La durabilité dans l’investissement en actifs non cotés

Certains investisseurs considèrent que les pratiques de durabilité ne sont pas aussi développées sur les marchés d’actifs privés que dans les actifs cotés. Cela s’explique en partie par le niveau plus faible de transparence (et donc de surveillance) sur les marchés d’actifs privés. Mais cela s’explique aussi par certains cas de pratiques très discutables qui ont eu cours par le passé au sein de certaines entreprises privées.

De nombreuses raisons font cependant que les actifs privés sont naturellement alignés sur l’investissement durable. Tout d’abord, les délais d’investissement sont généralement plus longs et l’engagement auprès des entreprises est généralement plus élevé.

Tous les types d’actifs non cotés partagent certaines caractéristiques ESG. Mais certains domaines présentent des caractéristiques uniques qui constituent des avantages pour les portefeuilles diversifiés, notamment en matière d’atténuation des risques.

Capital-investissement

La manière dont les investisseurs intègrent les critères ESG dans le capital-investissement est similaire à celle utilisée pour les actions cotées. Mais il y a des différences importantes et précieuses.

Les premières étapes de l’évaluation ESG sont comparables: il s’agit d’examiner les principales tendances sociales et environnementales et d’évaluer si les entreprises sont préparées à s’y adapter.

Bien que l’on dispose de beaucoup moins d’informations publiées par des sociétés privées, la due diligence minutieuse que les investisseurs en capital-investissement peuvent mener en y mettant le temps nécessaire permet une analyse approfondie des entreprises. Vous pouvez avoir une vision complète de l’exposition et de la performance d’une entreprise privée grâce à un accès sans restriction à ses informations.

En outre, le capital-investissement peut jouer un rôle plus actif dans le contrôle des risques ESG compte tenu de la profondeur de l’engagement. Le capital-investissement permet un discours continu avec chaque société du portefeuille afin d’améliorer les zones de faiblesse. Les investisseurs en capital-investissement possèdent souvent des participations majoritaires dans une entreprise et conservent généralement des sociétés en portefeuille pendant de nombreuses années. Cela leur permet de s’assurer qu’une entreprise adopte des pratiques ESG robustes et en constante amélioration.

Les investisseurs en capital-investissement ont également le choix entre des centaines de milliers d’entreprises privées, ce qui veut dire qu’elles peuvent se montrer très sélectives.

Infrastructure

Jerome Neyroud, responsable des investissements, dette d’infrastructure chez Schroders :

Les infrastructures constituent l’épine dorsale de la plupart des économies; elles englobent presque toutes les structures nécessaires pour déplacer la population, l’énergie ou l’information. Par conséquent, les investissements en infrastructures sont intrinsèquement liés à une société fonctionnelle et les investisseurs du marché ont le potentiel de s’assurer que les prochaines étapes pour nos villes seront dictées par des choix responsables.

Les investissements en infrastructures financent le monde de demain et les gouvernements en quête d’un avenir durable en sont pleinement conscients.

À titre d’exemple, la Commission européenne met actuellement le paquet pour renforcer les projets d’infrastructure verte. Un rééquilibrage du mix énergétique vers les énergies renouvelables est inévitable. En effet, les actifs renouvelables représentent aujourd’hui environ 50% des investissements dans le pipeline d’infrastructures en Europe et environ 30% en valeur. D’importantes quantités d’argent sont actuellement mobilisées sur le thème des énergies renouvelables.

Bien entendu, l’application des considérations ESG implique aussi d’évaluer de manière exhaustive les défis associés à la réalisation d’un avenir durable. Par exemple, la transition énergétique vers une économie zéro carbone doit aller de pair avec la sécurité de l’approvisionnement. Il peut s’agir, par exemple, d’investir dans des actifs de stockage pour s’attaquer à la question de l’approvisionnement intermittent, qui fait depuis longtemps obstacle à l’utilisation des énergies renouvelables.  

Le financement de la dette d’infrastructure peut également être dirigé de manière à faciliter la transition énergétique tout en évitant les ‘actifs échoués’. Par exemple, la dette d’infrastructure peut financer la conversion des chaudières à combustible fossile en chaudières à biomasse, pour chauffer les logements avec une chaleur durable et renouvelable.

Les cadres ESG plus sophistiqués qui ont émergé ces dernières années sont utiles pour fournir une ‘check-list’ complète des critères de durabilité. L’investissement en infrastructures restera axé sur les actifs essentiels et la performance durable.

