HSBC AM : Pourquoi s’intéresser maintenant aux titres décotés ?

Des prix de marché déconnectés des fondamentaux économiques

Après plusieurs années de sous-performance, les investisseurs ne considèrent plus la valorisation comme l’un des principaux moteurs de performances boursières. On entend par « valorisation » le prix de marché d’une action au regard de sa valeur économique réelle.

Seules deux variables déterminent la performance à long terme d’une action : sa valorisation actuelle et ses performances économiques futures. Il ne s’agit pas d’un point de vue ou d’une opinion, mais d’une « identité comptable ».

On peut appliquer de diverses manières cette règle très simple. La plus évidente, comme nous l’avons dit, est que la performance obtenue à partir d’un investissement en actions dépendra du prix d’achat et des performances économiques futures de l’entreprise dans laquelle vous avez investi. Mais on peut aussi considérer la situation dans le sens inverse :

  • la valorisation actuelle reflète la rentabilité que vous avez attendue d’un investissement (en fonction du degré de risque de l’entreprise),
  • ou reflète les bénéfices futurs d’une entreprise.

Nos recherches montrent qu’actuellement les valorisations ne reflètent pas correctement la croissance future des bénéfices.

Cette règle simple montre également qu’il est possible d’investir dans une entreprise présentant d’excellentes performances économiques, mais dont l’action constituera un investissement financier décevant, en raison précisément de sa valorisation.

Les performances économiques ne se traduisent pas nécessairement par des performances financières. De nombreux exemples historiques le prouvent. De même, certaines entreprises dont la croissance est atone peuvent finalement être d’excellents investissements financiers. Il existe d’ailleurs un dicton qui dit : « une entreprise de qualité peut être une action ennuyeuse et une entreprise ennuyeuse une action performante ».

De telles anomalies de prix ont déjà été observées dans le passé

Par exemple, la période entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 a été baptisée l’ère des « Nifty-Fifty » : 50 entreprises américaines (dont Coca-Cola, General Electric, IBM, McDonald’s ou encore Pfizer…) ont enregistré une croissance largement supérieure à celle de l’économie pendant plus d’une décennie, avant de s’effondrer en 1973 et de sous-performer durant les dix années suivantes.

On note également la bulle Internet. Bien sûr, Internet a définitivement changé le monde, mais investir dans le secteur technologique à la fin des années 90 s’est soldé par une énorme déception. Si vous vous étiez exposé au secteur technologique américain à la mi-1999, vous auriez encore perdu de l’argent sur votre investissement 14 ans plus tard. Et pourtant, sur la même période, les bénéfices des entreprises technologiques ont augmenté de près de 9 % par an, soit près de deux fois le taux de croissance moyen des bénéfices des sociétés américaines.

Toujours sur la même période, si vous aviez investi dans des entreprises américaines « ennuyeuses » du secteur de la consommation courante, la valeur de votre investissement aurait plus que doublé (+130 %) grâce à la valorisation et aux dividendes ! Pourtant, les bénéfices de ce secteur ont crû à peu près au même rythme que l’ensemble des bénéfices des entreprises américaines.

Il peut bien sûr être judicieux d’acheter des valeurs de croissance, tant que le prix à payer n’implique pas une croissance massive et irréaliste des bénéfices au cours des dix prochaines années, qui est généralement l’horizon d’investissement sur lequel les investisseurs valorisent les actions. Selon nos recherches, il est très difficile de prévoir la croissance future à long terme et les véritables valeurs de croissance sont assez rares. Sur 15 ans, seules 2,5 % des entreprises européennes sont capables d’afficher une croissance de plus de 20 % par an, et seulement 6 % de plus de 15 % par an. Sur 10 ans, seules 13 % des entreprises européennes sont capables d’afficher une croissance de plus de 20 % par an, et seulement 23 % de plus de 15 % par an.

La manière dont le marché valorise les perspectives de croissance présente selon nous une anomalie. Il surpaye les « belles histoires » et sous-paie les histoires « ordinaires ».

Il nous est régulièrement demandé si l’IA (Intelligence Artificielle) est une simple mode ou un véritable changement structurel dans nos sociétés. Souvenez-vous de la bulle Internet : ce n’est pas la question à se poser pour définir une stratégie d’investissement. Pour l’IA, il s’agit probablement d’une vraie mutation, mais que compte tenu des valorisations actuelles, les entreprises spécialisées dans l’IA ne sont pas particulièrement attractives.

Valeurs de croissance/ Valeurs décotées – une perception biaisée des investisseurs sur les dernières années

On peut se poser la question : « si la valorisation est si importante, pourquoi les titres value ont-ils sous-performé au cours des 15 dernières années ? » Revenons à l’éclatement de la bulle Internet. À l’époque, en 2000, les valorisations des valeurs de croissance étaient extrêmement élevées par rapport à celles des titres value. Dans la foulée, ces derniers ont enregistré un rebond de plusieurs années jusqu’en 2007.

Lorsque la crise financière mondiale a débuté, les valorisations des titres value et des valeurs de croissance ont convergé. En outre, les bénéfices des entreprises décotées ont été gonflés par des effets de levier financier excessifs. La crise financière mondiale a coïncidé avec l’éclatement de la bulle value, qui s’est prolongé environ jusqu’en 2012.

