CSRD : modalités et perspectives, tout ce qu’il faut savoir

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Le 22 décembre 2022 : La nouvelle Directive CSRD concernera 50 000 entreprises européennes, avec pour objectif de normaliser l’information extra-financière.

La nouvelle Directive CSRD 

En résumé :

  • Quelles entreprises seront concernées par la CSRD et quel sera son calendrier d’application ?
  • Quels seront les domaines de reporting et les niveaux d’information requis par la nouvelle Directive européenne ?
  • Quelles implications en termes de gouvernance pour les entreprises ?

Le 22 juin 2022, après 20 ans d’expérimentation et de développement du reporting extra-financier en France et en Europe, un accord a été trouvé par les Etats Membres de l’Union Européenne sur la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Cette Directive, qui viendra remplacer la précédente sur le reporting extra-financier (NFRD), représente un important pas en avant pour faire de l’information ESG un nouveau pilier de la performance économique des entreprises. Avec pour objectif de normaliser l’information extra-financière et d’éviter le greenwashing, elle introduit pour la première fois une obligation de reporting et de vérification d’informations normées en matière de durabilité pour une majeure partie des entreprises européennes. Elle induira aussi une forte connectivité des états financiers et extra-financiers. Cette évolution, associée à d’autres réglementations comme la SFDR ou la Taxonomie verte européenne, devrait transformer durablement l’économie européenne et avoir des répercutions sur les autres zones économiques mondiales.

Décryptage de cette nouvelle réglementation, et de son impact sur les entreprises concernées :

1) Quelles sont les entreprises concernées et quel est le calendrier d’application ?

Avec un périmètre bien plus large que la NFRD, la CSRD concernera 50 000 entreprises en Europe, et s’accompagnera d’une mise en œuvre progressive sur plusieurs années :

  • A partir du 1er janvier 2024 pour les entreprises déjà soumises à une obligation de reporting extra-financier dans la cadre de la NFRD (grandes entreprises cotées de plus de 500 salariés).
  • A partir du 1er janvier 2025 pour toutes les grandes entreprises remplissant 2 des 3 critères suivants : 250 employés, 40 M€ de chiffre d’affaires, ou 20 M€ de bilan
  • A partir du 1er janvier 2026 pour les PME cotées (10 à 250 employés), avec une possibilité de différer leur obligation de reporting pendant 3 ans avec un standard allégé.
  • A partir du 1er janvier 2028 pour les filiales européennes de sociétés mères non européennes qui réalisent plus de 150m€ de chiffre d’affaires en Europe.
  • A noter que les filiales pourront être exemptées de reporting si les sociétés mères fournissent déjà un rapport de durabilité conforme à la CSRD (cette exemption ne s’applique pas aux filiales cotées).

2) Que devront reporter les entreprises et comment ?

Le principal concept apporté par la CSRD est celui de la double matérialité, sur lequel sera basé le reporting de durabilité. ll implique que l’entreprise identifie ses enjeux ESG majeurs à travers les risques et opportunités que ceux-ci peuvent entrainer pour elle, mais aussi des impacts qu’elle peut avoir sur la société et l’environnement.

Le contenu des futurs rapports de durabilité répondant à la CSRD est encadré par les ESRS (European Sustainability Reporting Standards), développés par l’EFRAG selon l’architecture suivante :

  • 3 domaines de reporting
    La stratégie (la stratégie et le modèle d’affaires, la gouvernance et l’analyse des principaux impacts, risques et opportunités), la mise en œuvre (les politiques, les objectifs, les actions et les ressources allouées), et la performance (les indicateurs notamment de suivi de l’atteinte des objectifs).
  • Sur 3 thèmes
    La CSRD couvre l’intégralité des critères ESG : les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.
  • Avec 3 niveaux d’information
  1. Les standards transversesobligatoires pour toutes les entreprises concernées par la CSRD et applicables à compter de l’exercice de reporting 2024 . Actuellement en consultation publique, ces 13 standards feront l’objet d’un Acte Délégué (sorte de décret européen ne nécessitant pas de transposition) prévu en juin 2023. Les thèmes couverts par ces standards sont les suivants :
    • Sujets transversaux (Principes généraux et stratégie, gouvernance et analyse de matérialité)
    • Les enjeux de changement climatique, de pollution, d’eau et des ressources marines, de biodiversité et d’utilisation des ressources et d’économie circulaire pour les standards environnementaux.
    • Les effectifs (conditions de travail, égalité de traitement, respect des droits humains), les travailleurs dans la chaîne de valeur, les communautés impactées, et les consommateurs et utilisateurs finaux pour les standards sociaux.
    • La gouvernance, la gestion des risques, le contrôle interne, et la conduite des affaires pour les standards relatifs à la gouvernance
  2. Les standards sectoriels obligatoires. Les entreprises devront reporter sur une série de standards obligatoires en fonction de leur secteur d’activité. Ceux-ci sont en cours de définition et seront publiés sous forme d’Acte Délégué en juin 2024 pour une application sur l’exercice de reporting 2025.
  3. Les informations spécifiques à l’entreprise, selon les enjeux qu’elle considère importants et qui n’auraient pas été traités dans le reste du rapport de durabilité. Ce reporting est laissé libre aux entreprises.

