Guerre en Ukraine, 1 an après !

Le 2 Mars 2023 : Le déclenchement de « l’opération spéciale » en Ukraine remettait profondément en cause le scénario économique 2022 qui prévoyait un retour progressif à la normale, tant au niveau de la croissance économique, après une année 2021 de rebond, qu’au niveau de l’inflation.

Russie-Ukraine

ECO

La thématique inflation est rapidement devenue prédominante. Les prix de l’énergie, et plus généralement des matières premières (y compris agricoles), se sont envolés – la Russie et l’Ukraine étant parmi les premiers producteurs mondiaux – sous l’effet des sanctions et des contre-sanctions. Le scénario d’une forte récession dans la zone Euro était privilégié, non seulement du fait d’une faiblesse de la demande mais aussi de graves problèmes concernant l’offre, avec une pénurie de gaz entraînant des baisses de production dans de nombreux domaines.

Ce conflit change donc la donne à moyen et long terme sur de nombreux plans tant géopolitiques, sociaux, budgétaires et économiques.

Qu’en est-il un an après ?

La croissance européenne s’est montrée étonnamment résiliente et a déjoué tous les scénarios, aidée par une météo clémente qui a permis d’éviter les pénuries de gaz, par des programmes gouvernementaux d’aide puissants et par une forte capacité à réduire notre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Si la confiance des consommateurs reste proche des plus bas historiques, l’indicateur avancé du moral des entreprises (PMI composite) remonte au-dessus de 50, avec un secteur manufacturier qui reste en territoire de contraction. Le taux de chômage dans la zone est au plus bas historique, à 6,6 %.

Du côté de l’inflation, le tableau est moins rose : l’accélération de la hausse des prix avait déjà commencé fin 2021/début 2022, sur des niveaux de 5 %, mais elle a atteint 10,6 % en octobre avant de s’infléchir légèrement à 8,6 % en janvier 2023. L’inflation cœur est passée de 2,3 % début 2022 à 5,3 % début 2023, et nous n’apercevons toujours pas de retournement. Cet environnement pèse sur la consommation qui s’est inscrite en baisse de près de 5 % en glissement annuel fin 2022.

Des marchés financiers sous l’influence des banques centrales

Les banques centrales se sont montrées hyper agressives, exceptées la Banque du Japon et la Banque de Chine. Sur la période, les Fed funds sont remontés de 450 points de base, à 4,50 % (lower bound), le taux directeur euro de 300 points de base, à 2,50 % (deposit rate), et le taux directeur de la Banque d’Angleterre de 390 points de base, à 4 %. Le taux des emprunts d’Etat allemands à 10 ans est passé de 0,23 % la veille du déclenchement de la guerre à 2,54 % aujourd’hui. L’Eurostoxx TR, après avoir atteint un point bas fin septembre 2022, a rebondi pour dépasser le niveau d’avant-guerre, enregistrant une performance proche de 5 % par rapport au 23 février 2022. Le VIX, qui avait bondi à plus de 80 en mars 2020 (Covid), est resté dans une fourchette 18/36 sur la période et s’établit actuellement autour de 22, un niveau tout juste supérieur à la moyenne de longue période. Le prix du pétrole, après avoir atteint un pic à près de 134 dollars en mars, s’inscrit en baisse à 83 dollars contre 98 dollars le 23 février 2022. Le prix du gaz est passé de 89 euros/Mwh le 23 février 2022 à 339 en août pour atteindre 51 actuellement. Le prix du blé est aussi revenu à un niveau inférieur à celui d’avant- guerre.


Que peut-on anticiper maintenant ?

Le conflit va s’inscrire dans la durée, exerçant toujours une pression à la hausse sur les prix des matières premières. La volonté de retrouver une souveraineté nationale ou européenne dans de nombreux secteurs ainsi qu’une transition écologique accélérée sont aussi des facteurs de hausse de l’inflation. Si, dans les prochains mois, la tendance à la baisse de l’inflation devrait se confirmer du fait des effets de base, il est à prévoir que celle-ci sera supérieure à moyen terme à ce qu’on a connu avant le Covid. Les soutiens gouvernementaux pour amoindrir les effets du Covid, puis ceux de la hausse des prix liée à la crise énergétique, ainsi que les financements nécessaires à la transition écologique et les nouvelles dépenses nécessaires à la préservation de notre défense gonflent les déficits publics, un défi pour les générations futures. Ce conflit change donc la donne à moyen et long terme sur de nombreux plans tant géopolitiques, sociaux, budgétaires et économiques.

Olivier GUILLOU Directeur de la gestion.

