La politique monétaire dans un environnement changeant

Décembre 2022 : Voici la présentation de madame Christine Lagarde sur la politique monétaire dans un environnement de forte inflation : engagement et clarté .

La politique monétaire

L’inflation dans la zone euro est beaucoup trop forte, et a atteint un nombre à deux chiffres pour la première fois en octobre. Ici, en Estonie, elle a même bondi à 25 %. Du fait de la conjugaison des chocs auxquels nous sommes confrontés – guerre, énergie, perturbations des chaînes d’approvisionnement, nouveaux schémas de demande –, l’inflation devrait rester supérieure à notre objectif pendant un certain temps.

Dans une période aussi tendue, les banques centrales doivent s’appuyer sur leur propre boussole, à savoir la fidélité envers leur mandat, pour assurer la stabilité des prix. Elles doivent être prêtes à prendre les décisions qui s’imposent, aussi difficiles soient-elles, pour faire baisser l’inflation, car les conséquences de l’enracinement d’une inflation trop élevée seraient bien plus néfastes pour tous.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Ragnar Nurkse, à qui cette série de conférences est dédiée, propose une réponse dans ses écrits. S’il est bien connu pour ses travaux sur l’architecture financière internationale, il a également contribué de façon importante à notre compréhension de l’inflation sur la base des expériences de l’entre-deux-guerres

Il a notamment montré que la lutte contre l’inflation était à la fois complexe et simple.

Complexe parce que, en période de forte volatilité, les économies peuvent subir une série de chocs se traduisant par une inflation en hausse et persistante. Tel a été le cas dans les années 1920 lorsque l’inflation a été alimentée, en partie, par la chute des taux de change et par des goulets d’étranglement très aigus au niveau de l’offre, d’énergie notamment.

Mais simple parce que, de fait, une seule possibilité existe pour que ces chocs puissent causer une inflation durable, à savoir que la politique monétaire s’accommode de ces chocs et les laisse alimenter les anticipations d’inflation.

Selon Nurkse, quand les prix augmentent pendant un certain temps (…), il en ressort des anticipations de poursuite de la hausse. Le point auquel ces anticipations deviennent fermes et largement partagées est crucial dans le processus d’inflation. À partir de ce point, selon Nurkse, le processus change complètement de nature.

À l’heure actuelle, nous nous trouvons dans un environnement extrêmement difficile, dans lequel l’inflation est nourrie par une série de chocs différents. Mais c’est la politique monétaire qui déterminera si ces chocs seront à l’origine d’une inflation durable. Et nous ne laisserons pas cela se produire.

Nous devrons donc relever les taux d’intérêt directeurs à des niveaux permettant d’atteindre notre objectif d’inflation de 2 % à moyen terme. L’objectif final de notre trajectoire de taux d’intérêt est clair, et nous ne l’avons pas encore atteint.

Je voudrais expliquer aujourd’hui pourquoi nous sommes confrontés à une inflation aussi élevée et évaluer les risques que cette situation perdure. Je dirai cependant comment avec deux lettres, « E et C » – engagement en faveur de notre mandat et clarté sur notre fonction de réaction –, nous pouvons relever les défis et ramener l’inflation au niveau de notre objectif.

Les moteurs de l’inflation

Depuis les débuts de l’union monétaire, nous n’avons jamais assisté à un changement aussi brusque de l’environnement d’inflation. L’inflation globale dans la zone euro, qui était encore négative en décembre 2020, a augmenté de 11 points de pourcentage par rapport au creux atteint pendant la pandémie, pour s’établir à son plus haut niveau le mois dernier. L’inflation sous-jacente, qui exclut l’énergie et les produits alimentaires, a augmenté de 4,8 points de pourcentage.

Trois facteurs interconnectés ont conduit à ce renversement : le fait que nous sommes face à une répétition de chocs ; que ces chocs se transmettent plus fortement à l’inflation ; et qu’ils sont plus persistants que par le passé, en raison des mutations structurelles de l’économie.

Premièrement, la zone euro a subi une succession sans précédent de chocs, tant de demande que d’offre. Cela a réduit l’offre globale tout en redirigeant la demande vers des secteurs confrontés à des contraintes de capacités.

