Un tournant économique et social a l’échelle planétaire

A n’en pas douter, la question de la vaccination contre la Covid-19 aura un impact majeur sur l’économie mondiale et les marchés financiers en 2021. Certes, beaucoup de questions restent pour l’heure sans réponse concernant l’évolution future de cette pandémie historique.
Mais les marchés reflètent des prises de position marquées des investisseurs et une forme de consensus se dégage déjà sur les perspectives sanitaires et économiques.

Une conjoncture sanitaire et économique insolite

Du point de vue sanitaire, il est anticipé que des vaccins seront rapidement inoculés aux populations. D’abord au Royaume-Uni, où 50 % des habitants pourraient déjà être vaccinés d’ici fin mars 2021, puis très rapidement aux Etats-Unis où le même seuil serait atteint en avril. En Europe, il faudrait attendre l’été pour obtenir le même résultat. En Asie, ce ne serait
qu’à l’automne que la moitié de la population serait vaccinée, mais l’efficacité de la gestion de la crise dans cette zone rend ce relatif retard moins problématique économiquement.
Le consensus s’accorde sur le fait que le vaccin serait efficace suffisamment longtemps pour atteindre une immunité de groupe et ainsi surmonter cette pandémie et son lot de restrictions et confinements. En effet, les études actuelles n’ont pour l’heure pas démontré une trop faible pérennité de la réponse immunitaire aux vaccins.
Du point de vue économique, les soutiens massifs des banques centrales et des gouvernements ont permis globalement de préserver les capacités de production et le pouvoir d’achat, ce qui permettrait un redémarrage rapide une fois les confinements terminés. Le consensus penche clairement aujourd’hui vers un rebond économique important en 2021.
Nos anticipations sont en phase avec ces projections et nous considérons donc que la page du volet sanitaire devrait être tournée d’ici la fin de l’année 2021.

Des évolutions sociétales irréversibles

Indépendamment de la trajectoire de la sortie de crise, certaines mutations sociales et économiques ont accéléré avec la pandémie, et des tendances fondamentales de moyen et longs termes ont été mises en lumière.

  • La digitalisation de l’économie va se poursuivre et se renforcer. La crise sanitaire a créé des nouvelles habitudes, des nouveaux besoins : le télétravail, les réunions virtuelles, l’augmentation des achats sur internet, les consultations médicales à distance, l’internet banking, etc. Ils vont perdurer ou s’accroître. Ces comportements ont un point commun : l’utilisation de technologies qui n’en sont qu’au début de leur expansion : notamment le cloud, l’intelligence artificielle, ainsi que la 5G. Les acteurs de ces domaines, que l’on peut considérer comme des plateformes mondiales, vont continuer à étendre leur influence. Google, Amazon, Microsoft et autres continuent à dominer, mais une constellation de sociétés, rapides et agiles, apparaissent ou se développent en s’appuyant sur celles-ci.
  • La décarbonation de l’économie ne fait que commencer. Depuis la signature des accords de Paris, la plupart des Etats et des entreprises mettent en place des programmes ambitieux : énergies propres et renouvelables, protection de l’environnement, biodiversité. L’arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden, qui s’appuie sur un programme environnemental extrêmement audacieux, va accélérer fortement la croissance des initiatives et des investissements respectueux de l’environnement. L’explosion de la demande pour des placements ESG va permettre à un grand nombre de projets de voir le jour et d’être rentables. Fermes solaires ou éoliennes, voitures électriques, utilisation de l’hydrogène, quelle que soit la conjoncture économique, les acteurs de ces secteurs vont croître plus rapidement que l’économie mondiale.
  • Le secteur de la santé n’a plus le droit à l’erreur. La crise sanitaire que nous traversons a encore mis en lumière les faiblesses du système, mais également permis de développer dans un temps record des solutions qui seront utiles pour de multiples applications :

– Prévention : vaccins hygiène, nutrition ;
– Traitement : développement de l’utilisation de l’ARN messager dans la lutte contre le cancer, chirurgie robotique ;
– Télémédecine : consultations médicales sur internet ;
– Formation médicale : le manque de personnel médical qualifié n’est plus
acceptable pour la société.
– Assurances : accès à des soins de qualité, avec une maîtrise des coûts.

