L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Voici une étude qui soulève l’importance d’appréhender l’économie circulaire dans sa globalité, pour penser de nouveaux modes de production et de consommation plus responsables, avec davantage de sobriété.

L’Économie circulaire dans les entreprises

Parmi les enseignements clés :

  • Si toutes les entreprises interrogées ont commencé à déployer des actions en lien avec l’économie circulaire, elles ont tendance à concentrer leurs efforts sur un nombre encore limité de sujets, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans prendre en compte les problématiques qui pèsent sur les ressources et sur leur gestion.  
  • Le suivi et l’évaluation de ces actions restent à améliorer : seul un quart des entreprises répondantes est en mesure de communiquer sur la part de leur chiffre d’affaires lié à l’économie circulaire. Des progrès au niveau de la formation doivent également être accomplis ; par exemple, en suivant davantage les nouvelles compétences et qualifications nécessaires ainsi que le budget qui doit y être alloué.

Alors que l’année 2022 a été marquée par les effets conjoints de plusieurs crises, laissant les personnes fragiles encore plus démunies et faisant basculer dans la précarité des personnes déjà sur le fil, l’économie circulaire doit être aussi pensée pour encourager les entreprises à plus de solidarité. C’est dans cet esprit que la Loi anti-gaspillage et économie circulaire (loi AGEC) interdit depuis le 1er janvier 2022 aux entreprises de détruire leurs invendus non alimentaires, notamment en vue d’encourager le don de ces produits pour des associations caritatives. Néanmoins, une étude récemment réalisée par l’ADEME révèle que 80% des entreprises, notamment les TPE/PME, ne connaissent pas cette mesure.

À l’heure de la prise de conscience croissante de la nécessité de passer à une économie plus sobre, de l’épuisement des ressources naturelles (à commencer par l’eau) et du coût en ressources minières de certaines technologies bas carbone, rappeler l’intérêt de l’économie circulaire semble une évidence : faire de nos déchets des ressources… pour in fine cesser de vivre à crédit (dès le mois de mai en France, comme le rappelle chaque année « le jour du dépassement ») sur la planète.

Répondant à de nombreux défis sociaux, environnementaux et économiques rencontrés par notre modèle de croissance actuel basé sur une économie linéaire – produire, consommer, jeter – le passage à une économie circulaire est un impératif pour les organisations, et en particulier pour les entreprises. Pour les investisseurs, évaluer l’intégration d’un modèle circulaire par les entreprises s’avère essentiel pour mieux comprendre la réelle réforme de leurs modèles de production permettant une meilleure prise en compte des limites planétaires, et ainsi mieux orienter leurs investissements.

C’est donc tout naturellement que le FIR et l’INEC se sont associés pour mener cette étude, en partant du principe que tous les secteurs d’activités, de manière directe et indirecte, peuvent contribuer à circulariser les pratiques. L’analyse de politiques des 43 entreprises répondantes appartenant à neuf secteurs d’activités différents, de la consommation de base aux technologies de l’information en passant par la finance ou encore l’énergie, vient confirmer la pertinence de cette approche.

Le constat démontre que le déploiement d’approches systémiques mêlant politique climat, biodiversité, usage sobre des ressources et réemploi des déchets produits reste peu généralisé. Pour la moitié des entreprises répondantes, le sujet demeure un élément de leur politique de développement durable ou de simple reporting RSE et non un sujet stratégique à part entière.

Par ailleurs, si les grandes entreprises françaises interrogées semblent toutes avoir commencé à déployer des actions sur le recyclage, la réutilisation ou le réemploi, certains piliers, comme celui de l’économie de la fonctionnalité, sont encore mal compris. En outre, les actions menées concernent la plupart du temps un périmètre circonscrit des activités de l’entreprise et de sa chaîne de valeur.

Le périmètre d’application des politiques d’économie circulaire des entreprises reste difficile à appréhender en raison notamment du manque d’indicateurs de mesure consolidés. Il est également important d’identifier les principaux intérêts et freins au déploiement des politiques d’économie circulaire. Parmi l’échantillon de répondants, l’intérêt économique semble être un moteur pour une grande majorité des entreprises mais des freins restent à lever au premier rang desquels les freins logistiques pour plus de la moitié des répondants.

