière adaptée.
Sur le plan économique, les exploitants agricoles peuvent percevoir un revenu complémentaire lié à la production solaire, dont le niveau dépend des modèles contractuels et des conditions locales. Les projets à vocation agrivoltaïque offrent le plus souvent entre 2 000 et 6 000 €/ha/an, selon les estimations du secteur avancées par l’association France Agrivoltaïsme.
Pour les communes rurales, ces installations génèrent également de nouvelles recettes fiscales, issues des taxes locales sur les équipements photovoltaïques. Encadré par la loi depuis mars 2023, l’agrivoltaïsme est désormais reconnu comme une filière stratégique, soutenue par un appel d’offres dédié de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Pour les territoires, il ouvre la voie à un modèle de cohabitation vertueuse entre production d’énergie et maintien de l’activité agricole.
La transition énergétique, levier de croissance locale
La forte croissance de la filière a fait sortir la transition énergétique du seul créneau environnemental et climatique : celle-ci s’impose comme un levier de transition économique à part entière pour les territoires.
En redéployant les flux financiers, fiscaux et industriels au niveau local, les énergies renouvelables relocalisent la valeur ajoutée énergétique. Elles offrent aux collectivités de nouvelles marges de manœuvre budgétaires, soutiennent des filières régionales et renforcent la résilience des territoires face à la volatilité des prix de l’énergie.
Pensées comme de véritables écosystèmes territoriaux associant participation citoyenne, planification et gouvernance partagée, les énergies renouvelables pourraient bien devenir l’un des moteurs d’une croissance française à la fois plus sobre, plus circulaire et plus ancrée localement.
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