Oubliez ce bon vieux virus et laissez vous impressionner par le génie asiatique….
Par Jean Meyer, responsable de la pratique « Assurance », Capco
Les
assureurs français et européens redoublent d’efforts pour accélérer
leur transformation digitale et data. Au-delà des aspects
technologiques, l’enjeu est de pouvoir s’adapter aux nouvelles habitudes
de consommation – via plateforme, à l’usage, as a service,
full digital… Il s’agit aussi de se mettre au niveau des nouveaux
acteurs asiatiques ou américains – Lemonad, Ping An, qui, pour certains,
se lancent à l’assaut du marché européen. |
« Transformation digitale et data ». Depuis quelques années, cet objectif devient de plus en plus pressant pour les acteurs français et europérens. Open API, Big data, blockchain, machine learning, « cloud » ou encore « robo-advisor » sont autant de termes répétés à l’envi par les plus grands assureurs européens. Force est de constater que les assureurs, en France comme dans le reste de l’Europe, sont pour la plupart passés de la parole aux actes, en étoffant leurs offres de services en ligne ou sur mobile. Avec des résultats très variables d’un acteur à l’autre. Un écosystème d’assurtech européennes dynamique Malgré leurs réels efforts, les compagnies d’assurance restent confrontées à de nombreux freins. Des obstacles réglementaires tout d’abord avec le renforcement de la réglementation sur la protection des données des consommateurs (RGPD). Le rôle du régulateur est fondamental, comme l’illustre les régulateurs asiatiques – notamment la Chine, Japon, Vietnam, Corée, ou encore Hong Kong qui libère l’innovation pour aider ses champions dans la compétition mondiale mais aussi pour accélérer l’accès des consommateurs à l’offre bancaire et assurantielle. Des freins culturels ensuite, avec un paysage européen de l’assurance caractérisé par la présence d’acteurs historiques installés de longue date. Ces assureurs s’appuient sur des architectures technologiques et informatiques complexes qui compliquent le passage aux nouvelles technologies, à l’inverse d’un acteur qui part d’une feuille blanche. Ils doivent enfin faire évoluer leur modèle organisationnel, traditionnellement bâti en silos, pour placer davantage le client au cœur de leurs préoccupations et de leurs processus métiers. Cette transformation organisationnelle constitue une impérieuse nécessité pour répondre aujourd’hui aux attentes de clients plus jeunes, adeptes des nouvelles technologies et ayant adopté une logique de consommation instantanée et à la demande. L’industrie de l’assurance peut pourtant compter sur le dynamisme des fintech européennes. Sur le seul marché français, le nombre d’assurtech est ainsi passé de 106 à 187 entre septembre 2017 et septembre 2018[1]. Les exemples sont nombreux, à l’image d’Alan, spécialiste de l’assurance santé qui a levé 37 millions d’euros de capitaux depuis sa création en 2016. D’autres acteurs lui ont emboité le pas comme Luko, qui a récemment levé 20 millions d’euros auprès de fonds d’investissement, ou encore Seyna qui, comme Alan, a obtenu son agrément ACPR. Autant de jeunes pousses qui ont, hélas, encore un peu de mal à percer en raison de l’inertie dans la prise de décision des industriels et des investisseurs européens. Or, le marché européen et français de l’assurance se doit de prendre encore plus clairement le virage de la transformation digitale sous peine de subir la concurrence d’acteurs étrangers, plus innovants dans le domaine du numérique et, surtout, plus en phase avec le consommateur d’aujourd’hui. L’arrivée récente en Europe de l’assurtech américaine Lemonade, spécialisée dans l’assurance habitation, constitue un premier signal de la pression concurrentielle qui touche nos acteurs locaux. Asie et Etats-Unis à la pointe du numérique De fait, les assureurs basés aux Etats-Unis et en Asie affichent d’ores et déjà une plus grande maturité sur les sujets liés à l’innovation technologique et à l’adoption du numérique tant dans les offres commerciales que dans la gestion de la relation clients. Principal enjeu : répondre aux attentes de clients en plein essor particulièrement friands de nouvelles technologies, les « Millenials ». Adepte des smartphones et des réseaux sociaux, cette génération a en effet adopté de nouveaux modes de consommation par rapport à leurs aînés. La relation commerciale traditionnelle à savoir la vente pure de solutions financières et de produits assurantiels par un conseiller physique ne correspond pas à leurs attentes. Les assureurs asiatiques ont donc dû s’adapter à cette nouvelle donne. Dans un tel contexte, des assurtechs se sont engouffrés dans la brèche pour proposer des solutions innovantes jouant la carte de la technologie, de l’instantanéité et de la connivence avec les consommateurs. Les géants chinois de la technologie que sont Tencent et Alibaba ont ainsi lancé Zhong An, la première compagnie d’assurance habitation en ligne qui compte plus de 350 millions de clients. Depuis, que ce soit en Chine ou dans les autres principaux marchés asiatiques, les assurtechs sont légion à l’image de Kyobo Lifeplanet, un assureur-vie sud-coréen, d’Alipay, de PolicyBazaar en Inde (400.000 polices d’assurance vendues par mois) ou encore de CareVoice (environ 500.000 utilisateurs). Tous ces acteurs ont joué la carte de la blockchain, des chatbot, du « machine learning » ou encore du « smart contract ». Autant de technologies et d’outils qui commencent à débarquer en Europe. Des tendances similaires sont à l’œuvre aux Etats-Unis, à l’image de Lemonade (1,2 million de contrats vendus en 3 ans d’existence) mais aussi de Root Insurance, spécialisée dans l’assurance auto, ou encore d’Oscar Health (250.000 clients particuliers et entreprises) dans l’assurance santé, qui parviennent à s’imposer dans le paysage assurantiel grâce, en partie, à des levées de fonds record. Outre-Atlantique, la tendance à la mode est la « computer vision » (ou vision par ordinateur), une branche de l’intelligence artificielle, et du « machine learning » qui permet à un ordinateur de comprendre et d’analyser les contenus d’une multitude d’images et de données. Cette technologie investit désormais le terrain de l’assurance dommages afin de faciliter et d’accélérer les expertises des assureurs lors de la constatation de sinistres à partir de photos envoyées par les assurés. Une solution qui permet aux experts de réagir plus rapidement et de gagner ainsi en efficacité dans le traitement des réclamations. Les assureurs européens et français auraient donc tout intérêt à s’inspirer de leurs concurrents américains et asiatiques accélérant l’innovation afin de ne pas passer à côté des nouvelles attentes des consommateurs. Se donner les moyens de créer du lien, s’approprier les usages et la culture des clients, miser sur l’affinitaire, les communautés et donc, de la proximité, devient ainsi un enjeu majeur pour séduire des « Millenials » devenus la principale cible des compagnies d’assurance. |