Le poids croissant des preuves sur la matérialité financière des risques liés au changement climatique, le désir d’investir de manière plus responsable et la surveillance réglementaire et prudentielle toujours plus importante prouvent à quel point les investisseurs sont de plus en plus enclins à intégrer le climat dans leurs décisions d’allocation.
Il existe, selon nous, trois piliers principaux sur lesquels les investisseurs et leurs gestionnaires peuvent s’appuyer afin d’aligner leurs portefeuilles et leurs stratégies d’investissement avec l’Accord de Paris sur le climat et l’objectif de +1,5°C : l’allocation de portefeuille, la sélection des émetteurs et le suivi des indicateurs clés de performance liés au climat.
L’allocation de portefeuille
Aligner les flux de capitaux avec des objectifs climatiques ambitieux requiert une modification de l’allocation des portefeuilles : à l’accent traditionnellement mis sur le risque et le rendement doivent s’ajouter des objectifs supplémentaires liés au climat.
Outre l’atténuation des risques, les portefeuilles doivent être structurés de manière à soutenir la décarbonation et la participation à la transition énergétique.
La décarbonation peut être soutenue par une allocation bénéficiant aux entreprises bas carbone déjà alignées sur les objectifs de l’Accord de Paris, mais également par une allocation aux entreprises en transition. Ici, la politique d’engagement de la société de gestion est essentielle et la gestion active est une condition préalable afin de surveiller les progrès des entreprises et leur crédibilité pour avancer dans la bonne direction.
Pour trouver le bon équilibre entre engagement et désinvestissement sur la base d’objectifs liés aux émissions de carbone, il est nécessaire de prendre en compte les performances passées et futures et plus largement d’avoir une vision globale de la manière dont les entreprises gèrent leur empreinte carbone.
En définitive, l’alignement par le biais de l’allocation de portefeuille nécessite la redéfinition des classes d’actifs traditionnelles en fonction des dimensions climatiques – selon le bilan carbone des entreprises et leur maturité en matière de transition vers une économie à faible émission de carbone.
La sélection des émetteurs
S’agissant de la sélection des émetteurs, il existe, selon nous, trois grandes catégories d’entreprises vers lesquelles diriger les flux de capitaux : les leaders bas carbone, les leaders de la transition et les leaders verts.
L’identification des investissements qui répondent aux objectifs globaux fixés dans chaque catégorie est essentielle pour pouvoir investir dans les meilleurs émetteurs et établir des normes climatiques minimales pour ceux qui n’ont pas l’adaptabilité nécessaire pour bénéficier ou soutenir la transition. Pour atteindre ce résultat, il faut évaluer les émetteurs à l’aide d’un ensemble d’indicateurs et comprendre leurs interactions. Ces indicateurs vont de l’intensité carbone, en valeur absolue et relative à leurs pairs, aux mesures de la valeur climatique à risque et aux objectifs de réduction futurs, en passant par les indicateurs d’opportunités liées à la transition climatique.
Ici, il est clé de procéder à un mix des indicateurs. En se concentrant uniquement sur l’un d’entre eux, comme l’intensité carbone, on pourrait entraîner l’exclusion pure et simple d’entreprises qui, bien qu’ayant une intensité élevée sur une base absolue, présentent un potentiel de transition important ou une opportunité de technologie verte attrayante.
Le suivi des indicateurs climatiques
Parvenir à l’alignement par le biais de l’investissement implique également de mesurer et surveiller les indicateurs clés de performance (KPIs) liés au climat du portefeuille. Cela doit inclure une meilleure utilisation des mesures existantes mais aussi le développement de nouveaux outils et analyses. Différentes dimensions illustrent, selon nous, le degré d’alignement des décisions d’investissement sur l’atténuation du changement climatique et l’adaptation nécessaire pour soutenir les objectifs de l’Accord de Paris. Parmi elles, on peut citer : la réduction de l’empreinte carbone actuelle du portefeuille ; le maintien de l’exposition aux secteurs à enjeux nécessaires pour soutenir la transition vers une économie à faible émission de carbone ; la surveillance des performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), ainsi que des indicateurs clés de performance liés au climat des portefeuilles et aux émetteurs tels que la température et les références en matière de transition vers une économie à faible émission de carbone.
Les investisseurs commencent à passer de l’engagement à l’action et ils doivent prendre des décisions importantes sur les outils à utiliser et la manière de les déployer. En suivant ces principes, les sociétés de gestion devraient pouvoir naviguer plus efficacement dans ce paysage en évolution permanente et relever de manière constructive le défi que représente un alignement à l’Accord de Paris.