Les conséquences du changement climatique – et ce qu’il pourrait en coûter aux investisseurs – varieront de manière significative selon les régions du monde.
Des économies en surchauffe ?
RCP2.6 est le scénario « optimal ». Dans ce scénario, les émissions de GES sont suffisamment réduites pour que le réchauffement climatique soit limité à environ 1,5 à 2 degrés au-dessus de la moyenne pré-industrielle. De l’autre côté du spectre, on trouve le RCP8.5. Il s’agit du scénario « du pire ». Il reflète le statu quo, soit le fait qu’aucun effort ne soit fait pour réduire les émissions. Ce scénario prévoit une hausse des températures mondiales de 4 degrés comparé à la moyenne pré-industrielle d’ici 2100.
Le GIEC souligne que – comme le montre le Graphique 1 – tous les pays sont susceptibles de connaître des températures plus élevées d’ici la fin du siècle, mais que le réchauffement climatique sera plus grave dans certaines régions du monde. L’impact économique du changement climatique sera donc également variable, ce qui aura des répercussions importantes pour les rendements des actifs.
Évolutions de la température moyenne en surface et des précipitations moyennes (De 1986-2005 à 2081-2100)
En particulier, il est attendu que la région arctique continue à se réchauffer plus rapidement que la moyenne mondiale. En outre, les températures dans les latitudes plus élevées de l’hémisphère nord augmenteront plus rapidement que dans les régions tropicales.
Les précipitations ne seront pas non plus réparties uniformément autour du monde. Elles devraient augmenter dans les régions situées à haute latitude et dans le Pacifique équatorial, soit des régions déjà touchées par de longues saisons de mousson. Elles devraient également diminuer dans les régions subtropicales de latitude moyenne, qui sont généralement des zones arides.
Ces changements signifient que les zones humides du monde devraient devenir plus humides encore à mesure que le changement climatique s’intensifie, tandis que l’eau devrait devenir moins disponible dans les zones où l’approvisionnement en eau est déjà rare. Par exemple, l’Inde, le Pakistan et le Népal sont susceptibles de connaître des saisons de mousson plus graves, tandis que les pays d’Afrique et d’Amérique du Sud devraient connaître des situations d’aridité plus intenses.
L’impact du changement climatique sur la productivité
Nous avons pris en compte l’impact économique du changement climatique dans nos prévisions de productivité à long terme. La méthodologie et les implications pour les investisseurs sont expliquées dans nos prévisions de rendement sur 30 ans.
Comme le soulignent les récentes recherches de Burke et Tanutama, il existe une relation quadratique entre la croissance de la productivité et la température. Cette relation signifie que la productivité des « pays froids » augmente en suivant l’augmentation des températures annuelles, mais qu’à partir du moment où les températures annuelles franchissent le seuil des 12-13 °C, la productivité commence à décliner.
Par exemple, dans les pays froids, une hausse des températures pourrait permettre l’ouverture de nouvelles zones de culture ou de nouvelles zones maritimes pourraient devenir navigables et disponibles pour la pêche à mesure que la glace fond. Au contraire, dans les pays chauds, la production agricole devrait diminuer en raison d’une désertification accrue. La production du bétail diminuera également du fait de l’augmentation du stress thermique.
Le Graphique 2 montre les coûts des risques physiques dans le cas d’un scénario où les températures mondiales augmentent de plus de 3 °C d’ici 2100 par rapport à la moyenne pré-industrielle. Ce scénario implique que les économies mondiales échouent à mettre en place des stratégies de réduction adéquates pour limiter les émissions de carbone.
Les coûts sont exprimés par rapport au « scénario sans changement climatique », dans lequel les températures ne sont pas affectées. À un horizon de 30 ans, la Suisse, le Canada, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni seront tous mieux lotis dans un scénario où le réchauffement climatique dépasse de plus de 3 °C les niveaux pré-industriels. La productivité se détériore en Australie et dans la plupart des pays émergents.
Les conséquences les plus visibles du changement climatique
Ce n’est pas seulement sur le long terme que le changement climatique peut causer des dommages économiques. Les phénomènes météorologiques extrêmes montrent bien qu’il existe également un impact à court terme. Les ouragans Harvey, Irma, Katrina et Sandy ont déjà montré à quel point le changement climatique peut être préjudiciable aujourd’hui. Ces phénomènes font partie des exemples les plus visibles des conséquences à court terme d’un monde qui se réchauffe.