Immobilier

Mark Callender, Responsable de la recherche immobilière chez Schroders :

D’après un rapport des Nations unies, l’environnement bâti ou construit par l’homme est la principale source d’émissions de carbone, soit environ 40% du total mondial. Environ 10% de ces émissions sont générés par les bâtiments neufs et la fabrication de matériaux de construction, mais la grande majorité est imputable à la consommation d’énergie dans les immeubles existants pour le chauffage, la climatisation, l’éclairage, etc. L’immobilier est donc un secteur essentiel pour réduire les émissions de carbone et atteindre les objectifs fixés dans l’Accord de Paris de 2015.

Pour combler l’écart entre la performance prévue et la performance réelle des bâtiments, on travaille beaucoup sur l’impact carbone aux niveaux de la conception, de la construction, de l’utilisation et de la fin de vie. Cela passe par l’intégration de matériaux photovoltaïques, d’éclairages LED et de vitrage solaire pour modérer la température interne ainsi que de détecteurs de mouvement et d’une multitude d’autres technologies utilisées dans les bâtiments intelligents.

L’accent est également mis sur le recyclage des anciens matériaux de construction afin de réduire le carbone ‘incorporé’ dans les nouvelles constructions. Les urbanistes encouragent les promoteurs à densifier le bâti, à opter pour des plans d’utilisation mixte et à réduire l’étalement urbain. Pourtant, si ces initiatives sont importantes, la lenteur des progrès en Europe signifie que le plus grand défi est d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments existants. Cela se traduit par la modernisation des installations de chauffage et de ventilation, ainsi que par le renforcement de l’isolation, l’installation de points de recharge pour les véhicules électriques, etc.

L’un des avantages de l’immobilier privé est que les investisseurs ont le contrôle de leurs actifs. Chez Schroders, nous sommes sur le point de réduire d’ici 2020/21 la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre dans notre portefeuille immobilier britannique de respectivement 18% et 32% par rapport à il y a cinq ans. Nous nous sommes engagés à utiliser de l’électricité renouvelable dans tous nos bâtiments. Nous sommes signataires de l’engagement du Partenariat pour de meilleurs bâtiments dans la lutte contre le changement climatique, en vue d’atteindre des émissions nettes de carbone nulles à l’horizon 2050.

Enfin, nous évaluons comment nos bâtiments doivent s’adapter aux défis du changement climatique qui, en Europe occidentale, se manifeste sous la forme de températures plus élevées, de pénuries d’eau, de tempêtes et d’inondations.

Mais l’investissement durable ne concerne pas seulement le changement climatique et les économies d’énergie. Les investisseurs immobiliers recherchent également un impact positif sur la santé et le bien-être des utilisateurs des biens immobiliers ou des riverains.  Il peut s’agir de maximiser la lumière naturelle et la ventilation des bâtiments, ou d’encourager le public à se rendre au travail à vélo en proposant des services de base d’appui.

Titres issus de la titrisation des risques d’assurance (ILS)

Beat Holliger, directeur Produit et Solutions ILS chez Schroders :

L’assurance est surtout une question de transfert des risques. Lorsque vous souscrivez une police d’assurance, vous transférez le risque d’un événement à l’assureur en échange du paiement d’une prime. D’après l’Association de Genève, l’assurance a donc un effet bénéfique pour la société en offrant un sentiment de sécurité, en encourageant l’atténuation des pertes et en augmentant la prospérité.

Les titres issus de la titrisation des risques d’assurance (ILS) sont un sous-segment du marché des transferts de risques d’assurance et sont principalement liés à l’assurance ou la réassurance de catastrophes naturelles, de mortalité et de risques de pandémie. Il s’agit d’événements extrêmes qui peuvent perturber gravement la vie des individus et des communautés dans lesquelles ils vivent.

Un concept fondamental de l’assurance consiste à fournir une sécurité financière et une protection contre les événements imprévus en répartissant le coût des sinistres qui touchent un nombre limité de personnes sur une communauté plus large d’assurés.

Plus le pool de personnes qui partagent les risques (assurés) est important, plus le coût du transfert de risque est faible. La réassurance et les ILS contribuent à élargir le pool d’assurés potentiels afin de rendre le transfert des risques plus efficace, ce qui rend donc le prix de l’assurance plus abordable. Les ILS peuvent permettre de réduire le coût d’achat d’une protection pour les particuliers.

Par ailleurs, la performance des ILS est corrélée positivement avec l’expérience des assurés. En d’autres termes, lorsque rien ne se produit, le souscripteur n’est pas affecté et les investisseurs en ILS obtiennent un rendement. En cas de catastrophe, les produits générés par les paiements effectués au titre des ILS aident les familles et les communautés affectées à reconstruire leur vie.

