L’été 2021 illustre le peu de liens entre la planète Terre et la planète finance. Alors que la première fait face à une avalanche de catastrophes, les indices boursiers tutoient leurs sommets des années 2000 et les dividendes retrouvent leur niveau élevé de 2019. Les impacts des catastrophes climatiques sont indécelables sur des courbes, que, pourtant, un simple communiqué de la Banque Centrale américaine a le pouvoir d’infléchir brutalement.
Jusque-là tout va bien… sur les marchés financiers. Pourtant l’été a été chaud sur toute la planète. Des méga feux ont ravagé la Grèce, la Californie, la Kabylie, le Massif des Maures… Des dômes de chaleur ont écrasé le Canada, les États-Unis, l’Espagne. Les signaux d’alerte sur l’ampleur du dérèglement climatique se multiplient mais ils ne parviennent pas jusqu’à la planète finance.
Le premier vrai décrochage des cours des grands indices boursiers a été provoqué par un communiqué de la Banque Centrale américaine (FED) pouvant laisser planer une menace sur l’écosystème de la planète finance, noyé dans un océan de liquidités. Elles lui sont indispensables puisqu’elles permettent de maintenir à flot l’endettement colossal, des pays comme des entreprises. La visualisation du ratio PIB sur endettement, réalisée par Courrier International, montre les risques de ce modèle particulièrement prisé dans des pays comme le Japon, les États-Unis ou la France.
Comment apprécier la “santé de l’économie” quand le fossé se creuse entre un monde réel qui accumule les mauvaises nouvelles, du Covid-19 aux secteurs fragilisés à l’extrême (aérien, automobile, textile, tourisme…) et le monde de la finance, plus virtuel, qui multiplie les chiffres ronflants… donc rassurants ? Dernière livraison en date : une étude du cabinet Janus Henderson. Pour l’année 2021, elle évalue le montant des dividendes versés à 1 300 milliards de dollars, un niveau équivalent à celui de 2019 qui était très élevé. À titre comparatif, ils dépassaient à peine les 700 milliards après la crise financière de 2008.
Le cours des matières premières agricoles
Ce paradoxe relance les interrogations nées de l’Accord de Paris de 2015 visant à limiter le réchauffement climatique à deux degrés : comment produire beaucoup moins, plus local et en diminuant drastiquement le recours aux énergies fossiles ? Est-il possible de réorienter les flux financiers pour qu’ils alimentent ce nouveau modèle bas carbone et inclusif ? Ces débats ont lancé le mouvement de la finance verte. En six ans, il s’est développé suffisamment pour peser sur le secteur des énergies fossiles et amener de nombreux capitaux aux énergies renouvelables. Mais sa capacité de transformation plus globale reste à démontrer puisque la finance verte n’a pas remodelé la finance tout court.
Les brèches ouvertes par le Covid-19 dans l’économie réelle n’ont pas d’équivalent dans les marchés financiers dominés par une vision abstraite et ultra-court-termiste des paramètres économiques. Pourtant il existe des points de jonction entre ces deux univers capables de démontrer l’effet papillon du changement climatique : les matières premières. Les cours du blé et du café ont été dopés par les mauvaises nouvelles climatiques et cela a des impactes mesurables sur toute l’industrie agroalimentaire .
Cela suffira-t-il à déclencher l’alerte sur les marchés financiers pour qu’ils mobilisent massivement leurs liquidités sur l’adaptation aux nouvelles conditions climatiques ? Rien n’est moins sûr et il serait terrible qu’une crise financière amenée par leur décorrélation avec des risques très concrets portés par le changement climatique et la perte de biodiversité, fasse, en plus, disparaître les moyens nécessaires pour rétablir l’équilibre planétaire. Reste à espérer que la COP 26 permette de retrouver l’élan de 2015 et fasse bouger les lignes.