La force du capitalisme des parties prenantes

Cette année, dans sa lettre annuelle, Larry Fink, CEO de BlackRock met en avant l’importance de l’adoption d’un capitalisme des parties prenantes (qui intègre au-delà des actionnaires, les employés, les fournisseurs des entreprises, mais également les communautés au sein desquelles elles opèrent) comme puissant accélérateur de changement dans un contexte inédit.

La sécurité financière que nous aidons nos clients à construire ne se crée pas du jour au lendemain. Il s’agit d’un effort à long terme, et nous adoptons en conséquence une approche à long terme. C’est pourquoi, depuis une dizaine d’années, je m’adresse à vous : dirigeants et administrateurs des entreprises dans lesquelles nos clients ont investi. Je rédige ces lettres en tant que fiduciaire, ce qui implique un devoir de vigilance, de loyauté et de prudence envers les clients qui nous confient la gestion de leurs actifs, afin de mettre en évidence les thèmes que j’estime essentiels pour obtenir des performances durables à long terme et aider nos clients à atteindre leurs objectifs.

Lorsque mes associés et moi-même avons fondé BlackRock en tant que startup il y a 34 ans, je n’avais aucune expérience de la gestion d’une entreprise. Au cours des 30 dernières années, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec de nombreux chefs d’entreprise et d’apprendre ce qui distingue les sociétés réellement remarquables. Toutes partagent un objectif clair ainsi que des valeurs cohérentes et, surtout, reconnaissent l’importance de s’engager auprès de leurs principales parties prenantes et de répondre à leurs attentes. Tel est le fondement du capitalisme des parties prenantes.

Le capitalisme des parties prenantes ne relève pas de la politique. Il ne s’agit pas d’un programme social ou idéologique. Ce n’est pas un capitalisme « politiquement correct ». C’est un capitalisme reposant sur des relations mutuellement bénéfiques entre vous et vos salariés, clients, fournisseurs et les communautés dont dépendent votre entreprise pour prospérer. C’est en cela que réside la force du capitalisme.

Dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, une entreprise se doit de prendre en compte l’ensemble de ses parties prenantes- et d’être appréciée par ces dernières- afin de générer de la valeur à long terme pour ses actionnaires. C’est au travers d’un capitalisme des parties prenantes efficace que l’allocation des capitaux est performante, que les entreprises atteignent une rentabilité durable et que la création de valeur est soutenue sur le long terme. Ne vous méprenez pas, les marchés restent animés par la recherche de profit équitable, et la rentabilité à long terme est l’indicateur ultime considéré par les marchés pour déterminer le succès de votre entreprise.

Les fondations du capitalisme reposent sur un processus de réinvention permanente : les entreprises doivent continuellement évoluer au gré des changements qui surviennent autour d’elles sous peine d’être détrônées par de nouveaux concurrents. La pandémie a accéléré l’évolution de l’environnement opérationnel de la quasi-totalité des entreprises. Elle bouleverse les modes de travail et de consommation. Elle fait naître de nouvelles entreprises et en détruit d’autres. Et surtout, elle accélère de manière spectaculaire la façon dont la technologie transforme le quotidien et l’entreprise. Les entreprises innovantes soucieuses de s’adapter à cet environnement peuvent accéder plus facilement que jamais aux capitaux nécessaires à la réalisation de leurs projets. De plus, la relation entre l’entreprise, ses collaborateurs et la société au sens large est en train d’être redéfinie.

La pandémie de Covid-19 a également accentué l’érosion de la confiance dans les institutions traditionnelles et amplifié le phénomène de polarisation dans de nombreuses sociétés occidentales. Cette polarisation présente une multitude de nouveaux défis pour les dirigeants d’entreprise. Certains militants politiques, ou même certains médias, sont susceptibles de politiser les activités de votre entreprise. Ils peuvent chercher à instrumentaliser votre marque pour servir leur propre agenda. Dans cet environnement, les faits eux-mêmes sont souvent contestés, mais les entreprises ont la possibilité de démontrer leur leadership. Les salariés identifient de plus en plus leur employeur en tant que source d’information la plus fiable, la plus compétente et la plus éthique, plutôt que les pouvoirs publics, les médias et les ONG.

