Le marché des fonds indiciels cotés (ETF) continue sa progression en Europe. Un chiffre illustre cette dynamique selon Bettina Mazzocchi, responsable de l’activité iShares et Wealth du gestionnaire américain BlackRock pour la région France-Belgique-Luxembourg. « 2022 a démarré en fanfare pour les ETF européens puisqu’ils ont collecté 29 milliards de dollars (25,4 milliards d’euros) en janvier, soit le plus gros flux mensuel jamais observé. C’est dans la continuité de 2021 et cela montre combien les ETF sont en train de devenir un outil de gestion essentiel et un outil de positionnement de marché en Europe », a-t-elle indiqué en préambule d’un rendez-vous avec la presse ce mardi.
Cent millions d’investisseurs
En 2021, la collecte nette, record, des ETF dans le monde a frôlé les 1.300 milliards de dollars soit la somme des flux entrants de 2019 et de 2020 sur le segment. Ceux de la gamme iShares de BlackRock ont levé 306 milliards de dollars au total l’an dernier. De 10.270 milliards de dollars d’encours sur les ETF – tous émetteurs confondus – dans le monde fin 2021, BlackRock s’attend à ce que ce chiffre soit porté à 15.000 milliards de dollars à l’horizon 2025. Le gestionnaire évoque un total de 4.200 milliards de dollars sous gestion indicielle pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) dont près de 2.200 milliards sur les ETF à cette échéance. En attendant 2025, l’activité iShares présentait, elle, des encours de 3.275 milliards de dollars fin 2021 dont 700 milliards pour la région EMEA.
L’évolution du marché ETF
Plusieurs tendances permettent de caractériser l’évolution du marché ETF en Europe selon les experts de BlackRock. Arnaud Gihan, responsable d’iShares en France, évoque d’abord la modernisation des marchés européens soutenue par un triple phénomène : l’amélioration de la transparence du trading des ETF grâce à MiFID II, celle « notable » de l’infrastructure de marché ETF grâce aux ETF obligataires et l’attrait des investisseurs internationaux – d’Amérique latine et d’Asie en particulier – pour les ETF européens.
Bettina Mazzocchi insiste sur le fait que l’ETF est désormais vu comme un complément plutôt que comme un concurrent par les gérants actifs européens, qui expriment maintenant davantage certaines de leurs vues via des ETF et fonds indiciels. Aussi l’ETF s’étend-t-il de plus en plus aux investisseurs particuliers. Bettina Mazzocchi décrit par ailleurs une révolution en cours sur le marché européen de la distribution des ETF avec l’entrée de plateformes d’investissement digitales, qui, associée à une réglementation locale toujours plus accrue, ont mené à une baisse des coûts et commissions et à une réflexion sur la structure des ETF.
« Cent millions de personnes dans le monde faisaient confiance à BlackRock pour la gestion de leurs encours dans des fonds indiciels et ETF en 2021. Nous estimons qu’il pourrait y avoir cent millions d’investisseurs supplémentaires au cours des cinq prochaines années », affirme Bettina Mazzocchi.
L’Allemagne fait figure de tête de proue en Europe sur le segment des ETF, observe-t-elle. La croissance du marché auprès des particuliers y est visible tant sur les plateformes d’investissement digitales (80 milliards d’euros d’encours sur les ETF en 2021) que par les produits d’épargne dédiés permettant l’investissement dans les ETF (15 milliards d’euros en 2021). En France, où l’AMF dénombrait 233.000 particuliers investis en ETF fin 2020, le secteur reste naissant tandis que les investisseurs rajeunissent, ce qui ouvre la porte à une forte croissance du segment ETF dans les prochaines années.
BlackRock indique que quelque 300 ETF sur les 900 que compte sa gamme sont disponibles pour les épargnants français. En outre, 58 contrats d’assurance-vie référencent au moins un ETF iShares (140 ETF différents d’iShares sont référencés au total dans ces contrats) dont un référençant 50 ETF iShares. D’après Bettina Mazzocchi, le produit passif le plus populaire de la gamme iShares en France est l’ETF iShares MSCI Europe SRI Ucits (5,1 milliards d’euros d’encours au 7 février 2022), exposé à l’indice MSCI Europe SRI Select Reduced Fossil Fuel.
ETF durables, nouvelle priorité
Le développement d’ETF « durables » permet la croissance du marché européen du secteur. Chez BlackRock, la collecte nette des ETF iShares en Europe s’est faite pour moitié sur des ETF durables en 2021. S’ils ne représentent que 13% des encours de l’industrie sur la région EMEA, le gestionnaire américain estime que cette proportion atteindra 25% à horizon 2025. Pour ce faire, dit Arnaud Gihan, la firme explore trois pistes : convertir davantage d’ETF existants aux critères ESG, lancer davantage d’ETF durables mais aussi discuter avec les fournisseurs d’indices pour intégrer davantage d’ESG dans les indices suivis par les produits iShares.
A ce sujet, BlackRock comme d’autres acteurs du marché ETF continue d’être critiqués pour leurs ETF encore trop carbonés. « Aucun gestionnaire d’actifs n’a jamais prétendu que les fonds et ETF durables allaient résoudre la problématique du changement climatique (…) Il n’est pas possible de se dessaisir des participations des ETF et fonds indiciels dans certaines sociétés. S’il n’y a pas de menace de désinvestissement, nous sommes investis sur la durée et gestion passive ne rime pas avec actionnariat passif. Les sociétés ont intérêt à prendre en compte les demandes des actionnaires et nous encourageons les sociétés dans lesquelles nous sommes investis à adopter une vision de long-terme sous-tendue par l’investissement durable », défend Bettina Mazzocchi, qui voit en l’ETF un élément indispensable pour l’essor de la finance durable. Arnaud Gihan soutient, lui, que les ETF durables aident à lutter contre le greenwashing et forcent les entreprises à communiquer davantage leurs données ESG.