Les investisseurs seraient moins sensibles aux enjeux sociaux ? En effet, les marchés financiers ne semblaient jusqu’ici pas subir de réactions en chaine à l’annonce de drames sociaux tels que des suicides chez un opérateur Telecom, ou l’effondrement d’une usine de textiles au Bangladesh,
contrairement aux risques de gouvernance ou à la baisse des prix du pétrole. Mais cela est peut-être sur le point de changer.
Green finance rencontre Luisa FLOREZ, Directeur de la Gestion et Recherche Thématiques Durables, La Banque Postale AM
Le rôle de l’investisseur en tant qu’acteur responsable prend ainsi tout son sens
C’est un fait, les risques d’image et de réputation d’une entreprise ont plus de répercussions chez les investisseurs, alors que les enjeux sociaux ne disposent pas d’une lisibilité suffisante par les marchés financiers. Or le lien entre les enjeux sociaux et la performance financière de l’entreprise n’était pas directement établi avant 2020.
Si la publication de 17 objectifs de développement durable en 2015 de manière concomitante aux Accords de Paris, a permis de mettre en avant les enjeux environnementaux et climatiques, les objectifs liés à l’égalité, à l’accessibilité de l’emploi, à l’éducation et finalement à la santé, n’ont, eux,
pas bénéficié de cette visibilité.
Toutefois, les dernières actualités sociales (la crise des retraites, le coronavirus, l’augmentation du chômage et les manifestations “Black Lives Matter” aux Etats Unis), ont conféré à cet enjeu une nouvelle visibilité sur la scène médiatique, mettant en lumière le rôle des marchés financiers, en tant que sources ou vecteurs de solutions des problèmes sociaux, selon les points de vue. Le rôle de l’investisseur en tant qu’acteur responsable prend ainsi tout son sens. Car sélectionner des entreprises qui contribuent à réduire les inégalités, à assurer l’accès à un emploi décent et à un salaire de
subsistance, et qui respectent la diversité dans l’entreprise à toutes les échelles de la hiérarchie, devient une question centrale.
Plusieurs indicateurs prouvent d’ailleurs que les enjeux sociaux gagnent du terrain dans le monde de l’investissement, ainsi :
- 3 appels d’offre institutionnels diffusés cet été intégraient des questions ayant trait à la santé, à la génération d’emploi et aux conditions sociales des salariés
- Le nombre des résolutions à caractère social soumis par les actionnaires dans les Assemblés Générales pour améliorer les conditions sociales des entreprises a augmenté en 2020. LBP AM a en particulier identifié 85 résolutions au niveau mondial dont 35 sur son périmètre de vote.
- Le marché des social bonds ne cesse de croître depuis la crise du COVID : d’après Bloomberg, 42 milliards de dollars ont été émis au 1er semestre 2020, soit quatre fois plus d’investissements que sur la même période en 2019.
- Enfin, les engagements individuels et collectifs autour des questions sociales se multiplient, autour des conditions sociales des salariés, de la diversité au sein des organes de direction et des indicateurs permettant d’évaluer la contribution des investisseurs pour réduire la pauvreté.
Les investisseurs parait plus lente que d’autres thématiques de l’investissement responsable
Aussi, si la prise en compte des sujets sociaux par les entreprises et les investisseurs parait plus lente que d’autres thématiques de l’investissement responsable, l’année 2020 semble marquer un point de fracture favorable à l’essor de cette thématique. Selon une étude réalisée par des analystes sell-side à partir des données MSCI, le pilier Social a sensiblement surperformé en 2020, notamment aux US, au détriment du pilier de Gouvernance.
Cette question doit donc s’intégrer pleinement et structurer la démarche de l’investisseur responsable, qui doit l’inscrire systématiquement dans son évaluation extra-financière des entreprises. Il revient alors à l’équipe d’analyse d’évaluer les pratiques sociales et sociétales des entreprises en étudiant, d’une part les conditions de travail et les droits humains et d’autre part, les sujets liés à la création d’emploi et à l’accessibilité aux produits et services de base. De la même façon, la diversité et le partage équitable des ressources doivent être analysés rigoureusement et pris en considération dans la démarche d’engagement et de vote, afin d’encourager les entreprises qui en ont besoin à revoir leurs pratiques sociales.
C’est par exemple dans cet esprit que nous avons fait le choix, chez LBP AM, d’exclure les sociétés qui violent de manière systématique, fréquente et sans mesures correctives les droits humains, tels que des gestionnaires de prisons privées par exemple.
L’année 2020 aura ainsi marqué l’émergence du volet social comme enjeu stratégique et de long terme, lui permettant d’être identifié à la fois comme vecteur de performance pour les entreprises et comme opportunité pour générer un impact positif des actes de gestion.
Pourquoi considérez vous 2020 comme une véritable rupture sur la partie sociale ? ( Green Finance )
“En 2020, le pilier social a contribué aux performances financières notamment des entreprises américaines (selon des études basées sur des agences de notation spécialisées). L’analyse extra financiere permet de donner du sens à l’investissement.
Aux US, le nombre de résolutions sociales proposées aux actionnaires ont fait débat.
Après la gouvernance, le climat, le social entre dans les preoccupations publiques et funancietes
L’évolution des social bonds, de mars à juin 2020 ont bondi de 300 pourcent à 80 mds EUR,
Une évolution rarement vu dans d’autres classes d’actifs.”
( Luisa FLOREZ, Directeur de la Gestion et Recherche Thématiques Durables, La Banque Postale AM )
Accepteriez vous d’être notre Main Speaker à notre prochaine Conférence Green Finance ? ( Green Finance )
“Evidemment ! “
( Luisa FLOREZ, Directeur de la Gestion et Recherche Thématiques Durables, La Banque Postale AM )