Ce sont tous ces éléments que nous avons commencé à évaluer et dont nous restituons les premiers résultats dans cette étude. Nous avons ici non seulement établi un premier état des lieux sur les politiques d’économie circulaire des plus grandes capitalisations françaises mais également mis en avant des exemples de bonnes pratiques sur chaque dimension. Nous espérons que cette première publication, résultat d’un partenariat fructueux entre nos organisations, contribuera à faire progresser l’ensemble des parties prenantes vers une transformation de nos modèles et cela dans l’ensemble de notre économie et à amener les pouvoirs publics à prendre les mesures adéquates.

INTRODUCTION

Selon l’Institut National de l’Économie Circulaire (INEC), l’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. Ce modèle repose sur la création de boucles de valeur positives à chaque utilisation ou réutilisation de la matière ou du produit avant destruction finale. Il met notamment l’accent sur : de nouveaux modes de conception, production et consommation ; le prolongement de la durée d’usage des produits ; l’usage plutôt que la possession de biens ; la réutilisation et le recyclage des composants. En définitive, l’économie circulaire implique par ordre de priorité : réduction, réemploi et enfin recyclage.

Diverses organisations (INEC, ADEME, Fondation Ellen MacArthur, Commission européenne, …) ont travaillé sur le concept d’économie circulaire avec l’ambition commune de faire émerger une économie alternative à l’économie linéaire dans laquelle évoluent nos sociétés aujourd’hui.

Le passage d’une économie linéaire à circulaire est indispensable pour assurer une transition écologique durable et constitue une opportunité pour les entreprises : une gestion optimisée des ressources peut permettre le découplage entre la création de valeur sociétale qui augmente et l’impact sur l’environnement qui diminue. En particulier, l’économie circulaire constitue un levier important pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) : selon la fondation Ellen MacArthur et McKinsey, elle pourrait permettre une réduction des émissions de près de 50 % d’ici à 2030 et de 83 % d’ici 20502. De plus, comme l’ont détaillé Capgemini et l’INEC dans leur récente étude « stratégie nationale bas carbone sous contrainte de ressources » , une transition bas carbone viable ne peut être pensée sans le facteur ressources. Pourtant, d’après le Circularity Gap Report 2022, l’économie de la circularité ne représentait encore que 8,6 % de notre système économique en 2020.

Face à l’intérêt croissant de la communauté d’investisseurs responsables, au développement rapide des régulations française et européenne et à un manque de vision systémique des pratiques sur le sujet, le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) et l’INEC ont choisi d’entreprendre un premier état des lieux des politiques d’économie circulaire des plus grandes entreprises françaises, tous secteurs confondus.

Si de nombreuses études ont déjà été menées sur les actions mises en œuvre sur l’économie circulaire, il nous a semblé que nous manquions encore d’une vision d’ensemble des stratégies d’entreprises et notamment de données quantitatives permettant aux investisseurs de piloter leurs investissements. C’est pourquoi le FIR, avec quelques-uns de ses membres investisseurs et l’INEC, a construit un questionnaire (voir annexe II) articulé autour de cinq axes – définition, gouvernance, process, formation et indicateurs sur l’économie circulaire – qu’il a envoyé à l’ensemble des entreprises du SBF 120 au début de l’année 2022.

Liste des entreprises répondantes

43 entreprises, représentant neuf secteurs différents, ont répondu au questionnaire envoyé par le FIR.

Synthèse

Une connaissance globale des enjeux de l’économie circulaire mais une intégration encore insuffisante dans les modèles d’affaires des plus grandes entreprises françaises.

Si la prise en compte des enjeux d’économie circulaire reste inégale selon les secteurs, on observe tout de même des phénomènes récurrents. En particulier au niveau des stratégies des entreprises, il est souvent considéré que l’économie circulaire est prise en compte de facto s’il existe des stratégies de développement durable. Or ce type de stratégie, comme par exemple les plans Net Zero, a tendance à se concentrer sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans prendre en compte les problématiques qui pèsent sur les ressources et sur leur gestion.