Avant d’investir, nous examinons les tendances sociales et environnementales qui, selon nous, se dégageront au cours de notre horizon d’investissement et tenons compte de leur incidence potentielle sur le rendement. Par exemple, nous ajustons les outils de modélisation des risques de manière à refléter nos propres opinions sur la fréquence et la gravité des phénomènes météorologiques extrêmes.

Dans les ILS non liés aux conditions météorologiques, nous cherchons à éviter d’investir dans des risques pouvant comporter des préoccupations éthiques ou sociales. Par exemple, il existe des instruments ILS dont le rendement dépend du paiement de la cagnotte de la loterie. Nous évitons ces instruments, qui pourraient inquiéter les investisseurs ayant une aversion aux jeux d’argent.

En ce qui concerne le ‘G’ des critères ESG – gouvernance – il peut s’agir d’une due diligence à l’égard du sponsor d’une transaction ILS, de la structure de la transaction ou de la compréhension des bénéficiaires.

L’assurance et les ILS vont continuer à gagner en importance en fonction de la croissance de la population et (par conséquent) des actifs – bâtiments et structures – assurés, ainsi que des tendances démographiques et des changements environnementaux. Les ILS en tant qu’éléments de l’assurance démontrent leurs avantages socioéconomiques, leur impact positif ainsi que leur durabilité et leur résilience globales.

Investissement d’impact et micro finance

lipp Müller, PDG, BlueOrchard chez Schroders :

L’analyse ESG et l’investissement d’impact sont par essence les deux faces de la même pièce. L’ESG nous permet de comprendre comment une entreprise a un impact positif ou négatif sur le monde, et si elle est sur une trajectoire d’amélioration de ses points de faiblesse. L’investissement d’impact vise à stimuler les changements positifs de manière proactive, en privilégiant l’amélioration de la société et de l’environnement.

L’investissement d’impact s’articule autour d’un large éventail de thèmes d’investissement. Elle couvre des domaines aussi divers que les énergies renouvelables, le logement abordable, l’éducation, les emplois de qualité et l’agriculture intelligente client (CSA), une approche de gestion durable des paysages.

Le capital-investissement, les infrastructures et l’immobilier peuvent tous jouer un rôle important dans l’investissement d’impact.

La microfinance est un moyen particulièrement direct de faire la différence, en favorisant l’inclusion financière et la création durable de richesses dans les économies frontières. Elle peut se targuer du plus long historique de performance en matière d’investissement d’impact.

En montrant que les profits et les avantages socio-environnementaux peuvent aller de pair, le domaine de l’investissement d’impact révolutionne l’investissement responsable.

En tant que classe d’actifs en croissance, l’investissement d’impact s’appuie sur des sources de capital nouvelles et créatives et offre la possibilité de résoudre les défis sociétaux et environnementaux les plus difficiles d’aujourd’hui. À cet égard, l’investissement d’impact joue un rôle clé dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Il s’agit de l’ensemble interconnecté de 17 objectifs qui appellent les acteurs publics et privés à agir pour la collectivité et pour la planète en mettant fin à la pauvreté, en réduisant les inégalités, en protégeant l’environnement et en assurant la paix et la prospérité collectives d’ici 2030.

L’investissement d’impact vise un impact positif mesurable, que ce soit sur le plan social ou environnemental. Les investisseurs d’impact agissent en définissant leur contribution en termes d’impact mesurable et de rendement financier, ces deux composantes étant considérées comme d’égale importance. Les principaux éléments de l’investissement d’impact sont donc la gestion de l’impact sur mesure et les outils et pratiques de mesure associés, qui garantissent que les investissements créent des avantages sociaux et environnementaux tangibles, mesurables et durables pour les individus et la planète.

Se rapprocher du changement

Par le passé, les actifs non cotés ont souvent été considérés comme opaques. Il n’est donc peut-être pas surprenant qu’à mesure que la durabilité s’est invitée dans l’agenda des investisseurs, l’attention s’est portée d’abord sur les actifs cotés, pour lesquels on dispose de plus de données et d’informations. Mais la plus grande proximité qu’ont les investisseurs en actifs non cotés par rapport à leurs positions en portefeuille signifie que des changements positifs peuvent être apportés avec précision et avec des résultats visibles dans le monde réel.

Schroders s’est engagée à intégrer pleinement les critères d’investissement environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans tous ses actifs en gestion d’ici fin 2020, ce qui inclut notre activité dans les actifs non cotés. Le parcours d’investissement durable de notre société est bien établi et continue d’avancer.

Après l’intégration des facteurs ESG dans notre analyse, la prochaine étape de notre parcours d’investissement durable consistera à mesurer les impacts des investissements que nous réalisons sur les enjeux sociaux et environnementaux. Dans ce domaine, les actifs non cotés sont particulièrement bien positionnés.