Des interrogations qui perdurent

Ces éléments encourageants et ces opportunités d’investissement ne font pas pour autant oublier certains risques à surveiller attentivement ces prochains mois.

Le Congrès américain (Chambre des représentants et Sénat) a plus nettement basculé en faveur des démocrates avec les élections sénatoriales en Géorgie du 5 janvier dernier. Les démocrates ont remporté les deux sièges leur permettant d’atteindre 50 sièges face au même nombre tenu par les républicains. A égalité, le départage au Sénat s’effectue avec la voix de la Vice-présidente démocrate, Kamala Harris. Le parti de Joe Biden étant déjà majoritaire à la Chambre des représentants, il se retrouve en position de force même si cette courte majorité au Sénat ne lui permet pas de voter ce qu’il veut. Alors que les démocrates avaient en tête en 2020 un plan
de relance supérieur à 2 000 milliards de dollars, ils pourraient dans un premier temps tenter d’augmenter l’enveloppe de 900 millions de dollars déjà votée en décembre. Dans un deuxième temps et sur le moyen terme, ils tenteront sans doute de viser une meilleure répartition des richesses, ce qui passerait par une augmentation des impôts des plus fortunés afin de les redistribuer aux catégories les moins aisées. Ces deux mesures, favorables à l’économie, pourraient cependant mener à des tensions inflationnistes, les classes populaires étant notamment les plus susceptibles d’augmenter leur consommation.

L’inflation sera probablement un des principaux sujets de 2021. Son regain, sans doute technique et momentané, provoquerait une hausse des taux à long terme (pentification de la courbe) moins contrôlée par les banques centrales : un rebond économique fort, nourri notamment par une poussée de consommation, et des bases de comparaisons très faibles l’année précédente (avec notamment des prix du pétrole tombés à 20 dollars contre 50 actuellement) pourraient générer sur quelques mois une inflation inattendue.

« La hausse des taux d’intérêt, réaction naturelle à l’inflation, pourrait inquiéter les marchés financiers et peser à la fois sur les actions et les obligations. Cela constituerait sans doute une opportunité d’investissement, car nous ne souscrivons pas à un scénario d’inflation durable. », souligne Damien Charlet, Directeur de la gestion sous mandat de Meeschaert Gestion Privée.

Après une période de doute, le Bitcoin qui avait perdu plus de 70 % de sa valeur entre fin 2017 et fin 2018, a atteint un plus haut historique ces derniers jours. Nous sommes potentiellement à l’aube d’un renforcement de ces monnaies par leur institutionnalisation. Le Bitcoin est de plus en plus considéré comme un actif refuge, sa quantité disponible étant limitée. Quel en serait l’impact sur le pouvoir des banques centrales et sur le contrôle des flux financiers et ne vont-elles pas lancer leur propre monnaie virtuelle pour contrer le Bitcoin ? La valeur d’une monnaie virtuelle est difficile à définir et demeure à la merci des décisions politiques, mais il faut sans doute voir dans leur hausse le signe d’une défiance envers les monnaies
mondiales, la planche à billets tournant à plein régime dans la plupart des zones.

Le risque social ne doit pas être oublié. Aux Etats-Unis, la présidence Trump a porté la fracture sociale à un niveau que les démocrates devront s’efforcer de réduire rapidement. En France, les nombreuses tensions ne risquent pas de s’apaiser à l’approche des prochaines élections présidentielles qui verront sans doute les populismes de tous bords agiter les chiffons rouges à leur disposition. La crise a augmenté les inégalités, outre-Atlantique et dans le reste du monde, et montré que les gouvernements pouvaient trouver de l’argent, quand c’était nécessaire, ce qui rendra les réformes plus difficiles à mettre en œuvre. Ce dernier élément ne milite pas en faveur de la rigueur budgétaire dans les prochains trimestres et augmente à nouveau le risque d’émergence des populismes.

En résumé, des incertitudes demeurent, comme toujours, mais de nombreuses opportunités existent, indépendamment des mouvements de marchés à court terme. Une dose de flexibilité dans une gestion attentive aux risques permanents doit venir dynamiser nos stratégies à long terme.