Discriminations sur le marché du travail : comment les mesurer, quel coût économique ?

En droit, la discrimination désigne une différence de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi, comme l’âge, l’origine, la religion ou l’orientation sexuelle. Selon le Défenseur des droits, 80 % des personnes faisant face à une situation de discrimination n’ont entrepris aucune démarche pour essayer de faire valoir leurs droits.

Les différentes formes de discriminations

Diverses approches empiriques confirment l’existence de discriminations liées à l’âge, à l’origine, au genre, à l’orientation sexuelle, à la religion ou au handicap sur le marché du travail en France. Au cours des cinq dernières années, un quart des Français déclarent avoir été confronté à des comportements discriminatoires. Certaines discriminations peuvent conduire à des inégalités au sein de l’entreprise. Par exemple, à poste, établissement et temps de travail égal, les femmes gagnent en moyenne 5,3 % de moins que les hommes dans le secteur privé

En sus d’être illégales, les discriminations sur le marché du travail entraînent des pertes économiques. Si le lien causal entre diversité des travailleurs et performance des entreprises est difficile à établir, la réduction des discriminations engendrerait des gains macroéconomiques résultant d’une meilleure insertion des groupes discriminés sur le marché du travail.

Certaines politiques publiques visent à réduire les discriminations sur le marché du travail, comme les mesures actives de réduction des inégalités de traitement dans l’entreprise (index « Egapro ») ou les mesures de sensibilisation pour contrer les stéréotypes. D’autres ont pour but d’agir sur les conséquences directes des discriminations, comme les quotas au sein des conseils d’administration (loi CopéZimmermann de 2011) ou les incitations financières destinées au recrutement de personnes discriminées en raison de leur lieu d’habitation (emplois francs).

Source : Insee, panel tous salariés

La mesure statistique des discriminations est fortement encadrée par le droit

Définition juridique, voie de recours et sanctions des discriminations

En droit, la discrimination désigne une différence de traitement fondée sur un critère illicite. Ainsi, opérer une distinction parmi les salariés ou les personnes candidates à un recrutement, à l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise constitue une discrimination lorsqu’elle est fondée sur l’un des critères prohibés par la loi, tels que l’origine, le sexe, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, la religion, etc.

Il convient de distinguer une discrimination directe, qui correspond à une situation ou une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aurait été dans une situation comparable, sur le fondement d’un critère prohibé ; et une discrimination indirecte, correspondant à une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs prohibés par la loi, un désavantage particulier pour certaines personnes.

Plusieurs dispositions législatives précisent la définition juridique des discriminations, établissent une liste de critères illicites de discrimination et déterminent les sanctions associées. Une première interdiction des discriminations découle de la Constitution de 1958, qui dispose dans son article 1er l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction « d’origine, de race ou de religion ». La loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations définit 18 motifs2 de discrimination directe. En transposant les directives communautaires du 29 juin et 20 novembre 2000, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 a également introduit dans le droit la condamnation de la discrimination indirecte.

L’auteur d’une discrimination encourt des sanctions pénales : l’employeur personne physique ayant commis des actes de discrimination à l’embauche est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 45 000 € et de 3 ans de prison. Les personnes morales peuvent également être accusées de discrimination à l’embauche et encourir jusqu’à 225 000 € d’amende.

En 2020, le Défenseur des droits a recueilli 5 196 saisines pour discrimination. Les chiffres d’infraction rapportés par l’organisme statistique du ministère de l’Intérieur sont très faibles pour la même année (227 infractions pour discrimination à caractère raciste, antisémites ou xénophobes, 31 pour discrimination en raison du sexe, de la situation de famille, de l’état de grossesse)4 puisqu’ils tiennent uniquement compte des comportements discriminatoires reportés. Cependant, selon le Défenseur des droits, 80 % des personnes faisant face à une situation de discrimination n’ont entrepris aucune démarche pour essayer de faire valoir leurs droits. C’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de discrimination dans l’accès à l’emploi (93 % de nonrecours) ou lorsque cette discrimination est vécue comme étant fondée sur l’origine (88 % de nonrecours)5. Cela peut être dû en partie à la difficulté pour un individu de prouver seul qu’il y a discrimination dans un processus de recrutement étant donné que les candidats se distinguent généralement par d’autres caractéristiques que celle discriminée. Des campagnes de test aveugle de grande ampleur sur le recrutement, grâce à des CV anonymes par exemple, sont souvent nécessaires pour en établir la preuve6 (cf. partie 2).

