Christophe Cassou : “Nommer, regarder en face, agir”

Dans sa dernière intervention, Christophe Cassou, climatologue et directeur de recherche au CNRS, co-auteur du 6e rapport du GIEC, livre un état des lieux sans concession du bouleversement climatique en cours. Il déconstruit les discours d’autopersuasion, dénonce l’attentisme des responsables politiques et plaide, sans posture alarmiste mais avec une méthodologie implacable, pour un sursaut collectif. Green Finance revient sur cette interview coup de poing, miroir d’une réalité qu’il est urgent de ne plus détourner.

Une voix de rigueur, de lucidité et d’engagement

Christophe Cassou n’est pas un activiste. Il est scientifique. Et c’est précisément cette rigueur qui donne tant de poids à ses mots. Il prévient d’entrée : les modèles climatiques ne sont ni exagérés ni sous-évalués. “Ce qu’on observe dans les données réelles est parfaitement en ligne avec ce que les modèles anticipent depuis des décennies.”

2022 ? “Un été frais” comparé à ce qui nous attend. La mémoire humaine est courte, dit-il, mais les statistiques climatiques ne mentent pas : l’intensité et la fréquence des canicules s’emballent. Nous sommes déjà à +1,2°C. Le seuil de +1,5°C sera franchi en moyenne d’ici une dizaine d’années. Il sera temporairement dépassé entre 2025 et 2029. Et ce n’est pas une question de probabilités. C’est mathématique.

Illusions politiques et urgence d’agir

« On ne s’est pas trompé. Dommage. » Cette phrase résume à elle seule l’amertume du chercheur. Les avertissements des scientifiques n’ont pas été ignorés par ignorance, mais bien par choix. Il pointe du doigt les responsabilités politiques, les demi-mesures, les promesses creuses.

Il parle de “retards structurels”. De la croyance aveugle en des transitions technologiques qui permettraient de ne pas toucher au confort de nos modes de vie. D’une “sidération collective” qui fige, empêche, paralyse. Et pourtant, il n’y a plus de temps à perdre.

Pourquoi la technologie ne suffira pas

La technologie est indispensable, mais elle ne constitue pas une solution autonome. Le chercheur souligne que sans réduction volontaire de la consommation d’énergie et des émissions, aucune innovation ne suffira à inverser la tendance. “On ne décarbone pas une croissance illimitée.”

Il alerte aussi sur les limites physiques de certaines technologies, comme le captage du CO2 ou l’hydrogène vert. Et surtout, sur le décalage temporel entre le déploiement industriel et l’urgence d’agir.

Le récit comme outil de transformation

Malgré la brutalité du diagnostic, Christophe Cassou n’est pas fataliste. Il croit en la capacité d’action. Mais il appelle à une révolution du récit. Il faut sortir des narrations de la performance, du toujours plus, pour construire un imaginaire d’un monde viable, désobéissant au court-termisme.

Nommer les choses. Regarder en face. Et agir. Il en appelle à un courage politique et individuel, non pas fondé sur la peur, mais sur la responsabilité.

Conclusion : un réveil nécessaire

Les investisseurs responsables, les entreprises engagées dans la transition, les citoyens éclairés : tous trouveront dans l’appel de Christophe Cassou un réveil salutaire. Il n’y aura pas de plan B pour la planète. Et chaque degré compte. Chaque année perdue est une défaite annoncée. Mais chaque décision juste, prise aujourd’hui, peut changer la trajectoire.