Par ailleurs, même lorsque l’économie circulaire est explicitement considérée comme un objectif à atteindre, il est possible qu’elle ne soit perçue que sous certains de ses aspects. Le flou entretenu autour de la définition d’économie circulaire permet certes au concept d’être plus englobant, mais permet aussi à certaines entreprises de se dire « circulaire » alors qu’elles ne prennent en compte que le recyclage par exemple. En effet, le concept d’économie circulaire n’implique pas seulement de rechercher une plus grande efficacité par le recyclage, mais plus largement un changement profond de modèle, avec de nouveaux modes de production, de consommation et davantage de sobriété. D’autre part, si le concept d’économie circulaire est de plus en plus à la mode, encore faut-il pouvoir vérifier que les engagements pris, notamment dans le cadre d’opérations de marketing, sont bien pertinents, respectés et appliqués sur un périmètre significatif de l’activité de l’entreprise.

Pour rappel, le FIR et l’INEC ont souhaité interroger tous les secteurs d’activité sur cinq axes de leur politique d’économie circulaire-définition, gouvernance, process, formation et indicateurs visant à analyser l’ensemble de la démarche d’économie circulaire de l’entreprise. Avant de décliner les résultats de l’analyse des réponses par secteur d’activités, une présentation synthétique des résultats globaux permet de donner un aperçu du niveau moyen des politiques d’économie circulaire des plus grandes entreprises françaises.

Le premier axe portait sur l’appropriation du concept d’économie circulaire par les entreprises

Définition

Si les entreprises semblent quasiment toutes être capables de donner une définition de l’économie circulaire, toutes n’ont manifestement pas travaillé sur l’adaptation de cette définition aux enjeux de leurs activités. En outre, certains piliers de l’économie circulaire ne sont encore que trop rarement pris en compte.

Point méthodologique


On distingue trois niveaux de définition donnée par les entreprises :

  • Élaborée : l’entreprise est partie d’une définition standard (ADEME, fondation Ellen MacArthur, …) qu’elle a retravaillé pour l’adapter à son activité
  • Passable : définition standard
  • Insuffisante : pas clair ; couvre seulement quelques piliers de l’économie circulaire

Retour des entreprises sur quels étaient les piliers de l’économie circulaire qu’elles prenaient en compte

Pour rappel, voici les 7 piliers de l’économie circulaire selon l’Ademe.

Parmi les 43 entreprises répondantes, on constate qu’une grande majorité ont intégré le recyclage, l’éco-conception, l’allongement de la durée d’usage mais que l’écologie industrielle et territoriale ou encore l’économie de la fonctionnalité ne sont intégrées que par une minorité des entreprises répondantes dans leurs définitions (respectivement 37 % et 47 %).

Piliers de l’économie circulaire intégrés dans les définitions (exprimés en pourcentage d’entreprises répondantes) tous secteurs confondus

Gouvernance

Concernant la gouvernance de l’économie circulaire mise en place dans les entreprises, une des questions visait à évaluer l’intégration du sujet au sein de la gouvernance en demandant si l’économie circulaire était abordée au sein du conseil et si la stratégie était validée par ce même organe. Les résultats montrent que 65 % des entreprises répondantes déclarent que le sujet de l’économie circulaire est abordé par le conseil et la stratégie validée par ce dernier. 26 % abordent le sujet au conseil mais ne font pas valider la stratégie et 7 % déclarent ne pas l’aborder au sein de leur conseil.

Cependant le sujet semble souvent (pour 49 % des entreprises) abordé parmi les autres sujets de durabilité au sein du conseil ou de ses comités et reste insuffisamment intégré comme sujet stratégique en tant que tel. Comme nous le verrons dans l’analyse secteur par secteur, si la plupart des entreprises déclarent que des membres du conseil disposent de compétences sur l’économie circulaire, celles-ci portent la plupart du temps sur des sujets plus transversaux de RSE et très peu détaillent explicitement les compétences « économie circulaire » dont ils disposent. De même, peu d’entreprises (30 % des répondants) mentionnent parmi les critères de détermination de la rémunération variable à court ou long termes des dirigeants, des critères portant explicitement sur l’économie circulaire (réduction des consommations de ressources, valorisation des déchets, réduction des emballages, …).

La politique économie circulaire est-elle abordée au niveau du conseil ?

