Johann Plé commente l’évolution du marché des obligations vertes.
Depuis le lancement du premier « Climate Awereness Bond » en 2007, le marché des obligations vertes connaît une croissance astronomique, et plus particulièrement depuis 2015 où le volume d’émission double quasiment chaque année. Le taille du marché a ainsi cru de 84% en 2017 selon les chiffres du Climate bonds initiative (CBI).
La CBI tablait sur la continuité de cette solide croissance en 2018 avec une hausse de 30% du volume d’émission ($210bn de nouvelles émissions attendues contre $160bn en 2017). Avec un rythme d’émission en croissance de seulement 3%, 2018 marque donc un premier revers pour le marché des obligations vertes.
Ceci ne marque pas pour autant la fin de la fin d’un cycle selon nous : nous sommes convaincus que ce marché continuera de se développer. 2019 commence fort, avec un volume d’émission en hausse de près de 10 milliards de dollars à fin février par rapport à la même période en 2018.
Mettre les choses en perspective : 2018 a été une année difficile sur tous les marchés
Certes, l’année dernière a été une année difficile pour tous les actifs. Le soutien des Banques Centrales a commencé à diminuer, la Banque Centrale Européenne annonçant qu’elle mettrait fin à son programme d’assouplissement quantitatif et la Réserve Fédérale délivrant quatre hausses de taux d’intérêt.
Cette situation, conjuguée aux tensions géopolitiques résultant des négociations autour du Brexit, des guerres commerciales et de l’incertitude politique en Italie, a pesé sur l’appétit pour le risque et a provoqué des sorties de fonds historiquement importantes de la plupart des catégories d’actifs. Dans ce contexte, le volume d’émission sur le marché obligataire mondiale a fortement diminué par rapport aux années précédentes et la demande s’est faite plus timide.
Le tableau n’est pas si noir : un nombre d’émetteurs en hausse de 45% à fin 2018
Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles, au contraire ! Par rapport à 2017, les émissions d’obligations vertes sont restées stables l’an dernier et le « bid to cover » est resté assez élevé, illustrant la demande soutenue pour cette classe d’actifs, alors même que les marchés étaient secoués. Par ailleurs, les nouveaux émetteurs continuent d’affluer, avec notamment de nouveaux émetteurs souverains tels que l’Indonésie, l’Irlande et la Belgique. Le nombre d’émetteurs d’obligations vertes augmente ainsi de 45% par rapport à fin 2017. Par ailleurs, au-delà des émetteurs souverains, le secteur financier s’est montré particulièrement actif, représentant 23 % des nouvelles émissions réalisées l’an dernier, une hausse de plus de 60 % par rapport à 2017*.
La plus grande déception de l’année vient certainement du secteur des entreprises. Les émissions ont diminué de 10 %* en 2018, illustrant le fait que de nombreux émetteurs verts existants ne sont pas revenus sur le marché. Toutefois, il est important de garder à l’esprit que la mise en place d’un « green framework » est coûteuse et prend beaucoup de temps. Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que les émetteurs ayant surmonté ce premier défi continuent à émettre des obligations vertes.
Que nous réserve 2019 ?
Nouvelle année, nouvelles opportunités ! 2019 a de nombreux relais de croissance. De nouveaux émetteurs souverains, comme les Pays-Bas, pourraient rejoindre le marché des obligations vertes. On peut aussi raisonnablement penser que les émetteurs d’entreprises ayant déjà émis une obligation verte avant 2018 vont refaire surface. Enfin, de nouveaux secteurs d’émission pourraient rejoindre la partie comme illustré par l’entrée du secteur des télécommunications en ce début d’année.
Au-delà de cette dynamique, il est important de noter l’amélioration des frameworks d’émissions des obligations vertes que l’on a pu observer dernièrement, avec des émetteurs plus rigoureux et plus transparents. Cette tendance devrait contribuer à renforcer la crédibilité de ce marché.
Il reste toutefois encore beaucoup à faire, notamment sur le plan de la standardisation. Les initiatives sont nombreuses pour définir des normes internationales. La définition d’une taxonomie européenne sur les obligations vertes est ainsi particulièrement attendue, et devrait contribuer à rendre cet univers plus accessible et potentiellement ouvrir la voie à de nombreux nouveaux émetteurs.
Conclusion : 2019 sera verte !
Bien que 2018 n’ait pas répondu aux attentes des investisseurs, nous sommes convaincus qu’il y a des raisons de rester positifs quant à la croissance du marché des obligations vertes. Le marché a atteint 240 milliards de dollars et offre maintenant une plus grande diversification en termes de régions, de secteurs et d’émetteurs.
L’univers est maintenant capable d’absorber de nouvelles émissions sans créer de distorsions. Son profil risque/rendement devient en effet plus stable et de plus en plus comparable à l’univers obligataire conventionnel mondial.
Dans ce contexte et à mesure que la sensibilisation aux sujets climatiques progresse, nous pensons que 2019 sera une année verte, avec un volume d’émissions qui pourrait bien nous surprendre encore une fois à la hausse.
Le début d’année tonitruant observé, avec un volume d’émission en hausse de près de 10 milliards de dollars à fin février par rapport à la même période en 2018, nous conforte dans cette vue.