ISR

Méthane : des émissions importantes qui pourraient être contrôlées…

L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) estime que le secteur mondial de l’énergie a été responsable de près de 135 millions de tonnes (Mt) d’émissions de méthane en 2022, en légère augmentation par rapport à 2021. Les exploitations de charbon, de pétrole et de gaz naturel expliquent chacune environ 40 Mt d’émissions, auxquelles s’ajoutent près de 5 Mt de fuites. Environ 10 Mt d’émissions proviennent de la combustion incomplète de la bioénergie (biomasse en majeure partie). Il faut savoir que le secteur de l’énergie génère près de 40 % des émissions totales de méthane imputables à l’activité humaine, juste derrière l’agriculture.

L’AIE estime que, dans le secteur du pétrole et du gaz, les émissions pourraient être réduites de plus de 75% par la mise en œuvre de mesures telles que des programmes de détection et de réparation des fuites et la modernisation des équipements

L’AIE estime que, dans le secteur du pétrole et du gaz, les émissions pourraient être réduites de plus de 75 % par la mise en œuvre de mesures telles que des programmes de détection et de réparation des fuites et la modernisation des équipements. Dans le secteur du charbon, plus de la moitié des émissions de méthane pourraient être réduites en les exploitant ou en utilisant des technologies de torchage ou d’oxydation lorsque la récupération d’énergie n’est pas viable.

Pour l’AIE, l’intensité moyenne mondiale en méthane de la production de pétrole et de gaz a diminué d’environ 5 % depuis 2019. Malgré cela, l’intensité des émissions de la production demeure beaucoup trop élevée et les émissions globales continuent d’augmenter.

Paradoxalement, la réduction des émissions de méthane serait très rentable dans le secteur du pétrole et du gaz. Sur la base des prix moyens du gaz naturel entre 2017 et 2021, 40 % des émissions de méthane provenant des opérations pétrolières et gazières pourraient être évitées sans coût net, car les dépenses liées aux mesures de réduction sont inférieures à la valeur marchande du gaz supplémentaire capté. Sur la base des prix records du gaz observés dans le monde en 2022, environ 80 % des options de réduction des émissions provenant des opérations pétrolières et gazières dans le monde pourraient être mises en œuvre sans coût net. 100 milliards de dollars d’investissements seraient nécessaires d’ici à 2030 pour déployer toutes les mesures de réduction du méthane dans le secteur pétrolier et gazier, soit moins de 3 % des revenus nets perçus par l’industrie pétrolière et gazière en 2022…

Seulement 92 % environ des volumes de gaz envoyés vers les torches dans le monde sont correctement brûlés, ce qui génère plus de 500 Mt d’émissions annuelles de gaz à effet de serre équivalents CO2. Autrement dit, plus de 260 milliards de mètres cubes de gaz naturel sont gaspillés par le torchage et les fuites de méthane dans le monde aujourd’hui. On estime que 200 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires pourraient être mis sur les marchés. Ce volume est supérieur aux importations de gaz naturel de l’Union européenne en provenance de Russie avant l’invasion de l’Ukraine. L’arrêt de ce gaspillage de gaz naturel permettrait de réduire l’augmentation de la température mondiale de près de 0,1 °C d’ici le milieu du siècle.

Les fuites de très grande ampleur sont une source importante d’émissions, mais elles sont minimes par rapport à celles provenant des opérations pétrolières et gazières normales qui émettent l’équivalent d’un événement de la taille de Nord Stream chaque jour en moyenne. Les efforts visant à stopper les fuites de très grande ampleur doivent donc aller de pair avec des mesures de réduction des émissions provenant des opérations normales, par exemple en remplaçant les équipements qui fuient et en installant des dispositifs de contrôle des émissions.

Les exploitations charbonnières ont rejeté un peu plus de 40 Mt d’émissions de méthane en 2022, dont la moitié environ provient de Chine, premier producteur mondial de charbon. Près de 55 % des émissions de méthane des mines de charbon dans le monde pourraient être évitées grâce aux technologies existantes. Par exemple, la réduction des émissions de méthane pourrait être importante pour le charbon à coke, principalement utilisé dans la fabrication de l’acier, qui provient généralement de mines souterraines où les émissions de méthane sont plus élevées et où il est plus facile de les réduire.

Etonnamment, alors que des solutions relativement faciles et rapides à mettre en œuvre existent pour réduire drastiquement les émissions de méthane (une tonne de méthane est considérée comme équivalente à 30 tonnes de CO2 sur la base du potentiel de réchauffement planétaire sur 100 ans), cette thématique importante semble peu abordée à ce jour dans l’engagement actionnarial investisseurs/entreprises.

François LETT Directeur du département éthique et solidaire.

Par Ecofi