Mise en œuvre

Concernant la mise en œuvre de la politique d’économie circulaire par les entreprises, la grande majorité déclare mener une ou plusieurs actions sur les piliers recyclage, approvisionnement durable / local, réutilisation / réemploi, consommation responsable, éco-conception, allongement de la durée d’usage et, dans une moindre mesure, réparation (64 %).

On constate, comme l’INEC dans son étude publiée en partenariat avec Opeo en avril 2021 « Pivoter vers l’industrie circulaire », que l’économie de la fonctionnalité, concept encore souvent mal compris, est aujourd’hui moins bien intégrée dans les actions des entreprises (40 % en moyenne), montrant que le marché de l’usage doit encore significativement progresser.

Concernant l’upcycling, seulement 26 % des entreprises donnent des exemples mais ce pilier semble être un des moins évidents à appliquer par tous étant donné qu’il suppose d’augmenter la valeur d’un bien sans le transformer.

Si les entreprises répondantes donnent souvent des indicateurs de mesure renseignant sur le niveau de circularité dans leurs opérations ou leurs activités (pourcentage de biens recyclés, réutilisables, éco-conçus, pourcentage de réduction de la consommation d’une ressource, …) moins du quart des répondants (neuf entreprises) est en mesure de reporter sur la part du chiffre. Le prochain acte délégué sur l’environnement devrait inclure des critères liés à l’économie circulaire, et être adopté en 2023. d’affaires que représente ses activités liées à l’économie circulaire.

Pourtant une telle donnée sera probablement requise dans le cadre de l’évolution de la taxonomie européenne dans les années à venir et serait très utile aux investisseurs. De même, nous disposons de très peu d’informations sur les coûts associés au développement de l’approche circulaire. D’une manière générale, on constate que de nombreuses actions sont déployées par les entreprises répondantes mais que beaucoup reste à faire pour une bascule vers des modèles d’affaires entièrement circulaires.

Actions de contribution à l’économie circulaire (exprimées en pourcentage d’entreprises répondantes)*

Afin de mieux comprendre les limites mais aussi les leviers pour accélérer la transformation des modèles, les entreprises ont été interrogées sur les intérêts et les freins identifiés à la circularisation de leurs activités.

Parmi les 38 entreprises répondantes à cette question, le principal intérêt identifié est économique (87 %), suivi par l’intérêt réputationnel (61 %) puis écologique et social pour un peu moins de la moitié et enfin réglementaire (39 %).

À l’inverse, les freins identifiés sont en premier lieu des freins logistiques ou assurantiels (53 %), économiques (47 %), suivis par des freins technologiques (29 %) et enfin des freins liés aux comportements des consommateurs ou clients (26 %).

Intérêts et freins liés au déploiement de la politique d’économie circulaire (exprimés en pourcentage d’entreprises répondantes)*

*Selon 38 des 43 répondants au questionnaire du FIR tous secteurs confondus.

Formation

Concernant la formation, on constate qu’en moyenne, sur les 37 entreprises répondantes, elles estiment que ce sont les salariés et les instances de direction qui sont les mieux formés aux enjeux de l’économie circulaire. Suivent les fournisseurs et enfin les clients et consommateurs. Toutes ces parties prenantes de l’entreprise ont toutefois une marge de progression, la note moyenne la plus élevée étant estimée à 3,4/5 pour les équipes opérationnelles et fonctions supports.

Environ un tiers du panel de répondants est en mesure de fournir un nombre d’heures délivrées ou de salariés ayant bénéficié d’une formation comprenant des éléments sur l’économie circulaire. Cependant, trois indicateurs sont encore très peu suivis par les entreprises : le budget alloué et le pourcentage d’employés qui ont suivi un programme de mise à niveau des compétences ou de reconversion (upskilling/reskilling) (5 % des répondants) ou encore la part d’embauches intégrant ces nouvelles qualifications exigées par un modèle circulaire (7 % des répondants).

Évaluation moyenne du niveau de formation actuel des parties prenantes par l’entreprise (sur une échelle de 1 faible à 5 fort)*

Selon 37 des 43 répondants au questionnaire du FIR tous secteurs confondus.