C’est pourquoi votre voix compte plus que jamais. Il n’a jamais été aussi important pour les chefs d’entreprise de s’exprimer sans ambiguïté, d’avoir un objectif clair, une stratégie cohérente et une vision à long terme. Dans ce contexte mouvementé, la raison d’être de votre entreprise sert de guide. Les parties prenantes- dont dépend votre entreprise pour générer des bénéfices pour ses actionnaires- ont besoin d’entendre directement votre voix, de se sentir impliquées et motivées par vous. Il ne s’agit pas pour nous -en tant que dirigeants- de s’exprimer sur tous les sujets d’actualité, mais ces parties-prenantes ont besoin de connaître notre position sur les questions de société indispensables à la réussite à long terme de nos entreprises.

Placer la raison d’être de votre entreprise au cœur de vos relations avec vos parties prenantes est essentiel à votre réussite à long terme. Vos collaborateurs doivent comprendre cette mission et y adhérer, suite à quoi ils peuvent devenir vos plus ardents ambassadeurs. Les clients veulent discerner et comprendre les valeurs que vous défendez, dans la mesure où ils sont de plus en plus soucieux de s’adresser à des entreprises qui partagent leurs convictions. De leur côté, les actionnaires doivent comprendre le principe directeur qui anime votre vision et votre mission. Ils seront plus enclins à vous soutenir dans les moments difficiles s’ils ont une idée claire de votre stratégie et de ce qui la motive.

UN NOUVEAU MONDE DU TRAVAIL

Nulle relation n’a été bouleversée davantage par la pandémie que celle entre employeurs et employés. Le nombre de démissions atteint des sommets sans précédent aux États-Unis et au Royaume-Uni. Quant à l’augmentation des salaires, elle est l’une des plus fortes observées depuis des décennies aux États-Unis. Le fait que les salariés saisissent de nouvelles opportunités est une bonne chose : cela démontre qu’ils ont confiance dans la croissance de l’économie.

Bien que les phénomènes de rotation du personnel et de hausse des salaires ne concernent pas toutes les régions et tous les secteurs, on constate que les salariés du monde entier attendent davantage de leur employeur, notamment une plus grande flexibilité et un métier qui a du sens. Alors que les entreprises se relèvent de la pandémie, les dirigeants sont confrontés à un paradigme profondément différent de celui auquel nous sommes habitués.

Par le passé, les entreprises attendaient de leurs employés une présence au bureau cinq jours par semaine. Les questions de santé mentale étaient rarement abordées sur le lieu de travail. Et les salaires des employés à faibles et moyens revenus n’augmentaient guère.

Cette époque est révolue.

Le fait que les employés soient plus exigeants envers leur employeur est essentiel au bon fonctionnement du capitalisme. C’est un moteur de prospérité et cela favorise un environnement plus compétitif pour les employés talentueux, poussant les entreprises à instaurer un cadre de travail plus agréable et innovant pour le bien-être de leurs collaborateurs, mesures qui leur permettront en retour de dégager des bénéfices plus importants pour leurs actionnaires. Les entreprises qui répondent à ces attentes en récoltent les fruits. D’après nos études, les entreprises qui ont su tisser des liens solides avec leurs employés ont enregistré des taux de rotation plus faibles et des performances supérieures durant la pandémie [1].

Les entreprises qui ne s’adaptent pas à cette nouvelle réalité et ne répondent pas aux demandes de leurs employés prennent des risques considérables. La rotation du personnel accroit les dépenses, réduit la productivité et affaiblit la culture de l’entreprise. Les chefs d’entreprise doivent donc se poser la question de savoir si l’environnement qu’ils créent leur permet d’être compétitifs pour attirer les talents. C’est ainsi que nous agissons chez BlackRock : nous nous associons à nos employés pour appréhender les nouveaux codes du monde du travail.

La mise en place de ce nouvel environnement de travail est plus complexe que jamais et dépasse les simples questions de rémunération et de flexibilité. Non seulement la pandémie a bouleversé la relation à notre lieu de travail physique, mais elle a également mis en lumière des enjeux tels que l’égalité ethnique, la garde d’enfants et la santé mentale, et révélé le fossé qui existe entre les générations en termes d’attentes professionnelles. Ces thèmes figurent désormais au centre des préoccupations des chefs d’entreprise, qui doivent être attentifs à la manière dont ils s’expriment à propos des enjeux sociaux auxquels leurs employés attachent de l’importance. Ceux qui font preuve d’humilité et restent fidèles à leur mission ont plus de chances de nouer des liens durables avec leurs employés, tout au long de leur carrière.

