BlackRock is OUT

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Le retrait de BlackRock, leader mondial de la gestion d’actifs, de l’initiative Net Zero Asset Managers (NZAM) marque un revers majeur dans la lutte contre le changement climatique. Ce départ s’inscrit dans une série de désengagements similaires de grandes institutions financières, mettant en lumière les tensions entre les impératifs climatiques et les intérêts économiques à court terme. Ces décisions interrogent sur l’avenir de la finance verte, qui semblait pourtant gagner en importance depuis la COP26 de Glasgow.

« Les décisions d’aujourd’hui façonneront le monde de demain », rappelle Bruno Boggiani, expert en finance verte, soulignant les enjeux cruciaux de ces choix pour notre avenir collectif.

BlackRock et son initiative fragilisée par des pressions politiques et économiques

Lancée en 2020, la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAM) réunissait des gestionnaires d’actifs engagés à aligner leurs portefeuilles sur un objectif de zéro émission nette d’ici 2050. Ce cadre avait pour ambition de mobiliser la finance en faveur des efforts mondiaux contre le réchauffement climatique, tout en offrant de la valeur aux investisseurs.

Cependant, BlackRock, après avoir subi une perte de 600 millions de dollars dans le capital-investissement et face à des pressions croissantes des politiques conservatrices aux États-Unis, a choisi de se retirer. Ce choix fait écho à ceux d’autres poids lourds financiers comme Vanguard, Goldman Sachs et JPMorgan Chase, qui ont également abandonné leurs engagements climatiques sous la pression d’intérêts à court terme.

Ces retraits massifs fragilisent l’ambition collective de la NZAM et questionnent la capacité des grandes institutions financières à se conformer à des objectifs climatiques ambitieux sans cadre réglementaire contraignant.

Les banques américaines et l’érosion des alliances climatiques

BlackRock n’est pas un cas isolé. La Glasgow Financial Alliance for Net Zero (Gfanz), une coalition mondiale créée après la COP26, regroupe plusieurs initiatives climatiques, dont la Net Zero Banking Alliance (NZBA). Cette dernière, dirigée par l’ONU, comptait parmi ses membres des banques majeures comme Citigroup, Bank of America et Morgan Stanley.

Pourtant, ces institutions ont progressivement quitté la NZBA, invoquant des restrictions supposées réduire leur capacité à générer des rendements compétitifs. Derrière ces justifications économiques, la pression exercée par des gouverneurs d’États républicains, menaçant de couper leurs fonds de pension publics des institutions financières “pro-climat”, a joué un rôle déterminant.

Cette dynamique démontre à quel point les considérations politiques et économiques peuvent prévaloir sur les engagements climatiques, même lorsqu’ils visent à répondre à des crises environnementales et sociales d’une ampleur sans précédent.

Les épargnants face à un dilemme moral et économique

Le cœur du problème réside dans les attentes des épargnants eux-mêmes. Bien que sensibilisés aux catastrophes climatiques – feux de forêt à Los Angeles, inondations à Valence – ces derniers privilégient souvent des rendements financiers élevés à court terme. Les gestionnaires d’actifs, sous la pression d’intermédiaires tels que les assureurs et les fonds de pension, réduisent alors leur engagement envers des portefeuilles respectueux du climat.

Aux États-Unis, où les fonds de pension publics sont particulièrement influents, cette dynamique est exacerbée par l’absence de réglementation contraignante en matière de finance verte. Contrairement à l’Europe, où des cadres réglementaires progressifs favorisent les investissements durables, le laissez-faire américain continue de limiter l’impact global des initiatives climatiques.

La régulation : clé de l’avenir de la finance verte

Historiquement, ce qui oriente véritablement la finance est la régulation. Aux États-Unis, l’absence de lois contraignantes permet aux institutions financières de se désengager des initiatives climatiques sans conséquences immédiates. En revanche, l’Europe offre un contre-exemple encourageant, avec des réglementations croissantes visant à intégrer les enjeux environnementaux dans l’économie et les marchés financiers.

Ces réglementations renforcent la finance verte à travers des investissements publics, des plans cohérents, et des normes strictes. Si les décisions individuelles comme celles de BlackRock sont regrettables, elles ne changent pas fondamentalement la dynamique en Europe, où l’engagement climatique reste une priorité stratégique.

BlackRock et une vision collective pour un avenir durable

Le départ de BlackRock illustre les tensions entre des visions à court et long termes dans la gestion des défis climatiques. Cependant, ces désengagements rappellent également l’importance de renforcer la coopération internationale et la régulation pour transformer la finance en un levier durable.

Judicael Tossou, PDG de UFP, conclut :
« En combinant une vision globale comme celle de la stratégie Net Zero avec des actions locales concrètes, nous pouvons redéfinir les standards de la finance pour qu’ils deviennent une norme, et non une exception. »

Malgré les revers, la finance verte repose sur une dynamique plus large que les décisions individuelles. Si des cadres réglementaires cohérents et des actions collectives sont maintenus, la lutte pour une finance durable peut encore prospérer.

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