Indicateurs

Enfin, concernant les indicateurs demandés, on constate une grande diversité dans les KPIs reportés. Si quelques initiatives telles que Circulytics ou le Material Circularity Indicator de la fondation Ellen MacArthur13 tentent de développer une standardisation des indicateurs de circularité, peu d’entreprises sont aujourd’hui en mesure de fournir des indicateurs qualitatifs et quantitatifs englobant l’ensemble de leurs activités circulaires.

Par exemple : une minorité d’entreprises (environ 30 %) est capable de communiquer sur le pourcentage des matériaux « circulaires » par rapport au total de matériaux avec un potentiel de circularité et sur leurs objectifs en la matière.

Point méthodologique


Les indicateurs demandés étaient :

  • La part des produits par catégorie (éco-conçu, approvisionnement durable/local, réutilisable, recyclables et produits à base de matières recyclées, produits avec une durée d’usage allongée, etc.). Avez-vous un objectif sur ce KPI ? Était attendue la divulgation d’un pourcentage par rapport à l’ensemble des biens ou services produits avec une décomposition sur chaque pilier le cas échéant ainsi qu’un ou des objectifs associés.
  • Pourcentage des matériaux « circulaires » versus volume total de matériaux avec un potentiel de circularité. Avez-vous des objectifs sur ce KPI ? « Matériaux circulaires » désigne les ressources utilisées par les entreprises étant soit biosourcées, renouvelables, réemployables ou réemployées, réutilisables ou réutilisées, recyclables ou recyclées, …
  • Économie d’énergie effectuée ainsi que réduction et optimisation de toutes les ressources stratégiques incluant l’eau ? (tendance sur 3 ans). Avez-vous des objectifs sur ce KPI ?
  • Pourcentage des matériaux sans potentiel de circularité « Matériaux sans potentiel de circularité » désigne les ressources qui ne sont ni réutilisables, ni réemployables, ni recyclables, ni compostables.

Tableaux des chiffres clés : Synthèse par secteurs

Points forts et points faibles du SBF 120 sur l’économie circulaire

Point méthodologique

Les informations présentées ci-après sont un premier état des lieux des politiques d’économie circulaire des entreprises répondantes et demanderont à être approfondies par de futures échanges avec les entreprises. Cette étude a été conduite avec l’approche suivante : nous avons dressé un état des lieux des pratiques d’économie circulaire des entreprises répondantes sur les cinq grands axes adressés – définition, gouvernance, process, formation et indicateurs – et avons cherché à faire ressortir pour chacun de ces axes les meilleures pratiques identifiées parmi les pratiques des répondants.

Analyse secteur consommation de base

Les biens de consommation de base sont essentiels aux consommateurs : ce sont des produits qui correspondent aux dépenses incompressibles des ménages. Dès lors, les consommateurs ne font pas tant un arbitrage entre le fait d’acheter ou non ces produits, mais plutôt sur la marque ou sur le modèle de ce produit. Le rôle des entreprises de ce secteur est donc non seulement de responsabiliser le consommateur dans son acte d’achat en l’orientant vers des produits plus durables, mais aussi de jouer sur l’offre mise sur le marché afin que l’offre « circulaire » soit plus attractive. L’offre en consommation de base correspond à une offre matérielle, donc particulièrement concernée par la problématique de ressource, quoique les ressources utilisées ne soient pas nécessairement les plus rares. La réglementation encadre déjà le secteur : la fin du plastique à usage unique est prévue pour 2040, un objectif de 100 % des emballages en plastique à usage unique recyclés est visé d’ici 2025 et un objectif de réduction du gaspillage alimentaire de 50 % dans la distribution et dans la restauration collective est fixé en 2025 par rapport à 2015 De plus de nouvelles réglementations sont à anticiper notamment pour améliorer l’information du consommateur : une expérimentation lancée en 2020 et achevée en juin 2021 avait pour but de tester l’affichage d’un « planet score » sur les produits alimentaires. Son rôle est d’informer le consommateur sur l’impact environnemental du produit, en ne se limitant pas aux émissions de carbone.