Chez BlackRock, nous cherchons à comprendre l’impact de cette tendance sur votre secteur et votre entreprise. Que faites-vous pour renforcer le lien avec vos collaborateurs ? Comment veillez-vous à ce que les employés de tous horizons se sentent suffisamment en confiance pour donner le meilleur d’eux-mêmes en termes de créativité, d’innovation et de productivité ? Que faites-vous pour vous assurer que votre conseil d’administration supervise correctement ces questions essentielles ? Nos lieux et modes de travail ne seront plus jamais les mêmes. Comment la culture de votre entreprise s’adapte-t-elle à ce nouveau monde ?

DE NOUVELLES SOURCES DE CAPITAUX BOUSCULENT LES MARCHÉS

Au cours des quatre dernières décennies, le niveau des capitaux de financement disponibles a explosé. Les actifs financiers mondiaux représentent aujourd’hui 400 000 milliards de dollars [2]. Cette croissance exponentielle est porteuse de risques et d’opportunités pour les investisseurs comme pour les entreprises, et elle signifie que les banques ne sont plus les seules pourvoyeuses de fonds.

Les jeunes entreprises innovantes n’ont jamais disposé d’un accès aussi facile aux capitaux. Jamais auparavant autant d’argent n’a été disponible pour que des idées nouvelles deviennent réalité. Ce phénomène alimente une solide dynamique d’innovation. On recense ainsi, dans quasiment tous les secteurs, un grand nombre de startups disruptives qui tentent de détrôner les leaders du marché. Les dirigeants d’entreprises établies doivent prendre conscience de ce paysage en pleine évolution et de la diversité des capitaux disponibles s’ils veulent rester compétitifs face à des entreprises plus petites et plus agiles.

Chez BlackRock, nous souhaitons que les entreprises dans lesquelles nous investissons pour nos clients évoluent et se développent afin de réaliser des performances attrayantes au cours des prochaines décennies. En tant qu’investisseurs à long terme, nous nous engageons à travailler avec des entreprises évoluant dans tous les secteurs. Mais nous devons nous aussi nous adapter rapidement aux évolutions et veiller à ce que les actifs de nos clients soient investis, conformément à leurs objectifs, dans les entreprises les plus dynamiques (qu’il s’agisse de startups ou d’acteurs bien établis) présentant les meilleures chances de réussite à long terme. En tant que capitalistes et gérant des investissements de nos clients, c’est notre mission.

Je crois en la capacité du capitalisme à aider les citoyens à améliorer leur avenir, à stimuler l’innovation, à bâtir des économies résilientes et à relever certains des défis les plus épineux. Les marchés de capitaux ont permis aux entreprises et aux États de prospérer. Mais l’accès aux capitaux n’est pas un droit. C’est un privilège. Et c’est à vous qu’il incombe d’attirer ces capitaux de manière responsable et durable.

CAPITALISME ET DURABILITÉ

La plupart des parties prenantes, qu’il s’agisse des actionnaires, employés, clients, collectivités ou instances de réglementation, attendent désormais des entreprises qu’elles jouent un rôle dans la décarbonation de l’économie mondiale. Rien n’aura plus d’impact sur les décisions en matière d’allocation des capitaux (et donc sur la valeur à long terme de votre entreprise) que votre capacité à gérer efficacement la transition énergétique mondiale dans les années à venir.

Il y a deux ans, j’ai écrit que le risque climatique constituait un risque d’investissement. Et durant cette courte période, nous avons assisté à un mouvement tectonique concernant les flux de capitaux [3]. Les investissements durables représentent désormais 4 000 milliards de dollars [4]. Les initiatives et les ambitions en matière de décarbonation se sont elles aussi intensifiées. Et ce n’est qu’un début ; le mouvement tectonique en faveur de l’investissement durable continue de s’accélérer. Qu’il s’agisse de capitaux déployés dans de nouvelles initiatives axées sur l’innovation énergétique ou de capitaux transférés des indices traditionnels vers des portefeuilles et des produits plus personnalisés, les mouvements de fonds vont se multiplier.