Nous avons fait face aux confinements dus à la pandémie, aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement, à des interruptions de la production d’énergie, à l’invasion inacceptable et injustifiable de l’Ukraine par la Russie, tout cela alors que la demande fluctuait rapidement entre les secteurs. Récemment, la réouverture de l’économie a entraîné un déblocage rapide de la demande non satisfaite, soutenue par des excédents d’épargne élevés.

Par conséquent, selon les analyses menées par la BCE, les facteurs d’offre et de demande contribuent actuellement plus ou moins à parts égales à l’inflation sous-jacente, la demande étant plus importante pour les services et l’offre pour les biens industriels. Il en a résulté un choc inflationniste vaste et persistant.

Deuxièmement, nous observons une transmission plus rapide et plus forte de ces chocs sur les prix.

Par le passé, la transmission des prix à la production à la hausse des prix des biens industriels prenait généralement environ deux ans et était souvent partiellement amortie par les marges bénéficiaires : les entreprises absorbaient en partie les augmentations de coûts pour éviter d’imposer de fortes hausses des prix aux consommateurs.

Les analyses de la BCE montrent toutefois que, récemment, cette transmission sur l’inflation est beaucoup plus rapide et ne prend qu’un semestre environ. De plus, en moyenne, elle a été plus forte qu’auparavant, les entreprises maintenant voire, dans certains secteurs, augmentant leurs marges bénéficiaires. Ce phénomène s’explique comme ceci : lorsque l’inflation est élevée partout et que l’offre est contrainte, les entreprises peuvent plus facilement répercuter des hausses de coûts sur les consommateurs sans perdre de parts de marché au profit de leurs concurrents.

Tous ces éléments ont fait que les chocs externes se sont propagés à l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire cette part de l’inflation généralement plus « rigide ». Même si on peut s’attendre à ce que certains moteurs s’atténuent avec l’allégement des goulets d’étranglement au niveau de l’offre, la dissipation des effets liés à la réouverture de l’économie et la stabilisation des prix de l’énergie, les mesures standard de l’inflation sous-jacente dans la zone euro se situent aujourd’hui entre environ 4 et 8 %.

Le troisième facteur aggravant cette situation est la persistance des chocs, due aux mutations structurelles de l’économie.

Les chocs liés à la pandémie et à la guerre en Ukraine sont à l’origine de ce que j’ai précédemment appelé une « nouvelle carte du monde » en termes de relations économiques. Et du fait des bouleversements économiques se produisant sur cette nouvelle carte du monde, certaines contraintes pesant sur l’offre sont susceptibles de durer plus longtemps. Je voudrais citer deux bouleversements en particulier.

Premièrement, la réduction de l’approvisionnement en gaz causée par l’invasion russe est un changement structurel majeur dont les répercussions se feront encore sentir pendant des années. Les courbes des contrats à terme suggèrent des prix du gaz plus élevés pendant encore un certain temps, les pays européens devant payer une prime pour attirer du gaz naturel liquéfié (GNL) hors contrat pour remplacer le gaz russe. Les effets de substitution pousseront probablement aussi à la hausse les prix d’autres sources d’énergie.

À plus long terme, la guerre devrait également accélérer la transition écologique en Europe, notamment le passage aux énergies renouvelables, ce qui devrait, en dernier ressort, entraîner une baisse des prix de l’électricité. Nous pourrions cependant constater un recul des investissements dans la production de pétrole et de gaz pendant la phase de transition, ce qui pousserait les prix des combustibles fossiles à la hausse alors que la demande pour ces combustibles reste forte.

Deuxièmement, la nature de la mondialisation change sous nos yeux, particulièrement le rôle joué par la Chine. Les perturbations de l’offre causées par la pandémie, les vulnérabilités qu’elle a mises au jour et le nouveau paysage géopolitique semblent devoir se traduire par une réévaluation des chaînes de valeur mondiales.

Si cela ne conduira pas à une « démondialisation », nous pouvons nous attendre à la réintroduction de facteurs géopolitiques dans les chaînes d’approvisionnement. Une étude récente souligne que près de 90 % des entreprises mondiales prévoient de régionaliser leur production au cours des trois prochaines années. Ces évolutions devraient entraîner une perte d’efficacité et une augmentation des coûts, ce qui pourrait créer, pour un temps, des tensions inflationnistes pendant la période d’ajustement des chaînes d’approvisionnement.

