Cette approche globale doit permettre à la finance verte d’intégrer pleinement la biodiversité. La fixation d’objectifs ambitieux par les états lors de la COP15 est un préalable, mais comme pour la COP21 sur le climat, la pression du monde économique et financier sera essentielle. Voilà la nouvelle frontière qui est devant nous.
Lundi 6 mai 2019 sera une journée très importante pour le combat que nous avons à mener pour sauvegarder la biodiversité sur notre planète et réduire, si nous ne pouvons totalement l’empêcher, la cinquième extinction des espèces vivantes dont l’activité humaine est la cause.
A Paris, d’abord, après un travail minutieux de plusieurs années, la communauté scientifique réunie au sein de IPBES rendra public le premier rapport international qui constate la crise de la biodiversité. Equivalent des travaux du GIEC sur le climat, ce rapport est terrible. Il montre à quel point l’effondrement de la biodiversité est une catastrophe pour l’humanité et nécessite une action forte et immédiate. Ce rapport est la première étape qui doit conduire à un accord international sur la biodiversité lors de la COP15 biodiversité qui se tiendra en Chine à l’automne 2020. La France, qui accueillera en juin 2010 le Congrès mondial de la conservation de l’IUCN, associée à d’autres pays, a annoncé son ambition de faire de cet accord l’équivalent de ce qu’a été l’Accord de Paris sur le climat.
A Metz, ensuite, les ministres de l’environnement des pays du G7 ainsi que de nombreux pays invités sont réunis pour le G7 Environnement. La biodiversité en est l’un des principaux sujets de discussion. Lundi 6 mai, une session est consacrée plus spécifiquement au financement de la biodiversité.
La finance, nerf de la guerre
La COP21 sur le climat a marqué une double prise de conscience qui a donné naissance à la dynamique que nous connaissons aujourd’hui sur la finance climat. D’une part, les scientifiques, les ONG et les politiques ont pris conscience que sans l’implication de la finance privée, le combat contre le changement climatique ne pouvait pas être gagné. D’autre part, la finance a pris conscience du risque climat. Le discours fondateur du Gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, a joué un rôle majeur pour définir les risques systémiques que le changement climatique fait peser sur le système financier.
Qui prononcera le discours fondateur mettant en lumière les risques systémiques liés à l’effondrement de la biodiversité ?
D’ici là, trois rapports importants sont présentés à Metz aujourd’hui :
• le rapport de l’OCDE pour la Présidence du G7 « Biodiversity: Finance and the Economic and Business Case for Action » porte sur l’intérêt économique de la préservation de la biodiversité et la quantification des flux financiers nécessaires
• le rapport de WWF France et AXA « Into the wild : integrating nature into investment strategies » fait des propositions fortes pour l’intégration du risque biodiversité (risques physiques, de transition, réputationels) dans les décisions d’investissements
• enfin, l’Alliance sur les risques et la résilience océanique (ORRAA) portée par AXA XL, Ocean Unite et la Canada insiste sur la nécessité de combiner les moyens de la finance publique et de la finance privée pour investir dans la résilience des écosystèmes.
Les premières briques de l’édifice se mettent en place. Les acteurs de la finance et de l’investissement peuvent désormais prendre le relai. C’est au coeur de la mission de Mirova. Voici les grandes lignes de l’engagement que nous voulons développer pour la biodiversité.
L’engagement de Mirova au service du capital naturel
Financer la biodiversité implique de créer la même dynamique que celle que nous avons connu pour le climat. Mirova a été parmi les pionniers de cette finance au service du climat. Dans le contexte de l’agenda politique 2020 sur la biodiversité, nous publierons une étude globale sur l’investissement pour la biodiversité, avec pour objectifs :
• de dresser un état des lieux des enjeux de la biodiversité, des principaux vecteurs de son effondrement, des différents scénarios la concernant, de la trajectoire à viser, en prenant pour base les constats du rapport de l’IPBES
• de présenter, pour chacun des macro-secteurs économiques ayant un impact significatif sur la biodiversité, les principales activités générant ces impacts, et les solutions ou alternatives à développer et soutenir pour limiter l’érosion de la biodiversité
• de présenter comment une stratégie d’investissement, cotée ou non cotée, peut être structurée et définie pour contribuer favorablement au maintien de la biodiversité
• d’aborder enfin la mesure d’impact, outil indispensable pour rendre compte de la pertinence des choix d’investissement et évaluer l’impact global des stratégies déployées.
Cette réflexion en profondeur doit nous conduire à une intégration systématique de la biodiversité dans nos stratégies d’investissements.
Une prise en compte la biodiversité dans l’analyse des entreprises
Cette dimension n’est pas absente de l’analyse ESG, mais il faut aller beaucoup plus loin. L’érosion de la biodiversité étant en premier lieu causée par les activités agricoles et forestières non durables, par les activités minières et extractives, par le changement climatique, ainsi que par les activités d’artificialisation (infrastructures, villes, etc.) et pollutions, nous chercherons à valoriser et à soutenir les alternatives durables à ces activités nécessitant d’être réformées : agriculture biologique et autres bonnes pratiques agricoles, économie circulaire, énergies renouvelables, etc. Notre évaluation des entreprises, de même que notre politique de vote et d’engagement, prendront en compte les impacts sur la biodiversité.
Un investissement direct dans le capital naturel
La nature offre des opportunités d’investissement durables et rentables : agriculture durable, exploitation forestière responsable, conservation financée par des crédits carbone, pêche durable, éco-tourisme… La plateforme Mirova Capital Naturel vise d’atteindre 1 milliard d’euros d’investissement à horizon 2022, cible que nous nous sommes fixés dans le cadre de notre engagement dans Act4Nature.
Cette stratégie porte déjà ses fruits :
• Althelia Climate Fund (ACF), lancé en 2014 en partenariat avec Conservation International, a soutenu des projets d’agro-foresterie et de gestion durable des écosystèmes (notamment cacao durable, café durable, foresterie durable, etc.) en Amérique du Sud, Afrique et Asie ;
• le Fonds Land Degradation Neutrality (LDN), créé par Mirova sur une initiative de la Convention Désertification des Nations Unies (UNCCD), investit dans des projets luttant contre la dégradation des terres : agro-foresterie, foresterie durable, etc.
• Althelia Sustainable Ocean Fund (SOF), lancé en 2018 en partenariat avec Conservation International et Environmental Defense Fund, est dédié aux pêcheries et à l’aquaculture durables.
Une mesure des impacts de nos investissements sur la biodiversité
Enfin, après avoir déployé avec succès un indicateur de mesure de l’impact climatique de nos produits, Mirova travaille aujourd’hui à définir et implémenter un indicateur d’impact sur le sujet de la biodiversité. C’est un sujet complexe, qui nécessitera un enrichissement des données disponibles, notamment en provenance des entreprises. Nous soutenons donc l’appel de WWF et AXA à une « task force » équivalente à ce qu’a été TCFD pour le climat. L’indicateur d’impact sur la biodiversité devra répondre aux mêmes critères de qualité que ceux que nous exigeons pour la mesure de l’empreinte carbone de nos portefeuilles :
• une approche en « cycle de vie » : l’indicateur doit intégrer l’ensemble de la chaine de valeur d’une entreprise, y compris en amont et en aval
• une prise en compte des impacts évités : afin de valoriser les apporteurs de solutions, au-delà des impacts négatifs générés par une entreprise, il est essentiel d’estimer les bénéfices qu’elle apporte par rapport à la situation actuelle (exemple : l’agriculture biologique a une empreinte sur la biodiversité, mais elle fournit aussi des solutions pour réduire les impacts).