Toutes les entreprises et tous les secteurs seront transformés par la transition vers un monde à zéro émission nette. La question est de savoir si vous serez leader ou suiveur.

En quelques années à peine, nous avons tous été témoins de la réinvention de l’industrie automobile par des innovateurs. Aujourd’hui, tous les constructeurs automobiles se lancent dans la course aux véhicules électriques. L’industrie automobile n’est toutefois qu’à l’avant-garde de ce phénomène. Tous les secteurs vont être transformés par des technologies nouvelles et durables.

Les ingénieurs et les scientifiques travaillent sans relâche sur des solutions permettant de décarboner le ciment, l’acier et les plastiques, mais aussi le transport maritime, routier et aérien, l’agriculture, l’énergie et le bâtiment. Ma conviction est que la décarbonation de l’économie mondiale va constituer la plus grande opportunité d’investissement de notre temps. Elle va également reléguer à l’arrière-plan les entreprises qui ne sauront pas s’adapter, quel que soit leur secteur d’activité. Et de même que certaines entreprises risquent d’être laissées pour compte, les villes et les nations qui ne se prépareront pas à l’avenir le seront aussi. Elles risquent de perdre des emplois, alors même que d’autres en gagneront. La décarbonation de l’économie s’accompagnera de très nombreuses créations d’emplois pour les acteurs qui sauront mener à bien cette nécessaire planification à long terme.

Les 1 000 prochaines licornes ne seront pas des moteurs de recherche ou des sociétés de réseaux sociaux, mais des innovateurs durables qui sauront s’adapter, des startups qui contribueront à décarboner la planète et à rendre la transition énergétique financièrement abordable pour tous les consommateurs. Force est de reconnaître que les produits verts sont souvent plus coûteux à l’heure actuelle. La réduction de ce premium vert sera essentielle pour assurer une transition ordonnée et équitable. Compte tenu du volume sans précédent de capitaux à déployer, les acteurs en place doivent définir clairement leur stratégie quant à la voie à suivre pour réussir dans une économie à zéro émission nette. De plus, les startups ne seront pas les seules à redéfinir les industries. Les entreprises établies qui feront preuve d’audace le pourront (et le devront) également. Un grand nombre d’entre elles présentent en effet des atouts en termes de capitaux, de connaissance du marché et de compétences techniques à l’échelle mondiale, lesquels seront nécessaires pour faire face aux bouleversements à venir.

La question que nous posons à ces entreprises est la suivante : que faites-vous pour repenser votre activité ? Comment vous préparez-vous et participez-vous à la transition vers l’objectif de zéro émission nette ? À mesure que votre secteur sera transformé par la transition énergétique, finirez-vous par disparaître ou renaîtrez-vous de vos cendres ?

Nous nous concentrons sur la durabilité non par croyance mais par devoir de loyauté, de vigilance et de prudence pour défendre au mieux les intérêts de nos clients. Cela suppose de comprendre comment les entreprises adaptent leurs activités aux bouleversements massifs qui redéfinissent l’économie. Dans cette optique, nous demandons aux entreprises de fixer des objectifs de réduction des gaz à effet de serre à court, moyen et long terme. Ces objectifs, et la qualité des politiques mises en place pour les atteindre, sont essentiels pour garantir les intérêts économiques à long terme de vos actionnaires. C’est également la raison pour laquelle nous vous demandons de publier des rapports conformes aux recommandations du Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat (TCFD). Nous pensons en effet qu’il s’agit là d’outils cruciaux pour évaluer la capacité d’une entreprise à s’adapter à l’avenir.

La transition vers l’objectif de zéro émission nette suscite déjà des inégalités, les différents pans de l’économie mondiale progressant à des vitesses différentes. Elle ne se fera pas du jour au lendemain. Cette transition implique de passer par diverses nuances de brun et de vert. Par exemple, pour garantir la continuité de l’approvisionnement en énergie à un prix abordable durant la phase de transition, les combustibles fossiles traditionnels comme le gaz naturel joueront un rôle important tant pour la production d’électricité et le chauffage dans certaines régions que pour la production d’hydrogène.