Dans le même temps, des décisions politiques prises en Chine ainsi que les contrôles sur les exportations de technologies essentielles aux États-Unis devraient peser sur la place de la Chine au sein du réseau de production mondial. Dans la mesure où ce pays réagira en se tournant sur son marché intérieur et ne procédera pas à des réformes visant à améliorer le fonctionnement des marchés, ces mesures pourraient provoquer un choc d’offre profond au niveau mondial.

Le risque d’effets de second tour

La politique monétaire ne peut pas empêcher les effets de premier tour d’un grand nombre de ces chocs. Mais, en particulier quand ces chocs perdurent, nous devons veiller à ce qu’ils ne produisent pas d’effets de second tour de nature à pérenniser l’inflation trop forte.

La zone euro étant importatrice nette d’énergie, nous sommes soumis à un vaste choc inévitable sur le revenu réel dû à la détérioration des termes de l’échange. Cette « taxe » sur les termes de l’échange a atteint 2 points de pourcentage de PIB au deuxième trimestre 2022.

La question aujourd’hui, pour les travailleurs, les entreprises et les pouvoirs publics, est de savoir comment cette charge devrait être répartie dans le temps au sein de l’économie. Une répartition équitable entre les revenus salariaux et les marges bénéficiaires est certainement justifiée. Les politiques budgétaires peuvent également aider à partager le fardeau entre les différents groupes de revenus.

En ce qui nous concerne à la BCE, notre mission étant d’assurer la stabilité des prix, nous devons faire en sorte que ce processus ne se traduise pas par une dynamique inflationniste. Un désancrage des anticipations d’inflation, qui influeraient sur les négociations salariales et sur la fixation des prix, pourrait donner lieu à une spirale prix-salaires renforçant à son tour le désancrage. À terme, il en résulterait une baisse des revenus réels et une inflation plus forte.

Dès lors, quel est le niveau du risque d’effets de second tour actuellement ?

Nous observons à l’horizon des facteurs susceptibles de réduire la demande et donc, toute chose égale par ailleurs, de nuire à la capacité des entreprises de répercuter les hausses des coûts sur les prix.

Avec la transmission des prix de gros de l’énergie sur les factures individuelles, les ménages ressentent de plus en plus la pression sur leurs revenus réels et devraient réduire leur consommation. Dans le même temps, la demande non satisfaite constatée depuis la réouverture de l’économie tend à se résorber. L’utilisation des excédents d’épargne semble déjà largement compensée par un renforcement des motifs d’épargne de précaution et une préférence pour la liquidité.

Dans ce contexte, bien que les données récentes sur la croissance du PIB aient été meilleures qu’attendu, le risque de récession a augmenté. L’Estonie est également concernée, puisque la Banque d’Estonie anticipe un recul du PIB de 0,5 % cette année.

Ce ralentissement local pourrait également être exacerbé par le resserrement simultané des politiques monétaires à l’échelle mondiale. Selon les analyses de la BCE, depuis le début des années 1990, un resserrement de la politique monétaire aux États-Unis entraîne généralement une contraction de la production industrielle dans la zone euro équivalente à celle enregistrée aux États-Unis.

Toutefois, au regard des données de long terme, nous ne devons pas nous attendre à ce que le ralentissement de la croissance entame réellement la dynamique d’inflation, du moins pas dans un avenir proche. Si l’on considère les récessions que la zone euro a subies dans les années 1970, le taux d’inflation globale a baissé d’environ 1,1 point de pourcentage en moyenne au bout d’un an, alors que l’effet sur l’inflation sous-jacente a été inférieur de moitié.

Même les effets supplémentaires des retombées extérieures sur la demande n’entraîneront pas nécessairement un ralentissement de l’inflation à court terme. Selon nos analyses, un resserrement de la politique monétaire aux États-Unis tend à freiner l’inflation de la zone euro à moyen terme. Mais à court terme, une dépréciation de l’euro face au dollar et une augmentation des prix en euros des matières premières provoqueront une accélération de l’inflation.

Dans cet environnement, nous devrions assister à un « rattrapage » partiel des salaires sur la hausse de l’inflation, puisque les conditions sont réunies pour que les travailleurs essayent de compenser leurs pertes de revenu réel.

Les marchés du travail ont résisté jusqu’ici, les indicateurs prospectifs ne faisant pas état de véritable affaiblissement. Les anticipations d’inflation ont augmenté progressivement. En parallèle, les pouvoirs publics font face à des demandes de renforcement des mécanismes d’indexation sur l’inflation, notamment des retraites légales et des salaires du secteur public, ce qui pourrait également augmenter les tensions sur les salaires dans le secteur privé.

