Le conflit en Ukraine met en exergue plusieurs types des risques extra-financiers liés à des enjeux ESG. L’équipe ISR d’OFI Asset Management a identifié quatre types de risques extra-financiers et des risques et opportunités ESG au niveau sectoriel.
Les risques extra financiers mis en exergue par le conflit
Un risque lié au capital humain de l’entreprise, notamment au regard du respect des droits fondamentaux des salariés et des fournisseurs qui opèrent en Russie. Notre rôle d’investisseur est de s’assurer que les entreprises mettent en œuvre toutes les diligences nécessaires pour garantir le respect de ces droits et prévenir toute atteinte à ces droits. La France a adopté une loi sur devoir de vigilance en 2017 qui a pour objectif de remettre le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multinationales.
Celles-ci doivent établir et publier un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains mais aussi de corruption sur leurs propres activités mais aussi celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger.
À titre d’exemple, TotalEnergies* a été interpellé à plusieurs reprises par des ONG, telles que Greenpeace et les Amis de la Terre ou encore Sherpa, sur ses opérations au Myanmar pour ses liens avec la junte birmane, ou encore à propos d’un projet pétrolier en Ouganda pour violations des droits humains (expropriations forcées, intimidations…) et dommages environnementaux (atteinte à la biodiversité, et des ressources en eaux, impacts cclimatiques). En ce qui concerne le conflit en Ukraine, nous interrogerons ces émetteurs sur leur politique de vigilance afin de suivre leurs actions dans les prochaines semaines
Un risque légal accru lié à des faits de corruption
La Russie est déjà exposée à ce risque et critiquée pour les liens étroits existant entre les personnes issues du milieu des affaires avec le gouvernement, l’armée ou certaines personnalités politiques. Le conflit actuel renforce les craintes que des entreprises présentes dans le pays adoptent ce type d’agissement pour continuer à exercer leur activité.
Par le passé, il y eu plusieurs exemples d’entreprises dont les pratiques ont été décriées dans des situations de conflit. C’est le cas du cimentier Lafarge poursuivi pour complicité de crimes pour l’humanité pour avoir passé des accords financiers avec l’organisation terroriste États islamiques et des commerçants qui lui étaient liés pour continuer de fabriquer et de vendre du ciment en Syrie en 2014. Plus récemment, le 27 février 2022, le journal Le Monde a rendu publique l’enquête du Consortium International de Journalistes d’Investigation (ICIJ) qui mettait en lumière l’implication du géant suédois des Télécommunications Ericsson* dans des faits de corruption, pots de vins et conflits d’intérêts, notamment en Irak
Un risque réputationnel
Le 17 mars 2022, à l’instar d’autres multinationales, le géant de l’agroalimentaire Nestlé* a fait l’objet d’une campagne virulente sur les réseaux sociaux appelant au boycott de ses produits. Cette réaction a eu lieu après que le PDG Mark Schneider a annoncé que le groupe ne se retirera pas de Russie et continuera à fournir des produits de « première nécessité » comme des aliments pour bébés ou pour animaux. Le groupe Mulliez, très présent dans ce pays avec ses enseignes Auchan, Leroy Merlin et Decathlon*, fait l’objet de campagnes similaires. Ce risque, qui est à ce jour réputationnel, pourrait avoir un impact négatif sur les franchises à court terme et, à long terme, devenir un risque juridique si un jour la Cour pénale condamne les crimes de guerre russes.
A contrario, les premières entreprises ayant annoncé un retrait du marché russe renforcent leur image et leur crédibilité en matière de responsabilité sociale. C’est le cas de Carlsberg qui a annoncé maintenir un niveau réduit d’opérations en Russie afin de permettre aux 8 400 employés de subvenir à leurs besoins, néanmoins, les bénéfices générés pendant la crise humanitaire seront reversés à des organisations de secours. L’entreprise a également condamné l’invasion Russe et a installé un refuge à la frontière pour ses employés et leur famille.
Un risque d’opacité
Début mars, le fournisseur de données ESG MSCI a appliqué un plafond maximal de notes ESG de « B » aux sociétés russes couvertes par ses notations (sur une échelle de AAA à C). Les entreprises déjà notées « B » ou « CCC » conservent leur note mais toutes les autres ont été dégradées. En dehors de la notation ESG, la notation crédit est interdite pour les agences européennes.
En effet, parmi les sanctions adoptées le 15 mars 2022 par les États membres de l’Union européenne figure l’« interdiction de la notation de la Russie et des entreprises russes par les agences de notation de crédit de l’Union européenne et la fourniture de services de notation à des clients russes, ce qui restreindra encore davantage leur accès aux marchés financiers de l’Union européenne »
Ainsi, lorsque nous interrogerons les émetteurs présents en Russie, nous évaluerons leur responsabilité sociale en fonction de leur capacité à répondre et minimiser ces quatre catégories de risques. Il faut garder à l’esprit que traditionnellement, les entreprises opérant dans des pays où les droits humains ne sont pas respectés (régimes non démocratiques, zones de conflits), présentent un niveau de risque plus élevé sur les enjeux ESG.
C’est le cas notamment des entreprises de secteurs comme l’industrie minière, l’industrie agroalimentaire… au sein desquels les enjeux sociaux et sociétaux sont importants (déplacement de populations, non-respect des populations autochtones, conditions de travail dangereuses, absence de liberté syndicale, atteintes à la biodiversité, aux écosystèmes et à la vie locale, travail des enfants, travail forcé, atteinte à la sécurité des travailleurs…).
Les entreprises présentes en Russie feront donc l’objet d’une vigilance accrue par les équipes ISR d’OFI AM