Une mesure statistique fortement encadrée par le droit

En pratique, la production de statistiques ethniques est encadrée juridiquement, ce qui complique la mesure des discriminations fondées sur l’origine.

En effet, le Conseil constitutionnel a interdit, dans une décision de 20077, la mise en œuvre des traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité qui méconnaissent l’article 1er de la Constitution. Plus précisément, sont proscrits :

  • la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques des personnes. Cette collecte est interdite même en cas de consentement explicite de la personne si elle repose sur l’utilisation d’un référentiel ethno-racial permettant de catégoriser l’origine de l’individu ;
  • l’introduction de variables de race ou de religion dans les fichiers administratifs. Le Conseil constitutionnel précise cependant que « les traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration peuvent porter sur des données objectives ». Il explique que « ces données objectives pourront, par exemple, se fonder sur le nom, sur l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française ». Des données subjectives, fondées sur le « ressenti d’appartenance » par exemple, peuvent aussi être recueillies dans des enquêtes statistiques. Dans les faits, diverses enquêtes de la statistique publique, dont notamment les enquêtes Trajectoires et Origines de 2008-2009 et 2019-2020, incluent des questions sur le « ressenti d’appartenance ».

Les comportements discriminatoires sont frequents sur le marché du travail Français

Il existe plusieurs approches pour mesurer les discriminations ; toutes concluent à l’existence de discriminations sur le marché du travail, en France comme dans les autres pays développés.

L’approche expérimentale

La pratique du test aveugle, ou testing sur CV permet de mettre en lumière des pratiques discriminatoires à l’aide d’une expérience. Elle consiste à répondre à des offres d’emploi réelles ou à candidater de façon spontanée en envoyant des CV et lettres de motivation de candidats fictifs, dotés de parcours scolaires et professionnels équivalents mais différant au regard d’un critère discriminatoire prohibé et dont on veut savoir s’il influence la décision du recruteur. Les campagnes de testing portent principalement sur l’origine ethnique mais également sur le sexe, la religion, ou le lieu de résidence.

Les études qui utilisent cette méthode attestent en France de pratiques discriminatoires en fonction de l’origine, de l’âge de la religion et, de manière moins marquée, du sexe :

  • Une étude de 2019 conduite par Quillian et al. compare les résultats des campagnes de testing sur le critère de l’origine menées dans différents pays. Les campagnes réalisées en France montrent qu’à candidature équivalente la probabilité pour les Français supposés blancs par les auteurs de l’étude d’être invités à un entretien d’embauche est de 50 % à 100 % supérieure à celle de Français supposés issus de minorités non blanches par ces mêmes auteurs, contre un écart de 20 % à 40 en Allemagne, aux États-Unis ou en Norvège9.
  • Les seniors auraient 50 % de chances en moins que les jeunes d’être invités à un entretien d’embauche dans de nombreux métiers10.
  • De même, l’appartenance supposée à une communauté religieuse minoritaire peut réduire les chances d’accès à l’emploi à CV équivalent11.
  • On constate aussi une discrimination dans l’accès à l’emploi selon le lieu de résidence dans l’industrie et à Paris d’après une campagne de testing dans 103 grandes entreprises réalisée en France en 201912.
  • Concernant le sexe, une étude de l’IPP (2021) trouve que les candidatures féminines et masculines ont globalement reçu le même accueil de la part des employeurs13. Les femmes pourraient en revanche être discriminées lorsqu’elles sont en âge d’avoir des enfants, les employeurs craignant une moindre implication de ces femmes à des postes à responsabilité14. Par ailleurs, une étude américaine avait montré que les auditions à l’aveugle dans un orchestre augmentaient la probabilité que les musiciennes soient recrutées et promues15.

Ces études présentent plusieurs limites. D’abord, elles se bornent à une ville, un secteur d’activité ou un type de poste et n’identifient la discrimination qu’au stade de l’invitation à l’entretien d’embauche. Ensuite, leur organisation présente un coût élevé, ce qui ne permet pas de les envisager comme des outils de mesure des discriminations à large échelle. Enfin, elles ne peuvent servir à caractériser une infraction pénale en l’état actuel du droit français. Un juge est en effet libre d’accorder le crédit qu’il souhaite à la preuve apportée (testing ou autre)16 ; surtout, l’arrêt du 4 février 2015 de la Chambre criminelle de cassation en interdit le recours à l’administration

L’approche indirecte : les études économétriques

Une autre approche consiste à appréhender les discriminations à partir d’une mesure statistique des différences entre deux groupes de population. En se fondant sur des enquêtes représentatives de la population générale, il est possible de mesurer l’écart de taux d’emploi ou de salaire entre deux groupes en contrôlant l’effet des caractéristiques productives (niveau d’éducation, expérience professionnelle, etc.) :l’écart résiduel peut alors être interprété comme étant le résultat de discriminations entre les deux groupes. Toutefois, neutraliser l’effet de toutes les caractéristiques individuelles observables (diplômes, expérience professionnelle, réussite des tests d’embauche, etc.) n’est jamais totalement possible. On ne peut pas exclure que d’autres variables absentes de l’enquête expliquent l’écart résiduel.