Ces perspectives sont confirmées par les données ressortant des dernières négociations salariales et par notre enquête téléphonique auprès des entreprises, qui laissent présager une augmentation d’environ 4 % des salaires négociés l’année prochaine. En Estonie, actuellement, la hausse des salaires est d’environ 10 %.

Ces évolutions ne constituent pas, pour l’instant, des effets de second tour excessifs, et les anticipations d’inflation à plus long terme restent ancrées. L’inflation devrait cependant rester forte pendant une période prolongée. Nous devons donc surveiller attentivement les anticipations d’inflation et les négociations salariales pour assurer que la croissance des salaires n’atteigne pas durablement des niveaux incompatibles avec notre objectif.

Engagement et clarté

Dans cette situation, comment devons-nous calibrer la politique monétaire pour garantir la stabilité des prix ? Pour moi, deux mots, commençant par les lettres « E » et « C », sont centraux : l’engagement en faveur de notre mandat et la clarté autour de notre fonction de réaction.

Il est fondamental de montrer notre engagement en faveur de notre mandat pour faire en sorte que les anticipations d’inflation restent ancrées et éviter l’enracinement des effets de second tour. Plusieurs décisions prises récemment par le Conseil des gouverneurs soulignent notre détermination à cet égard.

Tout d’abord, nous avons relevé nos taux d’intérêt directeurs de 200 points de base sur les trois dernières réunions de politique monétaire, un rythme jamais atteint auparavant. Nous signalons ainsi notre détermination à atteindre notre objectif, ce qui devrait avoir des effets immédiats sur les anticipations d’inflation. La normalisation de la politique monétaire réduit également le soutien à la demande en période d’inélasticité de l’offre, ce qui devrait conduire les entreprises à revoir à la baisse leurs attentes en matière de prix de vente.

Ensuite, nous avons décidé la semaine dernière de modifier les conditions de notre troisième série d’opérations ciblées de refinancement à plus long terme (targeted longer-term refinancing operations, TLTRO III). Les TLTRO ont apporté un soutien important, qui était nécessaire pendant la pandémie, en renforçant la transmission des taux directeurs à l’économie par l’intermédiaire des banques. Mais la situation a complètement changé et nous devons à présent veiller à ce que la baisse des coûts de financement des banques permise par les TLTRO n’entrave pas la transmission de la politique monétaire alors même que celle-ci doit être normalisée.

Ces mesures viennent compléter celles que nous avions prises par le passé pour préserver la transmission ordonnée des taux à l’économie par l’intermédiaire des marchés financiers, notamment la souplesse des réinvestissements dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie et la mise en place du nouvel instrument de protection de la transmission.

S’il est vrai que les taux d’intérêt restent l’instrument le plus efficace face à un environnement de forte inflation, il est important de signaler, comme nous le faisons systématiquement dans notre déclaration de politique monétaire, que « nous nous tenons prêts à ajuster l’ensemble de nos instruments, dans le cadre de notre mandat, pour faire en sorte que l’inflation revienne au niveau de notre objectif à moyen terme ».

De ce point de vue, comme je l’ai expliqué lors de la conférence de presse de la semaine dernière, nous présenterons en décembre les grands principes de réductions de nos avoirs en obligations acquises dans le cadre de nos portefeuilles de politique monétaire.

Notre engagement doit cependant aller de pair avec la clarté autour de notre fonction de réaction.

Compte tenu de l’incertitude actuelle, il n’est plus pertinent que nous donnions des indications détaillées sur l’orientation future de la politique monétaire. Compte tenu de la complexité des chocs auxquels nous sommes confrontés, être en mesure de réagir en fonction des données disponibles est un grand avantage. Mais prendre des décisions monétaires réunion par réunion en s’appuyant sur les données n’a pas que des avantages. La volatilité des taux d’intérêt de marché, en particulier, augmente en réponse aux annonces.

C’est pourquoi il est important d’expliciter notre fonction de réaction plutôt que de guider les marchés en fixant des objectifs de taux précis.

Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons relevé les taux d’intérêt directeurs de 200 points de base et prévoyons de continuer à les relever. Notre travail est loin d’être terminé. En outre, resserrer la politique monétaire pourrait ne pas suffire à ramener l’inflation au niveau de notre objectif. Notre objectif et la vitesse à laquelle nous devons y parvenir seront déterminés par plusieurs facteurs.

