ESG : vers une simplification risquée pour l’Union européenne

ESG union européenne

La Commission européenne propose de simplifier les réglementations ESG pour alléger les contraintes des entreprises. Si l’objectif est de renforcer la compétitivité, cette démarche inquiète les acteurs du développement durable. Elle pourrait affaiblir les ambitions initiales, nuire à la transparence et ralentir le financement de la transition écologique en Europe.

Une initiative de simplification qui divise

La Commission européenne souhaite alléger certaines obligations réglementaires en matière d’investissement durable. Ce projet, nommé paquet Omnibus, touche trois textes clés :

  • la CSRD (directive sur les rapports de durabilité des entreprises)
  • la CSDDD (devoir de vigilance des entreprises)
  • la taxonomie verte européenne

Officiellement, l’objectif est de booster la compétitivité des entreprises européennes, en particulier face à des concurrents comme les États-Unis ou la Chine. Mais cette volonté de simplification soulève de nombreuses interrogations.

Des règles à peine mises en place déjà allégées

La réforme arrive alors que la CSRD et la CSDDD entrent à peine en vigueur. Ces textes, fruit de plusieurs années de concertation, ont déjà été adoptés dans plusieurs pays comme la Belgique. De nombreuses entreprises ont commencé à adapter leurs processus, à engager des dépenses importantes et à structurer leur reporting ESG selon les principes de double matérialité.

La réduction du périmètre d’application concerne près de 80 % des entreprises initialement visées. Les PME, pourtant essentielles à la croissance européenne, se retrouvent désormais exclues, alors qu’elles avaient un rôle crucial à jouer dans la chaîne de valeur. En réponse, des indicateurs volontaires (VSME) pourraient être proposés pour maintenir un certain niveau de transparence.

Entre compétitivité et clarté réglementaire

La complexité des règles actuelles est souvent critiquée. Mais cette simplification soulève une autre problématique : le besoin de stabilité réglementaire. Les entreprises et investisseurs réclament des règles claires, prévisibles et interopérables. Or, cette réforme pourrait prolonger l’incertitude pendant 12 à 15 mois, le temps que le Parlement européen et le Conseil se prononcent.

Autre inquiétude : la cohérence avec d’autres réglementations comme le SFDR ou MiFID. Ces textes, en pleine révision, dépendent fortement de la qualité et de la fréquence des données ESG collectées. Sans reporting fiable, les gérants devront s’en remettre à des estimations et notations ESG tierces, souvent coûteuses et parfois biaisées.

Vers une déréglementation déguisée ?

En se concentrant uniquement sur les partenaires directs dans la CSDDD, la diligence raisonnable des entreprises devient plus limitée. Pour les investisseurs, cette orientation soulève une question cruciale : comment respecter leur devoir fiduciaire sans données ESG solides et vérifiées ? Le point d’accès unique européen (ESAP) devient alors indispensable pour centraliser les données brutes émises par les entreprises.

Replacer l’ESG au cœur de la stratégie

Plutôt que de percevoir l’ESG comme une contrainte, il est essentiel de la considérer comme un levier stratégique. L’analyse ESG permet d’anticiper les risques à long terme et d’identifier des opportunités, comme la gestion des actifs à risque environnemental. Abandonner la double matérialité serait une erreur : elle reste essentielle pour comprendre les impacts croisés entre entreprise, société et environnement.

Pour une simplification intelligente, pas un recul

Dans un contexte d’incertitude géopolitique et économique, l’Europe a besoin de règles claires, stables et alignées sur les normes internationales. L’ESG ne doit pas devenir un exercice de conformité, mais un outil d’analyse au service de la transition. La simplification ne doit pas effacer l’ambition.

Les entreprises et les investisseurs doivent co-construire une réglementation utile, compréhensible et efficace, capable de mobiliser les capitaux nécessaires à la transition environnementale sans freiner l’innovation ni la croissance.

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