Par ailleurs, les discriminations passées dans le milieu scolaire peuvent influer sur les résultats scolaires17 et le type d’emploi occupé18. Contrôler pour le type d’emploi occupé ou le diplôme efface les traces de ces discriminations passées et leur effet sur le marché du travail.

L’approche économétrique présente toutefois l’intérêt de donner un aperçu des discriminations au-delà des processus d’embauche. Selon une étude de l’Insee19, en 2017, les femmes, à caractéristiques égales,
percevaient une rémunération horaire en moyenne inférieure de 5,3 % à celle des hommes dans le secteur privé20. En se fondant sur la base des données de l’enquête « Formation et la qualification professionnelle de l’Insee », Aeberhardt et al.21 montre que la moitié de l’écart d’emploi sur le marché du travail français entre les travailleurs dont les deux parents étaient français à la naissance et les travailleurs dont au moins un parent avait la nationalité d’un pays africain à la naissance ne peut être expliqué par les variables habituelles (âge, éducation, expérience, etc.). Ainsi, sur les 12,6 points de pourcentage d’écart de taux d’emploi entre ces deux groupes, la moitié pourrait être le résultat de discriminations.

L’approche subjective : les enquêtes sur la perception des discriminations

Une dernière approche consiste à interroger les individus sur leur perception des discriminations. D’après Le 11ème Baromètre Défenseur des droits/ OIT22, 25 % des actifs déclarent avoir été confrontés à des comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion ou au handicap au cours des cinq dernières années, dont 5 % des personnes interrogées « de façon fréquente ». L’exposition à de tels comportements est comparable dans le secteur privé (25 %) et public (27 %). Les comportements sexistes et racistes sont les plus fréquents puisque respectivement 14 % et 9 % des répondants y ont été confrontés. Les personnes à l’intersection de plusieurs catégories « minoritaires » sont les plus touchées.

En matière de recherche d’emploi, 15 % des répondants disent avoir été discriminés au cours des cinq dernières années sur la base de ces critères. Ces résultats font du monde professionnel le milieu où les discriminations seraient les plus prégnantes, devant la scolarité (8 %) et l’accès au logement (5 %)23.

Par rapport aux études économétriques, et au testing dans une moindre mesure, qui font état des discriminations à un moment donné, l’approche subjective et qualitative permet de rendre compte de l’accumulation des différents phénomènes discriminatoires dont les individus peuvent avoir fait
l’expérience. Elles restent toutefois des mesures nonobjectives, ce qui complique les comparaisons entre
pays. D’une part, la composition des minorités dans un pays peut influencer la perception des discriminations et les attentes en matière de lutte contre les discriminations. D’autre part, la catégorisation et le degré d’acceptation sociale de situations de personnes discriminées peuvent également différer.

Les coûts socio-économiques des discriminations sont certains mais difficiles à évaluer

La théorie économique met en avant plusieurs mécanismes qui fondent le lien entre performance de l’économie et discrimination sur le marché du travail :

  • Au niveau de l’entreprise, les discriminations à l’embauche détériorent la qualité de l’appariement sur le marché du travail, si des personnes discriminées obtiennent un emploi inférieur à leur niveau de qualification et des emplois ne sont pas occupés par les personnes les plus qualifiées25.
  • À l’inverse, la similarité sociale de la main d’œuvre peut parfois faciliter la communication et la cohésion du groupe, ce qui se traduirait par une productivité accrue26.
  • Au niveau macroéconomique, les discriminations sur le marché du travail réduisent le rendement des investissements en capital humain pour les discriminés. Cela peut les conduire à sous-investir dans l”éducation et la formation, ce qui affecte leur productivité27 et le niveau de qualification général de la population active.
  • De la même façon, les discriminations peuvent réduire le taux de participation des populations discriminés au marché du travail et la taille de la population active.

