France et zone euro : la balance des revenus

La balance des revenus s’additionne à la balance commerciale des biens et services pour constituer la balance courante. La balance des revenus joue un rôle économique important en affectant directement la balance courante et en traduisant un ensemble très large d’échanges de services.
Par Alban AUBERT, Direction générale du Trésor

France : la balance des revenus excédentaire

La balance commerciale des biens et des services fait traditionnellement l’objet d’un plus grand suivi que la balance des revenus en raison du volume d’échanges quatre fois supérieurs à celui de la balance des revenus, d’une certaine complexité de la balance des revenus due à la grande diversité des flux qui la composent et pour certaines raisons statistiques. La balance des revenus joue cependant un rôle économique important en affectant directement la balance courante et en traduisant un ensemble très large d’échanges de services. Ainsi le solde de la balance des revenus française, en se maintenant aux environs de 0,3% du PIB entre 2009 et 2019, compense en partie le déficit commercial pour maintenir le déficit courant à un niveau proche de l’équilibre (–0,7% du PIB entre 2009 et 2019).

Évolution de la balance courante de la France et de ses composantes (en % du PIB)

Une balance courante excédentaire signifie que le pays a transféré davantage de ressources (en termes de capitaux ou de main d’œuvre) à l’extérieur qu’il n’en a reçu et que ses échanges extérieurs lui ont permis d’accumuler des avoirs externes.

La balance des revenus est constituée de :

  • La balance des revenus primaires, regroupant l’ensemble des flux financiers correspondant à la rémunération des facteurs de production. Les revenus générés par les investissements réalisés par des Français dans des entreprises étrangères, sous forme de détention de titres de dette ou d’investissements directs (IDE), sont comptabilisés comme des revenus primaires.
  • La balance des revenus secondaires (également appelée balance des transferts courants), composée des autres transferts de revenus, non liés aux moyens de production. Une partie de ces transferts concernent les flux réalisés par les administrations au titre de la coopération internationale (par exemple la contribution de la France au budget de l’Union Européenne), différents impôts ou contributions sociales perçus auprès de non-résidents ou des paiements de sécurité sociale à l’étranger.

Les balances des revenus primaires et secondaires affichent respectivement un excédent et un déficit significatifs. L’excédent des revenus primaires (2,3% du PIB en moyenne entre 2009 et 2019) dépasse le déficit des revenus secondaires (–2% du PIB), et la somme des deux soldes efface environ un tiers du déficit commercial de biens et services (–1% du PIB).

Principaux postes du compte des transactions courantes de la balance des paiements (les soldes français pour 2021 apparaissent dans les encadrés)

Zone euro : la balance des revenus déficitaire

L’exception française

La structure de la balance des revenus de la zone euro (prise dans son ensemble) est relativement proche de celle de la balance des revenus française : les balances des revenus des investissements directs et des rémunérations des salariés y sont positives et celles des revenus d’investissements de portefeuille et des revenus secondaires y enregistrent des déficits significatifs.

Décomposition de la balance des revenus (en % du PIB, moyenne 2009-2019)

Pour autant, en zone euro, le solde de la balance des revenus est déficitaire (–0,9% du PIB en moyenne entre 2009 et 2019, notamment du fait des déficits italien, espagnol et néerlandais), alors qu’il est positif (+0,3% du PIB) pour la France.

La France affiche en particulier un excédent de la balance des revenus d’investissements directs près de deux fois supérieur à l’excédent de la zone euro. Par ailleurs, l’excédent de la balance des rémunérations de salariés est aussi nettement supérieur à celui de la zone euro. L’Allemagne est l’un des rares voisins de la France à afficher comme elle un excédent du solde des revenus. Toutefois, l’excédent allemand provient de la balance des revenus d’investissements de portefeuille. Au contraire, la France enregistre un déficit de la balance des revenus de portefeuille, qui peut s’expliquer par l’importance de ses investissements de portefeuille entrants (la France est le premier pays d’Europe continentale en termes de capitalisation boursière).

L’excédent de rémunérations des salariés

Au sein de la balance des revenus primaires, le solde des rémunérations des salariés est particulièrement favorable pour la France. Ce solde reflète essentiellement les salaires des français qui travaillent dans un pays voisin. La France est le pays européen qui compte le plus de travailleurs frontaliers, avec près de 472 000 personnes résidant en France qui travaillent dans un pays frontalier en 2021 selon Eurostat (un peu moins de 2% de la population active).

La décomposition par pays de travail des frontaliers montre le poids important de la Suisse (près de la moitié des travailleurs français frontaliers en 2015) et du Luxembourg (21%).

La stratégie internationale des entreprises françaises

Le solde des revenus des investissements directs est excédentaire en France, comme en Allemagne, ainsi qu’en Italie et en zone euro dans une moindre mesure. L’excédent des revenus d’IDE en France s’explique largement par la progression du stock d’investissements directs français à l’étranger entre le début du siècle et le milieu des années 2010, résultat d’une forte dynamique d’investissement à l’étranger des firmes françaises, motivée par la recherche de meilleurs coûts de production et par une volonté de mieux desservir les marchés locaux.

Mais l’excédent reflète aussi l’écart observé entre le rendement des actifs et des passifs. Les IDE français à l’étranger ont eu un rendement apparent de 4% en 2021, alors que celui des IDE étrangers en France n’était que de 2,6%.

Les balances des revenus secondaires de la France et de ses partenaires européens présentent des caractéristiques communes.

Une dégradation temporaire de la balance des revenus lié à la pandémie

Face à la perturbation des échanges internationaux causée par la crise sanitaire, la balance des revenus s’est dégradée entre 2019 et 2020 de manière comparable en France, en Allemagne et dans la zone
euro.

Évolution de la balance des revenus et de ses composantes entre 2019 et 2020 et entre 2019 et 2021
(en points de pourcentage de PIB)

Évolution entre 2019 et 2020 Évolution entre 2019 et 2021

Cette dégradation a été principalement causée par une forte baisse de l’excédent des revenus d’investissement directs, alors que les déficits des revenus d’investissement de portefeuille se sont eux partiellement résorbés en 2020, en raison du tarissement des flux sortants.

L’année 2021 a enregistré un redressement des soldes des balances des revenus, même si les niveaux pré-crise n’ont pas encore été retrouvés et les balances des revenus des investissements directs n’ont pas montré de signe d’amélioration entre 2020 et 2021.

La dégradation marquée de la balance française des revenus d’investissements s’explique en partie par le poids des sociétés financières et du secteur de l’énergie dans les revenus d’investissement parmi les grands groupes français (qui sont à l’origine de la grande majorité des investissements français à l’étranger). Ces deux secteurs font partie des secteurs les plus fragilisés en 2020 : les sociétés financières, exposées à une détérioration de leur risque d’activité, ont accru significativement leurs provisions, et les entreprises pétrolières ont été affectées par la baisse de la demande.

À l’inverse, contrairement à la zone euro, le solde des revenus des investissements de portefeuille français s’est significativement amélioré en 2020 et en 2021.

En France, tandis que l’excédent des revenus d’IDE chutait, celui des rémunérations des travailleurs s’est maintenu en 2020. S’il est aussi resté stable en Italie, le solde des rémunérations des travailleurs s’est amélioré en 2020 en Allemagne, les flux sortants y ayant fortement baissé.

L’activité des travailleurs frontaliers français a notamment pu être préservée grâce au développement du télétravail.

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