Avec plus d’efforts à déployer et moins de temps à sa disposition, la Chine pourrait s’imposer comme l’un des leaders mondiaux de la lutte contre le changement climatique.
Dans la course à l’objectif de zéro émission nette, aucun autre pays au monde ne reçoit autant d’attention que la Chine. La couverture médiatique de la décision de Pékin d’arrêter le financement de nouvelles centrales à charbon à l’étranger montre à quel point chaque annonce en matière de politique climatique est scrutée et attise le débat.
La raison en est simple. Le monde a besoin de la Chine pour réduire les émissions globales de carbone. Le pays est en effet le plus grand émetteur de la planète, suivi par les États-Unis, l’UE-28 (l’Union européenne et le Royaume-Uni), l’Inde, la Russie et le Japon. Il est important de noter que la Chine est devenue l’émetteur le plus important en très peu de temps.
Alors que de nombreux pays développés avaient déjà atteint le pic de leurs émissions au début des années 1990, c’est seulement à ce moment-là que la Chine (mais aussi l’Inde) s’est lancée dans un nouveau processus d’industrialisation, avec pour résultat une croissance rapide de son économie et une augmentation de ses émissions de carbone. Ainsi, si le niveau des émissions américaines est resté globalement stable et que les émissions de l’UE ont effectivement diminué depuis 1990, le graphique ci-dessous montre que les émissions chinoises ont, pour leur part, quadruplé.
L’annonce par la Chine de son objectif d’atteindre zéro émission nette de carbone d’ici 2060 en a surpris plus d’un en septembre 2020, surtout que d’autres grandes économies comme les États-Unis ou l’Australie ne s’étaient pas encore fixé d’objectif équivalent à ce moment-là. La décision de Pékin de s’accorder une décennie de plus que d’autres régions, comme l’UE (qui vise zéro émission nette d’ici 2050), a néanmoins aussi fait l’objet de critiques.
Deux éléments importants sont souvent négligés dans le débat autour de l’objectif de zéro émission nette Chine : le pays le plus radical dans la lutte contre le changement climatique ?
Le premier est que les pays mesurent leurs émissions et fixent leurs objectifs en fonction des émissions basées sur la production. Mais il est aussi possible d’examiner le problème sous l’angle des émissions basées sur la consommation, c’est-à- dire les émissions ajustées en fonction des échanges commerciaux. Si un produit est exporté vers un autre pays, les émissions liées à sa production devraient ainsi être prises en compte dans le calcul des émissions du pays importateur.
La Chine étant un exportateur net, ses émissions basées sur la consommation sont inférieures à ses émissions basées sur la production, comme le montre clairement le graphique ci-dessous. Cela signifie que ses émissions sont liées à la consommation des pays qui importent des biens chinois et, par conséquent, que la charge de la réduction des émissions doit aussi être supportée par les consommateurs de ces pays.
Le deuxième élément qui est aussi rarement évoqué dans le débat est le degré d’ambition de l’objectif fixé par la Chine, surtout lorsque l’on voit à quel niveau le pays se situe à l’heure actuelle et le temps qu’il s’est donné pour arriver à ses fins.
Alors que certaines régions comme l’UE avaient déjà atteint le pic de leurs émissions en 1990, la Chine n’a quant à elle pas encore atteint ce plafond. Elle prévoit de le faire en 2030. À ce moment-là, les émissions de la Chine seront probablement deux à trois fois plus élevées que celles de l’UE, Royaume-Uni compris, en 1990.
Cela signifie que la Chine aura deux fois moins de temps que l’UE pour assurer la transition et qu’elle aura un chemin plus de deux fois plus long à parcourir. La Chine disposera également de 15 ans de moins que les États-Unis pour effectuer sa transition.
Le fait que Pékin aura plus de chemin à parcourir et moins de temps pour y arriver signifie que la Chine devrait être le pays qui mettra en œuvre les réformes les plus radicales et interventionnistes en matière de politique environnementale et de finance durable.
Cette transition passera par des changements structurels dans l’économie chinoise, et notamment une réduction significative de la production manufacturière et un important changement du mix énergétique, avec une sortie relativement rapide du charbon. Boston Consulting Group estime le coût de cette transition autour de 13 500-15 000 milliards de dollars d’ici 2050, soit environ 2 % du PIB cumulé chinois entre 2020 et 2050.
Par conséquent, même si l’UE est souvent considérée comme le leader dans la course au zéro émission nette, on peut s’attendre à ce que les actions les plus radicales viennent de la Chine. Le pays pourrait en effet devenir l’un des leaders mondiaux de la lutte contre le changement climatique dans les prochaines décennies. En cas de succès, la Chine pourrait alors montrer à d’autres économies émergentes, comme l’Inde et la Russie, que la transition est possible.