Le rythme du changement sera très différent dans les pays en développement et dans les pays développés. Mais des investissements sans précédent dans les technologies de décarbonation seront nécessaires sur tous les marchés. Nous avons besoin de découvertes aussi révolutionnaires que celle de l’ampoule électrique, et il faut encourager l’investissement dans ces innovations afin qu’elles soient applicables à large échelle et financièrement accessibles.

Alors que nous encourageons ces objectifs ambitieux- lesquels nécessiteront du temps-, les pouvoirs publics et les entreprises doivent veiller à ce que les populations continuent à bénéficier de sources d’énergie fiables et abordables. Seule cette démarche nous permettra de créer une économie verte équitable et juste et d’éviter les conflits sociaux. Les avancées ne se feront pas du jour au lendemain. En outre, tout plan axé uniquement sur la réduction de l’offre et négligeant la demande d’hydrocarbures entraînera une hausse des prix de l’énergie pour les populations les plus vulnérables, accentuant ainsi la polarisation autour du changement climatique et sapant les progrès accomplis.

Le désengagement de pans entiers de l’économie, ou le simple transfert d’actifs à forte intensité de carbone des marchés publics aux marchés privés, ne permettra pas à la planète de réaliser l’objectif de zéro émission nette. BlackRock n’applique pas une politique systématique de désinvestissement des sociétés pétrolières et gazières. Certains de nos clients choisissent de liquider leurs actifs dans ces secteurs, tandis que d’autres rejettent cette démarche. Certaines entreprises clairvoyantes issues de secteurs à forte intensité de carbone sont en train de transformer leurs activités, et leurs actions constituent un élément essentiel du processus de décarbonation. Nous pensons que les entreprises à la pointe de la transition représentent une opportunité d’investissement primordiale pour nos clients, et il sera essentiel d’attirer des capitaux vers ces leaderspour parvenir à un monde « net zéro ».Le désengagement de pans entiers de l’économie, ou le simple transfert d’actifs à forte intensité de carbone des marchés publics aux marchés privés, ne permettra pas à la planète de réaliser l’objectif de zéro émission nette. BlackRock n’applique pas une politique systématique de désinvestissement des sociétés pétrolières et gazières. Certains de nos clients choisissent de liquider leurs actifs dans ces secteurs, tandis que d’autres rejettent cette démarche. Certaines entreprises clairvoyantes issues de secteurs à forte intensité de carbone sont en train de transformer leurs activités, et leurs actions constituent un élément essentiel du processus de décarbonation. Nous pensons que les entreprises à la pointe de la transition représentent une opportunité d’investissement primordiale pour nos clients, et il sera essentiel d’attirer des capitaux vers ces leaderspour parvenir à un monde « net zéro ».

Le capitalisme a le pouvoir de façonner la société et d’agir comme un puissant accélérateur de changement. Mais les entreprises ne peuvent pas y parvenir seules, pas plus qu’elles ne peuvent faire office de gendarmes climatiques. Ce ne serait pas bénéfique à la société. Il faut que les pouvoirs publics définissent des orientations claires et une taxonomie cohérente en matière de politique, de réglementation et de transparence dans le domaine de la durabilité sur l’ensemble des marchés. Ils doivent également accompagner les communautés touchées par la transition, aider à mobiliser des capitaux pour les marchés émergents et investir dans l’innovation et les technologies qui seront essentielles pour décarboner l’économie mondiale.

C’est ce partenariat entre pouvoirs publics et secteur privé qui a permis de développer les vaccins anti-Covid en un temps record. En mobilisant le potentiel des secteurs public et privé, il est possible de réaliser de grandes choses. C’est ce que nous devons faire pour atteindre l’objectif de zéro émission nette.

DONNER AUX CLIENTS LE CHOIX EN MATIÈRE DE VOTE ESG

Le capitalisme des parties prenantes vise à générer une performance financière durable à long terme pour les actionnaires. La transparence de votre entreprise concernant ses plans en vue d’un monde « net zéro » est un élément important de cette démarche. Mais ce n’est là qu’une des nombreuses informations que nous et d’autres investisseurs demandons aux entreprises de fournir. En tant que gérants responsables des investissements de nos clients, nous demandons aux entreprises de décrire la manière dont elles vont s’acquitter de leurs responsabilités envers les actionnaires, notamment par le biais de solides pratiques et politiques environnementales, sociales et de gouvernance.

