L’Europe face au défi de la crise énergétique

L’Europe face à la crise énergétique : flambée des prix “jusqu’en 2023”. Le responsable de la gestion des actions européennes, John Bennett, explique pourquoi les prix du pétrole restent ici et ce que cela entraine pour les investisseurs. Par Janus Henderson Group 

Faire face à la crise énergétique en Europe

Principaux points à retenir :

  • Le pétrole reste le secteur le plus performant en Europe depuis le début de l’année, mais l’énergie ne représente qu’une faible pondération dans les indices actions mondiaux par rapport à la valeur du marché physique.
  • Selon nous, l’offre contrainte de pétrole et la demande persistante constituent des facteurs de soutien durable des prix.
  • Le caractère ordonné de la transition vers la neutralité carbone dépendra de la capacité des compagnies pétrolières et gazières à élaborer des stratégies et à fixer des cibles réalistes. Et nous préférons travailler avec ces entreprises pour atteindre ces objectifs, plutôt que de les combattre.

Si jusque-là l’Europe n’était pas forcément détestée par les investisseurs, elle l’est clairement désormais. Après six mois de guerre en Ukraine sans le moindre signe d’apaisement, une récession qui pointe à l’horizon et une crise énergétique qui s’approfondit, ce sentiment est compréhensible. Mais là où certains ne voient que désastre et désolation, nous y voyons des opportunités. En tant qu’investisseurs actifs, nous recherchons de la valeur dans les segments du marché ayant subi de nets reculs. C’est le cas pour le pétrole et le gaz depuis un certain temps déjà, et les décisions du président russe Vladimir Poutine (notamment en utilisant le gazoduc Nord Stream 1 comme moyen de représailles contre l’Europe) ont eu pour effet d’amplifier les corrections.

Il existe actuellement un fossé entre les fondamentaux de nombreuses grandes compagnies pétrolières et leurs valorisations, et le pétrole reste le secteur le plus performant depuis le début de l’année. Malgré cela, le secteur est sous-pondéré de façon consensuelle dans de nombreux portefeuilles et sa représentation dans les indices mondiaux est aujourd’hui beaucoup plus faible que sa valeur de marché ne le suggère – Graphique 1. Même si les craintes d’une profonde récession peuvent temporairement pénaliser le prix du pétrole, comme récemment au cours de la deuxième semaine de septembre, nous pensons que les prix resteront durablement élevés.

Graphique 1 – La pondération du secteur de l’énergie reste faible

Source : Alliance Bernstein, Janus Henderson Investors, au 24 août 2022.

Quelles sont donc les preuves qui soutiennent l’idée d’un prix du pétrole « durablement plus élevé » ? La simple loi de l’offre et de la demande nous rappelle que lorsque l’offre est limitée et la demande robuste, les prix restent élevés.

L’offre est limitée

Outre la rupture d’approvisionnement de gaz provenant de Russie, principale arme dont dispose actuellement Poutine contre l’Europe, l’offre ne cesse de se réduire à travers le monde. Les pays membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) produisent environ 40 % du pétrole brut mondial. Les pays de l’OPEP sont actuellement proches de leurs pleines capacités, et leur récente décision de réduire l’offre de brut afin de soutenir les prix ne fera que renforcer ces contraintes d’approvisionnement.

Par ailleurs, la production de pétrole de schiste aux États-Unis n’augmente pas. L’extraction de pétrole de schiste suit généralement un cycle court, ce qui signifie que l’augmentation de la production peut être rapidement atteinte en exploitant des puits déjà forés mais encore inachevés. Cependant, le nombre de puits de pétrole de schiste en attente d’achèvement a fortement chuté depuis les points hauts de 2020. En conséquence, le potentiel de production de pétrole de schiste a reculé. Combinée à des pénuries d’équipements pétroliers et de main-d’œuvre, la production de pétrole de schiste est moins à même de compenser toute réduction de l’offre traditionnelle.