Les perspectives d’inflation sont le premier facteur, et le plus important : nous relèverons les taux à des niveaux permettant de ramener au plus tôt l’inflation au niveau de notre objectif à moyen terme. Les perspectives d’inflation sont prospectives et tiennent compte des différentes forces auxquelles nous sommes soumis : les perspectives de l’économie, la persistance des chocs et la réaction des salaires et des anticipations d’inflation. Les chiffres actuels de l’inflation sont pertinents dans la mesure où ils fournissent des informations supplémentaires sur sa persistance.

Le deuxième facteur est l’orientation correspondante de la politique monétaire et les délais de transmission à la demande et à l’inflation. La politique monétaire est par essence prospective, puisque les effets des changements des taux d’intérêt ne se font pleinement sentir qu’après un an ou deux. Par conséquent, même si les effets de nos décisions se renforceront avec le temps, ils ne seront visibles dans les données qu’avec un certain décalage.

Ce délai de transmission et l’incertitude actuelle signifient également que les taux suivront, à l’avenir, une trajectoire différente en fonction de l’évolution de la situation. Si nous observions, par exemple, une inflation de plus en plus persistante et un risque de désancrage des anticipations, nous ne pourrions pas attendre que les effets des mesures de politique se fassent pleinement sentir. Nous devrions prendre des mesures supplémentaires jusqu’à ce que nous croyions vraiment à un retour au plus tôt de l’inflation au niveau de notre objectif.

La clarté présente une autre dimension fondamentale : elle permet d’expliciter les effets recherchés par les mesures prises dans d’autres domaines sur les perspectives d’inflation, et donc sur les mesures que nous prenons.

Pendant la pandémie, les mesures des politiques budgétaires et monétaire se sont alignées naturellement. Les politiques budgétaires devaient prévenir un effondrement de l’emploi, et la politique monétaire devait permettre d’éviter un ralentissement brutal de l’inflation. L’ensemble des mesures adoptées alors appuyaient la stabilité des prix.

Actuellement, toutefois, l’alignement entre les politiques budgétaires et monétaire n’est plus aussi automatique. Avec le ralentissement de l’économie et la baisse des revenus réels, les politiques budgétaires pourraient adopter une orientation plus expansionniste, au-delà de la contribution des stabilisateurs automatiques. Cependant, dans un environnement d’offre contrainte, les tensions inflationnistes pourraient se trouver exacerbées, ce qui pourrait forcer la banque centrale à resserrer sa politique plus que nécessaire par ailleurs.

C’est pourquoi nous avons souligné la nécessite d’un soutien budgétaire temporaire, ciblé et sur mesure.

Il devrait être temporaire pour ne pas trop pousser la demande à la hausse à moyen terme. Il devrait être ciblé pour que l’ampleur de l’impulsion budgétaire soit limitée et bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin. Et il devrait être mis en œuvre sur mesure pour ne pas affaiblir les incitations à réduire la demande en énergie.

Avec le temps, les politiques budgétaires devront être consolidées. Elles feront une différence en matière d’inflation, qu’elles passent par une baisse des transferts, de la consommation publique et une augmentation des impôts ou par une réduction de l’investissement public, comme cela a souvent été le cas par le passé. De nombreuses sources actuelles d’inflation se trouvant du côté de l’offre, des politiques publiques réorientant l’investissement là où les besoins se font le plus sentir seront essentielles pour permettre une croissance non inflationniste.

Conclusion

Je voudrais à présent conclure mon propos.

L’environnement actuel est complexe. Nous subissons des chocs de toutes parts, alors que nous nous orientons sur une « nouvelle carte du monde » qui contribue à leur plus grande persistance.

Mais le principal objectif de la politique monétaire est simple : nous ne pouvons pas laisser, et nous ne laisserons pas, l’inflation élevée s’enraciner. Notre engagement à ramener l’inflation au niveau de notre objectif à moyen terme est sans faille, et nous sommes déterminés à prendre les mesures nécessaires à cette fin. Plus le grand public croira en un retour au plus tôt de l’inflation à 2 %, plus le processus d’ajustement sera harmonieux.

Pour citer Samuel Johnson, « ce n’est pas la force, mais la persévérance qui fait les grandes œuvres ». Et nous persévérerons jusqu’à ce que la stabilité des prix soit assurée dans la zone euro.