En 2018, j’ai annoncé notre intention de doubler la taille de notre équipe d’engagement actionnarial, laquelle reste la plus importante du secteur. Nous avons constitué cette équipe afin de pouvoir évaluer les progrès de votre entreprise tout au long de l’année, sans se limiter à la seule saison des assemblées générales. Il vous appartient de définir votre stratégie et de nous faire part de vos progrès. Nous voulons comprendre l’ensemble des questions auxquelles vous êtes confrontés, et pas seulement celles qui figurent sur les propositions présentées au vote. Cela inclut votre stratégie à long terme.

Alors que la relation entre nombre de parties prenantes et les entreprises continue d’évoluer, cette tendance concerne également les actionnaires de ces sociétés. Nous observons un intérêt croissant de la part des actionnaires, y compris parmi nos propres clients, pour la gouvernance d’entreprise des sociétés cotées.

C’est pourquoi nous menons une initiative visant à exploiter la technologie pour donner à un plus grand nombre de nos clients la possibilité de se prononcer sur la manière dont les votes sont exprimés dans les entreprises dans lesquelles leur argent est investi.

Nous proposons désormais cette option à certains clients institutionnels, y compris des fonds de pension représentant les intérêts de plus de 60 millions de personnes. Notre objectif est d’étendre cet univers.

Nous œuvrons pour un avenir où chaque investisseur, y compris un particulier, sera en mesure de participer, s’il le souhaite, au processus de vote lors des assemblées générales.

Nous savons qu’il existe aujourd’hui des obstacles réglementaires et logistiques importants pour y parvenir, mais nous pensons que cela pourrait insuffler au capitalisme un surcroît de démocratie et de liberté d’expression. Chaque investisseur a le droit d’être entendu. Nous continuerons à innover et à collaborer avec les autres acteurs du marché et les instances de réglementation pour que cette vision se concrétise.

Bien entendu, de nombreux chefs d’entreprise sont responsables de la supervision de fonds propres, qu’il s’agisse des fonds de pension du personnel, des comptes de trésorerie ou d’autres investissements réalisés par l’entreprise. Je vous invite à demander à votre gestionnaire d’actifs de vous donner la possibilité de participer plus directement au processus de vote lors des assemblées générales.

L’équipe d’engagement actionnarial de BlackRock est une composante intégrale de notre devoir de vigilance, de loyauté et de prudence envers nos clients et un grand nombre d’entre eux préfèrent que l’équipe continue à s’engager et à voter en leur nom. Mais sur le fond, les clients devraient au moins avoir le choix et la possibilité de participer plus directement au vote.

Chez BlackRock, nous sommes convaincus que les entreprises sont plus performantes lorsqu’elles ont pleinement conscience de leur rôle dans la société et qu’elles agissent dans l’intérêt de leurs collaborateurs, de leurs clients, des communautés dans lesquelles elles évoluent et de leurs actionnaires.

Toutefois, nous pensons également qu’il y a encore beaucoup à apprendre sur la façon dont les relations entre une entreprise et ses parties prenantes influent sur la valeur à long terme.

C’est pourquoi nous lançons un Pôle pour le Capitalisme des parties prenantes. Véritable forum de recherche, de dialogue et de débat, ce Pôle nous permettra d’approfondir la recherche portant sur les relations entre les entreprises et leurs parties prenantes, ainsi que les liens entre l’engagement auprès des parties prenantes et la valeur actionnariale.

Nous réunirons des chefs d’entreprise, des investisseurs, des experts en politique et des chercheurs de premier plan, qui nous feront part de leur expérience et de leurs analyses.

Satisfaire les intérêts divergents des nombreuses parties prenantes d’une entreprise n’est pas chose aisée. En tant que dirigeant, je suis bien placé pour le savoir. Dans ce monde polarisé, les chefs d’entreprise sont inévitablement confrontés à certaines parties prenantes exigeant une chose, tandis que d’autres exigent le contraire.

C’est pourquoi il est plus important que jamais que votre entreprise et vos équipes de direction soient guidées par votre mission. Si vous restez fidèle à la raison d’être de votre entreprise et que vous axez vos efforts sur le long terme tout en vous adaptant au nouveau monde qui nous entoure, vous générerez des performances durables pour vos actionnaires et contribuerez à faire du capitalisme une force bénéfique pour tous.