LLe débat autour de la mesure de l’impact des placements financiers cristallise les récentes évolutions de l’Investissement Socialement Responsable (ISR), qui continue sa période de mutation.
Quelles incidences sur l’économie réelle ?
A l’origine, l’ISR se définit par son approche : la vision d’un investissement qui doit intégrer des critères extra-financiers dans son processus de sélection des entreprises; une méthode de sélection reposant sur des pratiques variées : « best-in-class » (meilleures entreprises dans chaque secteur), « best-in-universe » (meilleures entreprises tous secteurs confondus), « best-in-progress » (dynamique d’amélioration des entreprises) …
Autant de jargons méthodologiques difficiles à déchiffrer pour les particuliers, qui ne perçoivent pas dans ces termes la réalité de leur démarche. L’accent a ainsi été mis sur une obligation de moyens, sans évaluation tangible des résultats obtenus en bout de chaîne. De façon concrète, comment cet acte d’investissement a-t-il une incidence sur l’économie réelle ? Quelle valeur ajoutée sociale et environnementale apportent les fonds ISR ? De quelle façon évaluer cette performance extra-financière ? C’est cet enjeu clé de la mesure de l’impact qui constitue le nouveau défi de légitimité de l’ISR.
Premiers jalons de cette évolution : des avancées majeures
Le label ISR public, une initiative nationale innovante
Initié en septembre 2016, le label gouvernemental innove en matière d’exigence de transparence et d’évaluation pour les fonds ISR. Au-delà des critères de robustesse méthodologique, les pouvoirs publics souhaitent ainsi créer une nouvelle dynamique de Place qui s’inscrit dans les récentes évolutions réglementaires*. Les objectifs ESG** du fonds sont mis en cohérence, avec un impact réel.
Cette démarche nécessite d’évaluer ex-post « les impacts positifs de la gestion ESG sur le développement d’une économie durable »***, en définissant des indicateurs adaptés. Quatre domaines d’évaluation ont été définis : l’environnement, les performances sociales, la gouvernance et le respect des Droits humains. Charge à chaque société de gestion de concevoir les indicateurs les plus pertinents pour chacune de ces thématiques.
Les « Principes pour la Finance à Impact Positif », nouvelle étape en faveur d’une finance responsable internationale
Cette initiative lancée en janvier 2017 par une vingtaine d’acteurs financiers internationaux, représentant 6 600 milliards de dollars d’actifs sous gestion, vise à encourager l’impact positif des investisseurs sur la croissance économique, la préservation environnementale et le bien-être humain.
Il s’agit de rediriger une partie des actifs vers des projets durables, à réelle valeur ajoutée en matière sociale ou environnementale. L’acte d’investissement devient alors un outil proactif destiné à répondre à des défis très concrets et éminemment complexes, tels que le changement climatique, le vieillissement de la population, la sécurité sanitaire, la préservation de la biodiversité, l’accès à l’eau, etc.
Les grands principes définis incitent à un changement de paradigme en faveur d’un financement du développement durable. A chaque acteur financier d’être créatif et innovant dans son approche de la mesure des impacts associés aux investissements.
Les prochains enjeux d’un « ISR à impact » : un parcours encore semé d’embûches
Il faut se réjouir des étapes fondamentales franchies ces derniers mois. Cependant, d’importants obstacles restent encore à franchir pour transformer ces engagements collectifs en réalisations concrètes et fonctionnelles.
L’accès aux données reste l’écueil le plus évident : si la disponibilité des données environnementales a fortement progressé ces dernières années, notamment grâce au « Carbon Disclosure Project », une démarche de Place est nécessaire pour améliorer l’homogénéité, la comparabilité et la pertinence des données sociales communiquées par les entreprises, sans lesquelles toute construction d’indicateur s’avère impossible.
Une réflexion méthodologique majeure doit aussi être initiée : toute comparaison sectorielle par rapport à un indice implique de repenser la catégorisation des activités. Pour créer un indicateur de comparaison ESG, il est en effet nécessaire de se baser sur des classifications sectorielles qui reflètent des réalités industrielles.
Enfin, la prise en compte de l’évolution des performances extra-financières des investissements doit s’inscrire dans la durée. La dynamique de progrès et d’engagement représente un signal fort pour appréhender la qualité sociale et environnementale d’un portefeuille. Cet enjeu exige donc une homogénéité et une pérennité des indicateurs sélectionnés.
*Article 173 de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : obligation pour les investisseurs institutionnels de communiquer sur l’intégration des critères ESG dans leur politique d’investissement, ainsi que sur leur gestion des risques climatiques et leur contribution au financement de l’économie verte.
** Critères extra-financiers « Environnement, Social et Gouvernance », pris en compte dans les fonds ISR.