Il est bien connu que le réchauffement climatique a provoqué une hausse significative des phénomènes météorologiques sur les dernières décennies. Au niveau mondial, le nombre moyen de cyclones tropicaux par décennie est par exemple passé de 14 à 23 depuis le début des années 1980, tandis que le nombre d’inondations a presque doublé. Le GIEC souligne que les risques associés aux phénomènes extrêmes continueront à croître, ces phénomènes devenant plus fréquents et plus perturbateurs à mesure que les températures augmentent.
Les phénomènes météorologiques extrêmes, puisqu’ils dépendent strictement des changements de température et de précipitation, impacteront de façon inégale les différentes régions du monde. Les inondations et les cyclones tropicaux n’ont augmenté que dans certaines parties du globe au cours des dernières décennies. Le Graphique 3 ci-dessous montre les évolutions du nombre moyen de ces phénomènes dans la première décennie des années 2000 par rapport aux années 1980. Il suggère que les inondations et les cyclones tropicaux sont devenus plus fréquents en Asie du Sud-Est, conformément à l’analyse du GIEC.
Ces phénomènes peuvent avoir des conséquences bouleversantes et dévastatrices pour les populations. Les données de l’Observatoire des situations de déplacement interne soulignent que depuis 2008, près de 200 millions de personnes ont dû quitter leur domicile, les inondations et les tempêtes représentant près de 98 % des causes de ces déplacements.
Plus important encore, les données montrent que les habitants de certaines régions du monde ont été plus durement touchés que d’autres. En particulier, les habitants des Philippines ont été les plus menacés, le nombre de nouveaux déplacements atteignant 46 % de la population depuis 2008. Le reste de l’Asie du Sud-Est et la Chine ont également été touchés par des conditions météorologiques extrêmes, ainsi que les États-Unis et le Japon. Les populations vivants dans les pays européens et au Royaume-Uni sont celles qui ont le moins souffert des déplacements dus aux conditions météorologiques extrêmes.
Enfin, il convient de souligner que les données concernent les déplacements au sein des pays – mais nous pensons qu’il est raisonnable de supposer que la migration interne est positivement corrélée à la migration externe. Cette corrélation pourrait suggérer qu’à mesure que le réchauffement climatique s’intensifie et que les conditions météorologiques extrêmes deviennent plus dures, nous pourrions voir davantage de personnes quitter les zones à haut risque, comme les pays asiatiques, pour vivre dans les régions du monde plus sûres.
Qu’en coûtera-t-il aux investisseurs ?
Selon certaines études sur l’économie du changement climatique, les catastrophes naturelles pourraient en fait susciter une amélioration de la productivité des entreprises et favoriser la croissance à long terme. En effet, les entreprises qui survivent aux catastrophes vont moderniser leur outil de production et adopter de nouvelles technologies. Cette hypothèse selon laquelle les catastrophes stimulent la croissance repose sur la théorie dite de la « destruction créatrice ».
Cependant, cette théorie n’est pas entièrement prouvée. Une étude récente a analysé l’exposition physique des pays à l’univers des cyclones tropicaux des années 1950 à 2008. Cette étude démontre sur des bases solides que, par rapport à leur tendance avant la catastrophe, les revenus nationaux diminuent et ne se rétablissent pas dans les 20 ans. Ce phénomène semble s’expliquer par le fait que les catastrophes ralentissent temporairement la croissance en détruisant le capital, mais qu’aucun rebond n’intervient car les différents mécanismes de relance ne parviennent pas à compenser l’effet négatif à court terme de cette perte de capital.
L’analyse semble corroborer l’hypothèse d’une « absence de reprise », constatant qu’un écart-type de 1 de l’exposition aux cyclones sur un an freine la croissance du PIB de 3,6 points de pourcentage sur 20 ans, ce qui correspond à un retard de croissance de deux ans pour un pays moyen.
Dans notre analyse des rendements sur 30 ans, nous avons pris en compte l’impact du réchauffement climatique sur la productivité pour constater qu’il aura un impact sur les rendements des actions à long terme. Sur le long terme, la productivité est un facteur clé du rendement des actions. Par conséquent, les rendements des actions seront affectés par le changement climatique à travers son effet sur la productivité.
Le Graphique 6 compare le rendements de nos actions sur 30 ans avec et sans le réchauffement climatique. Il est clair qu’il y aura des gagnants et des perdants suite à la hausse des températures.
En particulier, les actions canadiennes, britanniques et européennes afficheront des rendements plus élevés par rapport au scénario sans changement climatique. Le changement climatique est une mauvaise nouvelle pour les investisseurs en actions des marchés émergents, le coup le plus dur étant porté par l’Inde, le Brésil, le Mexique et l’Afrique du Sud.