Les grandes compagnies pétrolières restent disciplinées dans le domaine de l’extraction

Après des années de pressions venant de tous les côtés, les « majors » pétrolières ont promis de réduire leur production de pétrole pour passer à des énergies alternatives permettant de répondre aux engagements climatiques. En conséquence, l’extraction de pétrole diminue lentement mais sûrement. De nombreuses grandes compagnies pétrolières restant déterminées à atteindre leurs objectifs de durabilité, ces engagements ne devraient pas être remis en cause de sitôt.

Le secteur énergie souffre depuis longtemps de sous-investissements

En 2020, l’Union européenne (UE) importait environ 40 % de son gaz de Russie et l’Allemagne et l’Italie en étaient particulièrement dépendantes (65 % et 43 % d’importations, respectivement). C’est la triste conséquence de deux décennies de sous-investissements dans le secteur de l’énergie sur le vieux continent. Heureusement, nous observons en Europe un changement de paradigme vers davantage de relocalisation des chaînes d’approvisionnement, ce qui s’accompagne d’investissements tangibles dans l’énergie, les infrastructures et la défense depuis l’invasion de l’Ukraine.

L’initiative REPowerEU de la Commission européenne vise approximativement un doublement de la capacité supplémentaire d’énergie renouvelable d’ici 2030 et une augmentation de 20 % du taux de déploiement des énergies renouvelables.  Bien que cela aille dans le bon sens, il faudra du temps pour atteindre ces objectifs. À court terme, il est essentiel d’investir dans la production de pétrole et de gaz.

La demande est toujours là

Dans quelle mesure le contexte actuel peut-il freiner la demande?

Le marché craint qu’une profonde récession ne freine considérablement la demande de pétrole et de gaz, les entreprises luttant pour rester à flot et les ménages restreignant leurs habitudes de consommation. Ces craintes se sont reflétées dans le prix du pétrole en juin, et elles ont en septembre de nouveau pesé sur les cours qui sont tombés sous les niveaux observés avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie – Graphique 2.

S’il est vrai qu’une récession devrait entraîner une baisse de la demande, nous n’adhérons pas aux scénarios extrêmes qui conduiraient à un effondrement de la demande de pétrole. En effet, même durant les récessions les plus profondes, l’énergie reste essentielle, que ce soit pour la production de nourriture, le fonctionnement des hôpitaux ou le chauffage des habitations.

Le pétrole et le gaz font partie de la solution

Alors que l’Europe bascule progressivement vers une économie verte, nous accordons une grande valeur à l’industrie pétrolière et gazière à moyen et long terme. Il n’est pas raisonnable de refuser des investissements aux compagnies pétrolières et gazières. Ces dernières sont en effet vitales au bon fonctionnement de nos sociétés et essentielles pour générer des changements à long terme. En tant qu’investisseurs actifs, nous nous concentrons sur la destination d’une entreprise, et non pas sur son passé. Le caractère ordonné de la transition vers la neutralité carbone dépendra de la capacité des plus grandes entreprises (celles qui polluent actuellement le plus) à élaborer des stratégies et à fixer des cibles réalistes. Et nous préférons travailler avec ces entreprises pour atteindre ces objectifs, plutôt que de les combattre.

Qu’est-ce que cela implique pour les investisseurs ?

Au moment où nous écrivons ces lignes, les marchés d’actions européennes tentent d’évaluer ce qu’un hiver caractérisé par un rationnement en gaz et des prix du gaz encore plus élevés signifierait pour les différents secteurs et les ménages situés sur le continent. Il ne fait aucun doute que la fin de l’année sera volatile, mais des opportunités devraient selon nous se présenter et permettre de renforcer les positions existantes ou d’introduire de nouvelles entreprises en portefeuille, en particulier quand nous identifions une déconnexion entre la valorisation et les fondamentaux. – Ce qui est clairement le cas de nombreuses compagnies pétrolières et gazières.