À ce jour, en anticipation d’une futur Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne. législation, 174 marques testent ou ont testé sur une base volontaire l’affichage du Planet-score sur leurs produits alimentaires. Plus largement, diverses initiatives se développent déjà dans le secteur pour favoriser l’économie circulaire : de la généralisation du vrac à l’utilisation de matériaux recyclés ou réemployés dans la production. On peut donc comprendre que les indicateurs de l’économie circulaire soient multiples et divers selon les entreprises et les produits proposés. Des efforts pour prendre en compte l’économie circulaire dans son ensemble et non seulement par certaines de ses composantes s’avèrent cependant nécessaires dans un secteur clé qui organise de façon globale nos systèmes de production. En effet, par exemple, selon une étude du Basic14 pour le compte de l’Ademe, en 2018, le secteur des grandes et moyennes surfaces comptait pour plus de la moitié du chiffre d’affaires global de la distribution alimentaire.

Parmi les entreprises classées dans le secteur « Consommation de base », 50 % (quatre entreprises sur les huit qui figurent dans ce secteur au sein du SBF 120) ont répondu au questionnaire du FIR :


Carrefour,
– EssilorLuxottica,
– Groupe Casino,
– Pernod Ricard.

Définition de l’économie circulaire

Les quatre entreprises répondantes ont d’ores et déjà établi leur définition propre de l’économie circulaire. Les définitions varient et vont d’« élaborée » à « passable ». Au sein d’un même secteur, l’accent n’est pas mis sur les mêmes dimensions de l’économie circulaire. Certaines entreprises se démarquent en intégrant d’avantage de piliers dans leur définition de l’économie circulaire audelà des piliers traditionnels (recyclage, éco-conception, …) globalement intégrés par tous les répondants.

Piliers de l’économie circulaire intégrés dans les définitions (exprimés en pourcentage d’entreprises répondantes) – secteur
consommation de base
.

Intégration de l’économie circulaire dans les organes de gouvernance de l’entreprise

Carrefour et Pernod Ricard répondent que leur conseil d’administration valident la stratégie d’économie circulaire. Mais seul le Groupe Casino explique avoir présenté des politiques spécifiques en matière d’économie circulaire à son conseil.

En outre, aucune précision n’est donnée sur les compétences spécifiques des administrateurs sur le sujet.

La politique économie circulaire est-elle abordée au niveau du conseil ? – secteur consommation de base

Concernant la rémunération, trois répondants sur quatre intègrent des critères liés à l’économie circulaire dans la rémunération de leur dirigeant.

  • EssilorLuxottica prend en compte depuis 2022 un objectif de valorisation des déchets dans la composante variable de la rémunération annuelle du PDG intégrée aux objectifs de responsabilité sociale et environnementale (10 % du variable).
  • Pernod Ricard a fixé des critères de rémunération comptant pour 20 % de la part du variable long terme basés sur quatre objectifs15. Un de ceux-ci repose sur la réduction de la consommation d’eau des distilleries de 20 % d’ici 2030. Concernant la part variable à court terme, les critères RSE font partie des critères qualitatifs. Pour l’exercice 2020/2021, une faible part de la rémunération versée est liée aux critères RSE (6 %). Celle-ci prend par exemple 15 Document d’Enregistrement Universel de Pernod Ricard, 2021, p. 70 « 20 % de l’attribution d’actions de performance, en valeur, sera soumise à une condition de performance interne liée à des critères RSE selon 4 critères » (carbone, consommation d’eau, RH, consommation responsable de l’alcool). Si aucun objectif n’est atteint : aucune action ne sera acquise ; si 1 objectif est atteint : 25 % des actions seront acquises ; si 2 objectifs sont atteints : 50 % des actions seront acquises ; si 3 objectifs sont atteints : 75 % des actions seront acquises ; si 4 objectifs sont atteints : 100 % des actions seront acquises. en compte la réduction des commandes d’objets promotionnels en plastique à usage unique.
  • Enfin pour Carrefour, 20 % de la rémunération variable annuelle se base sur un indice interne RSE et Transition Alimentaire. Un des 17 indicateurs de cet indice porte sur des objectifs sur les emballages fixés à 2025 ; 20 000 tonnes d’emballages évités d’ici 2025 (base 2017) ; 100 % d’emballages réutilisables, recyclables ou compostables en 2025.

