La gestion d’actifs européenne en 2025 : entre domination de BlackRock

Souveraineté européenne

L’édition 2025 du rapport Europe Fund Family Digest publiée par Morningstar dresse un panorama complet du paysage européen de la gestion d’actifs. En analysant les 100 plus grands gestionnaires de fonds et leurs gammes commercialisées sur le continent. L’étude révèle une industrie à la fois en pleine mutation et confrontée à de puissants défis structurels. Domination des géants américains, essor des stratégies passives, consolidation du secteur. Montée en puissance des ETF actifs et transformation progressive de l’investissement durable.

BlackRock renforce son hégémonie sur le marché européen

En tête du classement, BlackRock poursuit une croissance impressionnante. En incluant sa marque phare iShares, le groupe gère désormais plus de 1 600 milliards d’euros d’actifs en fonds communs et ETF domiciliés en Europe. Cette position quasi hégémonique le place à un niveau équivalent à la somme des trois concurrents suivants. UBS, Amundi et DWS.
Le succès de la gamme iShares illustre la domination du passif dans la stratégie du géant américain. Plus de 75 % de ses encours sont désormais gérés selon des approches indiciels. Cette puissance repose sur des économies d’échelle colossales. Une efficacité opérationnelle sans équivalent et une marque devenue synonyme d’investissement passif mondial.
Face à cela, les acteurs européens peinent à rivaliser. Amundi et DWS, via leurs marques Lyxor et Xtrackers, se positionnent également sur ce créneau. Mais à une échelle bien moindre.

Le passif s’impose, mais l’actif résiste encore

Si les fonds indiciels et ETF gagnent du terrain en Europe, ils ne dominent pas encore le marché comme aux États-Unis. D’après Morningstar, les fonds actifs représentent encore près des deux tiers des actifs totaux gérés par les 100 plus grands gestionnaires européens. Soit environ 7 000 milliards d’euros.
Ce rapport de force contraste avec celui observé outre-Atlantique, où les produits passifs représentent désormais la majorité absolue des encours.
Cette progression du passif s’explique par la recherche croissante de frais réduits et de transparence. Mais le modèle européen, davantage orienté vers la distribution bancaire et assurantielle, freine encore cette transition. En effet, les ETF, échangés directement en Bourse. Contournent les circuits traditionnels de distribution, remettant en cause le modèle de rémunération des réseaux historiques.

Une industrie européenne fragmentée et en quête de consolidation

L’étude souligne la grande dispersion du marché européen. Les trois plus grands gestionnaires d’actifs ne concentrent qu’un quart des encours totaux des 100 premiers groupes. Contre la moitié pour les trois leaders américains (Vanguard, BlackRock et Fidelity).
Cette fragmentation structurelle crée un environnement hautement concurrentiel, où la taille devient un atout décisif. Selon Thomas DeFauw, analyste senior chez Morningstar, la pression sur les marges incite les sociétés à fusionner ou mutualiser leurs forces. Le rachat d’AXA Investment Managers par BNP Paribas illustre cette tendance vers la consolidation. Destinée à renforcer les économies d’échelle et la rentabilité dans un contexte de baisse des frais.
À l’inverse, certaines boutiques spécialisées, comme Fundsmith ou Flossbach von Storch, continuent de tirer leur épingle du jeu grâce à une approche ciblée et une forte cohérence stratégique, souvent fondée sur une philosophie d’investissement à long terme.

Lire l’étude complète ici.

L’essor des ETF actifs : un segment en pleine effervescence

Longtemps marginal, le marché des ETF actifs connaît un essor notable. Ces produits hybrides, combinant gestion discrétionnaire et cotation en continu, séduisent de plus en plus d’investisseurs pour leur transparence et leur coût compétitif.
JPMorgan s’impose comme le premier fournisseur européen d’ETF actifs, concentrant la majeure partie des encours. Si les stratégies discrétionnaires dominent encore, 2025 marque une accélération des flux vers les stratégies systématiques, notamment sur les actions.
Ce développement traduit une volonté des investisseurs européens d’accéder à des solutions flexibles. Capables d’allier performance active et efficacité structurelle propre aux ETF. Toutefois, l’Europe reste loin de l’adoption massive observée aux États-Unis, où le marché de la retraite constitue un moteur essentiel de croissance.

Actifs privés et finance durable : deux fronts d’innovation

Le rapport souligne également les débuts d’une convergence entre actifs privés et actifs publics. Des véhicules comme les LTAF (Long-Term Asset Funds) au Royaume-Uni et les ELTIF (European Long-Term Investment Funds) sur le continent permettent désormais aux investisseurs particuliers d’accéder à des classes d’actifs auparavant réservées aux institutionnels, notamment le private equity ou les infrastructures.
Cette démocratisation des actifs illiquides pourrait transformer durablement le paysage de l’investissement européen en élargissant la palette d’opportunités à long terme.
Parallèlement, la finance durable continue d’évoluer sous l’effet des nouvelles réglementations. Les règles européennes de dénomination ESG ont conduit à un vaste mouvement de rebranding : plus de 880 fonds ont modifié leur nom entre 2024 et 2025. Cependant, peu d’entre eux ont réellement changé de stratégie ou d’objectif, traduisant un certain décalage entre communication et transformation réelle.
Morningstar observe néanmoins que de nombreux fonds actifs ont renforcé leurs critères d’exclusion et accru la part d’investissements durables dans leurs portefeuilles.

La bataille de la qualité : talent, stabilité et innovation

Au-delà des encours, Morningstar accorde une attention particulière à la qualité des équipes de gestion. Les firmes où la stabilité et la continuité sont les plus fortes tendent à offrir de meilleures performances à long terme. Des acteurs comme MFS, Artemis ou Capital Group se distinguent par la longévité de leurs gérants et une succession planifiée, garantissant une gestion cohérente.
De même, des maisons comme Vanguard et Dimensional obtiennent des notes élevées pour leur culture d’entreprise centrée sur l’investisseur, leur transparence et leurs coûts maîtrisés. Vanguard, par exemple, poursuit son ambition de démocratiser l’investissement à bas coût tout en explorant de nouveaux segments, comme les obligations ou les actifs privés.

Une industrie en mutation profonde

L’étude de Morningstar met en lumière une industrie européenne de la gestion d’actifs à la croisée des chemins :

  • consolidation et montée en puissance des géants,
  • progression rapide du passif,
  • essor des ETF actifs,
  • transition lente mais réelle vers la durabilité et les actifs privés.

Dans ce contexte, les sociétés capables d’allier taille critique, innovation et excellence de gestion seront les mieux placées pour prospérer. La décennie à venir pourrait bien redéfinir l’équilibre entre acteurs historiques, nouveaux entrants et modèles émergents au cœur d’un marché en pleine recomposition.

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