3) Quelles sont les modalités de reporting de la CSRD et qu’implique-t-elle en termes de gouvernance?

Plusieurs aspects de la CSRD visent à mettre le reporting de durabilité au même niveau de qualité que l’information financière. Ainsi, la période et le périmètre de reporting extra-financier sont alignés sur ceux en vigueur pour les états financiers, et la publication sera réalisée dans une section spécifique du rapport de gestion. Les informations de durabilité seront digitalisées au format ESEF comme les informations financières et disponibles sur l’European Single Access Point (ESAP). La CSRD place également le reporting de durabilité sous la responsabilité de la gouvernance de l’entreprise comme pour l’information financière. L’une des évolutions majeures apportée par la nouvelle directive est aussi l’obligation partout en Europe de faire vérifier les informations extra-financières par le Commissaire aux Comptes (ou un tiers indépendant), délivrant une assurance d’abord limitée, puis raisonnable dans quelques années.

Enfin, la connectivité entre l’information financière et de durabilité est au cœur du dispositif : les informations de durabilité sont des informations qui ne répondent pas aux critères de comptabilisation financière, qui sont parfois liées à des évènements futurs et qui permettent d’éclairer la valeur future de l’entreprise dans un monde qui traverse une période de transformation importante et incertaine.  

4) Comment la CSRD s’articule-t-elle avec les autres initiatives internationales de reporting de durabilité ?

Depuis plusieurs années, l’Europe, à travers la NFRD puis la CSRD, a poussé d’autres initiatives à accélérer en direction d’une normalisation des informations de durabilité.

Aux Etats-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a publié en avril 2022 un projet de règles sur les informations liées au climat à publier dans les documents d’enregistrement pour les entreprises cotées. Une réflexion y est en cours également sur les informations liées au capital humain.

L’IFRS Foundation, de son côté, a décidé en 2021 de créer l’International Sustainability Standard Board (ISSB), une deuxième jambe à côté de l’IASB (qui a développé les normes IFRS financières depuis 20 ans). L’ISSB a mis en consultation en mai 2022 deux projets de standards sur les informations relatives à la durabilité : l’un sur les règles générales et l’autre sur le climat. Le périmètre est donc limité à ce stade par rapport aux ESRS et ces 2 projets de norme issus d’une initiative privée devront être adoptés par des juridictions pour pouvoir être appliqués, sachant que l’Europe et les Etats-Unis ont déjà fait le choix de développer leurs propres normes pour des raisons de souveraineté sur des sujets qui touchent aux politiques publiques.

Dans ce contexte, l’interopérabilité entre ces différentes normes représente un enjeu important pour réduire la charge de travail lié au reporting des entreprises mondiales. Les 3 initiatives sur le climat s’inspirent de la TCFD et sont donc relativement convergentes. Par ailleurs, des réunions de travail se tiennent depuis 1 an pour favoriser cette convergence.

La CSRD a et les ESRS sont néanmoins plus ambitieux par définition : d’abord car ils couvrent d’ores et déjà toutes les thématiques ESG ainsi que les informations matérielles pour l’entreprise et pour la société et l’environnement alors que l’ISSB et la SEC ne s’intéressent qu’à la matérialité financière (pour les investisseurs) du climat ; ensuite car l’Europe cherche à lutter contre le greenwashing en renforçant la comparabilité, la fiabilité et l’auditabilité des informations ESG. Ce faisant, elle est naturellement plus granulaire, plus précise dans ses exigences. Pour toutes ces raisons, l’objectif de l’Europe serait de pouvoir obtenir qu’une entreprise européenne qui répondrait aux exigences des ESRS soit reconnue comme conforme aux exigences de transparence de la SEC et de l’ISSB.

Dans ce contexte, l’enjeu de la consultation publique lancée par l’EFRAG en mai 2022 est de trouver le bon équilibre entre la pertinence, la précision et l’exhaustivité des informations requises. Les projets de standards pourraient être simplifiés, certaines redondances pourraient être éliminées, des sujets environnementaux pourraient n’être demandés que pour certains secteurs et certaines exigences de transparence pourraient être différées dans le temps afin de favoriser une plus grande progressivité.

Maintenant que la CSRD a été approuvée au niveau européen, elle devra encore être transposée dans le droit commun des Etats membres. Elle représente une marche haute pour toutes les entreprises, notamment pour celles qui étaient passées jusqu’à présent « en dessous des radars » de la NFRD. De leur côté, les entreprises françaises déjà soumises à la DPEF paraissent les mieux préparées pour embrasser ce changement, puisqu’elles produisent déjà un rapport extra-financier vérifié par un tiers externe indépendant.

Ce qu’il faut retenir

Fraichement adoptée au niveau européen, la nouvelle Directive CSRD vient imposer à 50 000 entreprises européennes de nouvelles modalités de reporting extra-financier. Pour ces entreprises, les implications sont multiples, notamment en termes de gouvernance. Dans les prochains mois, certains points devront faire l’objet d’un éclaircissement afin de faciliter la mise en œuvre par les entreprises concernées.