Par ailleurs, d’autres indicateurs non mentionnés par l’entreprise dans sa réponse au questionnaire FIR / INEC peuvent être considérés comme liés à l’économie circulaire comme l’objectif de 50 % de réduction du gaspillage alimentaire d’ici 2025 (base 2016). L’indice RSE sert également de critère à hauteur de 25 % pour la rémunération variable de long terme.

Intégration de l’approche circulaire dans l’activité

Actions mises en œuvre

En termes d’actions, trois piliers font l’objet d’actions pour les quatre répondants de ce secteur : approvisionnement durable / local, éco-conception et recyclage. L’allongement de la durée d’usage est citée par la moitié du panel. En revanche, l’économie de la fonctionnalité et l’upcycling ne sont mentionnées que par un seul répondant .

Actions menées sur les différents piliers de l’économie circulaire (exprimées en pourcentage d’entreprises répondantes) – secteur consommation de base.

Actions menées par tous les répondants : approvisionnement durable, éco-conception, recyclage

Tous les répondants au questionnaire du secteur consommation de base témoignent de l’intégration des piliers approvisionnement durable / local, éco-conception et recyclage dans leur politique de circularité par divers exemples d’actions mises en œuvre.

Approvisionnement durable / local

À partir de fin novembre 2020, Carrefour France a mis en place le « Kilomètre zéro »pour accélérer le recrutement de petits producteurs locaux et permettre aux magasins de s’approvisionner en direct.

Un exemple intéressant impliquant les fournisseurs est donné par l’entreprise EssilorLuxottica. Cette dernière a choisi de collaborer avec Bureo pour développer « Costa Del Mar Untangled », une collection 2.0 de montures durables composées de 97 à 100 % de filets de pêche recyclés. Les filets de pêche abandonnés sont collectés dans les ports de pêche commerciale en Amérique du Sud, puis Bureo se charge de les recycler en une matière première présentée sous forme de granulés. La matière première recyclée est ensuite utilisée pour produire des montures EssilorLuxottica. Cette démarche concerne la marque Costa. Si nous savons qu’il existe d’autres initiatives utilisant des matières issues du recyclage (sur les marques Emporio Armani et Tory Burch, utilisation de nylon recyclé par exemple), l’entreprise ne communique pas à ce jour sur la production que cela représente.

Éco-conception

Formation et sensibilisation des parties prenantes

Globalement, les répondants évaluent le niveau de formation actuel de la plupart des parties prenantes en matière d’économie circulaire comme assez élevé. Ils sont moins confiants sur le niveau de connaissances des clients / consommateurs sur ces sujets.

Évaluation moyenne du niveau de formation actuel des parties prenantes par l’entreprise (sur une échelle de 1 faible à 5 fort)* – secteur consommation de base.

Salariés

Pernod Ricard se démarque sur la formation des employés grâce à son partenariat avec la fondation Ellen MacArthur, effectif à partir de 2022, qui permettra notamment de développer les formations sur le sujet aux salariés de fonctions clés. 313 heures de formation ont déjà été délivrées sur ces sujets en 2021 via le e-learning Sustainable Packaging de l’entreprise.

Indicateurs de mesure de la circularité

À nouveau, il est intéressant de noter qu’au sein d’un même secteur, les entreprises ne mesurent pas la même chose et se fixent des objectifs bien différents. Certains choisissent d’augmenter le chiffre d’affaires des produits reconditionnés / seconde main (Casino), d’autres choisissent d’intégrer des objectifs d’écoconception dans le développement de produits d’ici 2025 (EssilorLuxottica), ou bien d’augmenter la part des emballages réutilisables / recyclables / compostables et des déchets valorisés (Carrefour). Enfin, Pernod Ricard fournit une réponse assez complète en termes de périmètre couvert en décrivant ses objectifs pour l’utilisation des ressources (eau / énergie), ses déchets, ses emballages, son approvisionnement ou encore ses objets promotionnels.

L’économie circulaire pour les nuls Par Eric Fromant , CEO de SEFIOR, lors de la formation Finance Verte – GFA – Green Finance Analysis”

Découvrez comment :

  • Concilier l’écologie, l’économie et l’action sociale
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  • Soutenir le développement des énergies renouvelables
  • Valoriser le zéro déchet
  • Favoriser l’économie circulaire au quotidien.

Retrouvez ci-dessous, l’intégralité de l’étude :