Le 17 janvier 2023 : La pandémie de Covid-19 n’est pas encore terminée, mais trois années de vie au rythme de ce nouveau virus ont révélé certaines observations et leçons utiles. Les risques épidémiologiques, systémiques et mondiaux doivent être pris au sérieux. Par Pierre Vaysse
Les réflexions de Pierre Vaysse
La pandémie a tout d’abord démontré la puissance de l’innovation et de la recherche dans le monde de la santé. Jamais, dans sa longue histoire, notre humanité n’avait trouvé aussi rapidement et aussi efficacement un remède à une pandémie mondiale. La possibilité du développement extrêmement rapide de médicaments et de vaccins à une échelle industrielle, conditionné à une mobilisation massive et internationale du monde scientifique, s’est matérialisée sous nos yeux. Les assureurs, en tant qu’acteurs du long terme, doivent tout faire pour favoriser et financer cette innovation, ce qui rentre parfaitement dans leur rôle sociétal. Sur ce plan, nous sommes plusieurs à avoir déjà pris les devants en investissant dans des biotechs ou en remboursant des médicaments innovants tels que l’immunothérapie ou les vaccins ARNs.
« Si la rapide mise en route de nouveaux médicaments est une bonne nouvelle, il ne faut pas éluder les nouvelles questions que cela pose en termes de responsabilité, d’effets secondaires et de pathologies subséquentes. Les assureurs devront donc accepter une prise de risque plus importante, mais en introduisant de nouvelles méthodes de contrôle et en ajustant potentiellement les niveaux des primes »
Plus largement, le développement et le déploiement, accéléré, de nouvelles innovations pharmaceutiques ont des conséquences importantes pour le secteur de l’assurance et notre système de sécurité sociale. Les assureurs doivent en priorité revoir leurs modèles actuariels qui sont, trop souvent, encore calibrés sur les impacts historiques des pandémies. La science a fait tellement de progrès et l’efficacité des entreprises pharmaceutiques est telle qu’elle est désormais en mesure d’avoir un impact mesurable sur les taux de mortalité et de morbidité d’une pandémie dus à une maladie émergente. Cette nouvelle réalité chamboule les schémas assurantiels passés et doit être mieux prise en compte dans les calculs du secteur, à l’avenir.
Le développement plus rapide de nouveaux médicaments innovants impactera aussi l’assurance responsabilité des laboratoires pharmaceutiques et des différents acteurs de la chaîne du médicament. Pour des questions de santé publique, mais aussi de responsabilité, les cycles de vérification sont aujourd’hui nombreux. Si la rapide mise en route de nouveaux médicaments est une bonne nouvelle, il ne faut pas éluder les nouvelles questions que cela pose en termes de responsabilité, d’effets secondaires et de pathologies subséquentes. Les assureurs devront donc accepter une prise de risque plus importante, mais en introduisant de nouvelles méthodes de contrôle et en ajustant potentiellement les niveaux des primes.
Soutenabilité. En cas d’effets secondaires indésirables, le coût pourrait être néanmoins très important pour l’assurance santé. La crise pose donc aussi de manière accrue la question de la soutenabilité de nos modèles de protection sociale et de la prise en charge des pathologies. Des médicaments nouveaux et complexes vont apparaître, avec des coûts de développement très importants. En France, contrairement à d’autres pays, l’Etat a pris intégralement à sa charge la vaccination et les tests mais cela ne sera pas toujours forcément le cas pour des maladies moins aiguës. L’assurance santé devra se repenser pour y répondre sans créer d’inégalités fortes.
Enfin, cette crise a démontré l’importance de la prévention et la nécessité d’être dans un bon état physique pour mieux résister aux pandémies et maladies émergentes. Depuis le début de la crise sanitaire, la capacité du digital et du numérique à impacter la relation des personnes avec leur santé se vérifie chaque jour davantage dans les usages. Pour les assureurs, cela signifie que leur rôle d’accompagnateur et de prescripteur de prévention doit être fortement développé, à l’instar de la plateforme d’information mise en place dès février 2020 par l’alliance digitale contre la Covid-19, puis de la plateforme de prévention en santé mentale déployée par Allianz quelques mois plus tard.
Toutes ces réflexions doivent aboutir à des adaptations nécessaires qui doivent être mises en œuvre sans délai car la Covid-19 n’est pas une parenthèse : le risque épidémiologique n’est pas près de disparaître, c’est même une nouvelle réalité dont la fréquence et l’intensité augmenteront à l’avenir, face à laquelle les assureurs ont un rôle clé à jouer.