Jusqu’en 2018, la sous-performance du style value a suivi une trajectoire historique logique. Durant les périodes particulièrement défavorables aux titres value, comme la crise de l’euro, l’environnement déflationniste ou la bulle chinoise, la croissance relative des bénéfices des entreprises décotées s’est globalement détériorée, rendant leurs valorisations moins attractives que celles des valeurs de croissance. Par conséquent, les investisseurs se sont tournés vers des actions de qualité, moins cycliques.

Toutefois, vers 2018, l’écart de valorisation s’est encore creusé, franchissant nettement sa fourchette historique à long terme. La moyenne de cet écart sur les 12 derniers mois (du 31/08/2022 au 31/08/2023) correspond à un évènement extrême, dont l’occurrence est statistiquement inférieure à 4 %.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette tendance. Tout d’abord, une sorte de capitulation sur les titres value liée à une succession de crises en Europe qui a structurellement augmenté le prix du risque et de l’incertitude (ce que l’on appelle la « prime de risque »), ou bien l’impact des taux d’intérêt sur les performances relatives entre les styles value et croissance.

Même si elle constitue un argument de poids, l’incertitude ne peut à elle seule justifier l’écart de valorisation record entre ces deux styles de gestion. Concrètement, l’écart de valorisation actuel indique que les investisseurs sont trop complaisants à l’égard des performances économiques futures des valeurs de croissance (elles sont plus cycliques que la plupart des investisseurs ne le pense) et qu’ils ont une crainte irrationnelle à l’égard des titres value, les valorisations de certains titres reflétant même l’hypothèse d’une faillite pure et simple.

Concernant l’impact des taux d’intérêt sur les valorisations des actions et le grand débat entre « duration longue/duration courte », certaines simulations semblent indiquer que cet impact est nettement inférieur à ce qui a été observé, selon une proportion de 1 à 3. On a beaucoup évoqué l’argument des taux d’intérêt pendant leur baisse tendancielle, mais il est devenu clairement moins pertinent depuis que les taux ont commencé à remonter.

Des signes annonciateurs d’un rééquilibrage en faveur du style value

Malgré un rebond modeste ces derniers mois, la thématique value commence à peine à retrouver des couleurs. Les écarts de valorisation restent à des niveaux record. Les investisseurs ont délaissé le style value en raison des risques de récession. Il faut reconnaître que les bénéfices des entreprises décotées ont été plus cycliques ces 15 dernières années, mais actuellement, ils résistent particulièrement bien. Le secteur bancaire (secteur « value » par excellence) voit ses bénéfices augmenter de 30 % d’une année sur l’autre, tandis que le marché table sur une chute de 30 % au cours des 12 prochains mois (si les valorisations sont un bon indicateur de la croissance future…).

D’autres signes montrent que certains marchés actions sont en pleine effervescence. L’écart de valorisation entre le marché américain et son homologue européen n’a jamais été aussi élevé, alors que les bénéfices aux États-Unis sont inférieurs à ceux générés sur le Vieux Continent. Le marché américain n’a jamais été aussi concentré. Les 10 plus grandes capitalisations boursières (dont la plupart appartiennent au secteur technologique) représentent plus de 30 % de l’indice SP 500. C’est plus que les 25 % atteints au sommet de la bulle Internet et nettement plus que la moyenne historique de 17 %. Ces 10 grandes capitalisations se négocient en moyenne à 47 fois les bénéfices des douze prochains mois.

Nous commençons néanmoins à voir des fissures dans la trajectoire haussière des valeurs de croissance. Un des principaux fournisseurs de solutions de paiement en ligne, a déçu la communauté des investisseurs en publiant des résultats trimestriels légèrement inférieurs aux estimations du consensus (-3,6 %), et pourtant l’action a plongé de 50 % à l’annonce de cette nouvelle. Le Président d’un grand groupe de luxe a prévenu que l’inflation en Europe commençait à peser sur la demande, rappelant ainsi aux investisseurs que les sociétés de luxe n’étaient pas immunisées contre les aléas du cycle économique.

En outre, les fabricants d’équipements de semi-conducteurs, dont les valorisations sont au plus haut, ont pâti d’un report des commandes de TSMC, le principal fabricant de puces, en raison d’un ralentissement de la demande.

Anticiper l’évolution des styles de gestion est très difficile, voire impossible. Pourtant, certains signaux suggèrent l’existence d’une anomalie de valorisation. Nous pensons qu’il est actuellement très risqué de sous-pondérer le style value (et par conséquent de surpondérer les valeurs de croissance).

À propos d’HSBC AM

HSBC Asset Management, la branche de gestion d’actifs du Groupe HSBC, investit pour le compte des clients de HSBC dans le monde (clientèle de détail, clients privés, intermédiaires, entreprises et institutions) au travers de mandats dédiés et de fonds collectifs. HSBC Asset Management permet aux clients de HSBC de saisir des opportunités d’investissement dans le monde entier grâce à un réseau international de bureaux implantés dans 23 pays et territoires, offrant des expertises mondiales associées à des analyses locales des marchés. Au 31 mars 2023, HSBC Asset Management gérait des actifs représentant un total de 641 milliards de dollars pour le compte de ses clients.