Bonn (AFP) – La France n’a aucune chance d’atteindre en l’état son objectif de neutralité carbone, vient d’avertir le Haut conseil pour le climat. Que recouvre cette notion et quels pays veulent l’atteindre ?
Définition
Les nations sont réunies jusqu’à jeudi à Bonn, en Allemagne, pour des discussions sur la mise en œuvre de l’Accord de Paris de 2015. Cet accord a posé le principe d’une diminution des « émissions de gaz à effet de serre le plus tôt possible, pour une neutralité des émissions dans la seconde partie du siècle ».
La neutralité carbone consiste pour un pays à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, qu’il ne peut en absorber via par exemple les forêts et les sols.
Les pays engagés
Deux petits pays, le Bhoutan et le Suriname, ont déjà atteint la neutralité carbone, selon une étude de l’ONG britannique ECIU présentée en marge de négociations sur le climat à Bonn.
Le Royaume-Uni, la France, l’Espagne et la Nouvelle-Zélande veulent atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et inscrire cet objectif dans la loi.
La Suède et la Norvège l’ont déjà fait et une dizaine de pays (Uruguay, Finlande, Chili, Costa Rica, Portugal, Fidji…) l’évoquent dans des documents.
Mais les échéances visées divergent de 2030 à 2050 tout comme la définition retenue. « Est-ce que cela recouvre tous les gaz à effet de serre » ? Ou seulement le CO2 ?
Les secteurs concernés
Le bâtiment, les transports, l’agriculture, l’industrie devront drastiquement réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour atteindre cet objectif.
D’autres secteurs peuvent passer à travers les mailles du filet. Les émissions liées aux transports internationaux (aviation et maritime) « sont exclues du projet de loi énergie de la France dans sa forme actuelle » relèvent Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat (HCC) qui vient de rendre un rapport sur la politique climatique de la France, et l’économiste Céline Guivarch.
L’empreinte carbone liée aux importations n’est souvent pas prise en compte dans le calcul des émissions.
Atteindre la neutralité carbone ne doit pas non plus se faire via un système de compensation qui ferait « porter l’effort sur d’autres pays » ou en comptant trop sur des solutions technologiques, avertit Teresa Anderson de l’ONG ActionAid.
Les forêts, les sols et les océans sont des acteurs essentiels pour stocker le carbone. Mais « les pressions en cours sur les écosystèmes et l’érosion accélérée de la biodiversité, les impacts attendus du changement climatique sur ceux-ci (…) rendent leur futur, et notre capacité à agir dessus, incertains », relève l’institut français IDDRI.
Un changement de mode de vie important
Atteindre zéro émission nette « va nécessiter une véritable transformation de l’énergie que nous utilisons, de la façon dont nous chauffons nos maisons, dont nous voyageons », a souligné Archie Young, en charge de la délégation britannique à Bonn.
Quelle échéance et à quel rythme ?
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié en 2018 un rapport de référence sur les conséquences du réchauffement climatique. Pour le contenir à 1,5°C, les émissions de CO2 doivent chuter bien avant 2030 (-45% d’ici 2030) et le monde atteindre une neutralité carbone en 2050.
Des ONG estiment que l’objectif des pays développés doit être plus ambitieux et viser plutôt 2030.
Se pose aussi la question de la trajectoire pour parvenir à zéro nette émission. « Un objectif pour 2050 ne fait pas grand sens si cela ne conduit pas à agir dans les prochaines années », relève Teresa Anderson. Richard Blake, directeur de l’ECIU, plaide pour « des objectifs intermédiaires ».
Les difficultés
Les dirigeants européens viennent d’échouer à inscrire la date de 2050 comme celle d’une Union européenne neutre en émissions de carbone face à l’opposition de quatre pays d’Europe de l’Est très dépendants des énergies fossiles, dont la Pologne avec le charbon.
« Nous voulons vraiment maintenir le leadership européen dans l’action climatique, faire valoir que c’est faisable et convaincre ainsi d’autres pays et régions », a pourtant assuré Yvon Slingenberg, représentante de l’UE, à l’AFP.
Certains pays ne parviendront pas seuls à la neutralité carbone, avertit Richard Blake. « Les pays en voie de développement pourraient dépendre d’un soutien financier. »