Au niveau microéconomique, il est difficile d’établir un lien causal entre diversité et performance des entreprises

L’existence de discrimination à l’embauche sur le marché du travail a pour double conséquence d’empêcher le recrutement de certains salariés qui contribueraient positivement à la productivité des entreprises et de réduire la diversité en leur sein L’analyse de l’effet de la diversité (d’âge, d’origine, de
sexe, etc.) sur la performance des entreprises permet d’appréhender l’effet microéconomique des discriminations, au-delà de ses effets sur les inégalités salariales ou le niveau de la population active.

Plusieurs études se sont intéressées à la corrélation entre parité et performance des entreprises. Tous secteurs confondus, les entreprises composées d’une main d’œuvre très majoritairement féminine ou masculine affichent des niveaux de productivité plus faibles en moyenne que les entreprises plus paritaires28. Toutefois, cette relation peut s’expliquer par des effets structurels ; il se peut que certains secteurs soient à la fois très genrés et moins productifs que la moyenne, sans relation causale entre les deux termes. S’agissant de l’effet de la diversité au sein des instances dirigeantes, il semblerait qu’une amélioration de la représentation des femmes dans les postes à haute responsabilité aille de pair avec une meilleure performance financière des entreprises. L’effet mesuré en France reste cependant de faible ampleur29.

Cependant, le lien causal entre diversité des sexes et performance de l’entreprise est particulièrement difficile à mesurer. En effet, plusieurs variables inobservables peuvent être corrélées à ces deux éléments, telles que les politiques de ressources humaines des entreprises, qui affectent à la fois la performance économique et la sensibilité de l’entreprise à l’égard de l’équilibre hommes-femmes de ses effectifs, ce qui complexifie l’interprétation du lien entre les deux variables. Il peut exister également un effet direct de la productivité d’une entreprise sur sa politique en matière d’égalité professionnelle.

Les effets d’autres formes de diversité ont été étudiés, comme celle de l’âge30. Si certaines études font état d’un effet positif de la diversité de l’âge sur la productivité totale des facteurs31, la majorité conclut plutôt à un effet négatif. Ainsi, en France, une plus grande diversité de niveaux d’âge au sein d’une
entreprise aurait un effet négatif sur la productivité et sur les salaires dans cette entreprise32. De même, des travaux sur données d’entreprises danoises trouvent un effet négatif de la diversité d’âge sur la valeur ajoutée des entreprises, tous secteurs confondus.

Enfin, les résultats des études sur la façon dont la diversité d’origine contribue à la performance des entreprises sont ambivalents. Une plus grande diversité de nationalités34 peut avoir une incidence négative sur la performance, en particulier en raison de barrières linguistiques ou culturelles susceptibles d’entraver la communication ou le transfert de connaissances au sein de l’entreprise35 mais aussi si les biais au sein de la hiérarchie conduit à une réduction du nombre d’interactions. D’autres études montrent, à l’inverse, que la diversité d’origine peut contribuer à améliorer les performances des entreprises, mais aussi la prise de décision et la résolution de problèmes37.

Au niveau macroéconomique, les discriminations sur le marché du travail pèsent sur la population active et donc sur l’activité

D’un point de vue macroéconomique, les études existantes s’accordent sur l’existence de gains
économiques en cas de réduction des discriminations sur le marché du travail, qui proviendraient d’une augmentation de la population active.

Selon France Stratégie38, la résorption des inégalités associées aux discriminations fondées sur le sexe,
l’origine géographique, le lieu de résidence et le handicap sur le marché du travail pourrait induire des gains de plusieurs points de PIB. À titre illustratif, les différents scénarios de réduction des discriminations potentielles39 testés par France Stratégie produisent un effet sur le PIB à long terme compris entre +3,6 % (égalisation des niveaux de rémunération entre les différentes populations considérées) et +14,1 % (égalisation des rémunérations, des taux d’activité, du nombre d’heures travaillées et des niveaux d’éducation des différents groupes).

De la même manière, un rapport de l’OCDE40 publié en 2017 met en évidence le gain macroéconomique associé à une réduction de l’écart entre sexes en matière de participation sur le marché du travail. Si l’écart pouvait être réduit de 25 % sur la période 2013- 2025, cela impliquerait une augmentation de 1 point de pourcentage du taux de croissance annuel moyen du PIB par habitant prévu dans l’ensemble des pays de l’OCDE durant cette période.

Ces estimations reposent sur des hypothèses fortes et doivent être interprétés prudemment, car elles ne tiennent pas compte de l’effet qu’une hausse du taux de participation des personnes discriminées, ou de leurs salaires, pourrait avoir sur les équilibres du marché du travail, ni sur l’ensemble de l’économie. Par ailleurs, la vitesse de diffusion de ces effets ne sont pas connus.

Les instruments de politique économique face aux discriminations sur le marché du travail

Bien que nombre de discriminations sur le marché du travail soient prohibées en droit, elles sont souvent difficiles à prouver. D’autres mesures de politique publique ont donc été mises en œuvre pour promouvoir activement la diversité sur le marché du travail. On peut les classer selon deux catégories.

La première catégorie regroupe des politiques qui ont pour objectif de réduire les discriminations, en contraignant les entreprises à la transparence et en s’attaquant aux stéréotypes.

  • La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel impose aux entreprises de plus de 50 salariés un certain degré de transparence salariale. Elles doivent publier chaque année leur indice d’égalité professionnelle. Cet indicateur repose sur cinq sous-indicateurs chiffrés : l’écart de rémunération entre femmes et hommes, l’écart de répartition des augmentations de salaires, l’écart de répartition des promotions41, le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité, et le poids des femmes dans les plus hauts salaires. Les entreprises ayant un indicateur inférieur à un certain seuil sont dans l’obligation de mettre en place des actions correctives pour atteindre ce seuil dans un délai de 3 ans. Sans quoi, la loi prévoit des pénalités pouvant atteindre 1 % de la masse salariale.
  • Les politiques du marché du travail sont complétées par la mise en œuvre de politiques familiales équilibrées. Le Gouvernement a par exemple allongé le congé de paternité et d’accueil de l’enfant à 25 jours (au lieu de 11 jours) pour promouvoir un meilleur partage des tâches au sein du ménage et une vision moins genrée de la charge familiale. Cette mesure pourrait réduire la discrimination subie par les femmes en âge d’avoir des enfants.
  • En plus de la voie réglementaire, lutter contre les stéréotypes de genre en amont du marché du travail nécessite des actions de sensibilisation. Afin de réduire les stéréotypes de genre dans le système scolaire, qui contribuent à une surreprésentation des femmes dans les métiers les moins rémunérateurs, la convention interministérielle 2019-2024 pour l’égalité entre les filles et les garçons prévoit en particulier la formation de l’ensemble des personnels de l’éducation sur les sujets d’égalité de genre. Ceci pourrait notamment permettre d’agir contre les discriminations en amont du marché du travail, et notamment en milieu scolaire. Les différences de goût déclaré pour les sciences et de confiance en soi en mathématiques seraient à l’origine d’une part importante des écarts d’orientation vers les sciences42.

La deuxième catégorie de politiques publiques vise à corriger les inégalités qui découlent directement des discriminations sur le marché du travail. La France a introduit ces dernières années, par voie réglementaire, de nombreuses mesures mettant en place des quotas pour accroître la part des groupes sous-représentées au sein de l’entreprise, par exemple :

  • La loi Copé-Zimmermann de 201143 promeut une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration (CA) et de surveillance (CS) dans les entreprises cotées et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Elle prévoit que la proportion de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 % au sein des CA et CS, avec des sanctions en cas de non-respect de ce quota.
  • La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées oblige les établissements de 20 salariés ou plus à compter au moins 6 % de salariés handicapés dans leur effectif. Les établissements qui ne respecteraient pas cette obligation sont tenus de s’acquitter d’une contribution financière44 à verser à l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des personnes Handicapées (AGEFIPH) s’ils sont issus du secteur privé, ou au Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP) pour les établissements publics.
  • La loi du 6 juin 2000 visant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives prévoit une obligation de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste. S’agissant des élections législatives, la loi prévoit une parité facultative : les partis qui ne présentent pas une parité entre chaque sexe, se voient appliquer une retenue de la dotation financière, doublée par la loi du 2 août 2014.
  • Des incitations financières sont également mobilisées pour que les entreprises diversifient leur recrutement, comme par exemple les primes à l’embauche (sous forme d’exonération de charges patronales, de subventions, ou d’aides forfaitaires). En France, elles sont le plus souvent temporaires et s’appuient sur des critères socioéconomiques. Au-delà de la lutte contre les inégalités résultant des discriminations, ces mesures ont pour effets d’augmenter le rendement de la formation et de la participation au marché du travail pour les populations discriminées, réduisant ainsi les biais d’autosélection dont elles souffrent, et améliorant le potentiel de l’économie dans son ensemble