Les effets du changement climatique et les catastrophes naturelles qui lui sont associées, conséquences de la pollution et de la surexploitation des ressources par l’homme, n’ont jamais été aussi évidents. Alors que certains Etats nient encore l’existence du réchauffement climatique et refusent de prendre part à l’accord de Paris, les villes, les régions et les entreprises du monde entier mettent en place des initiatives pour un futur soutenable de notre planète. Dans ce contexte difficile, l’Union européenne a su garder sa position, et alors que la COP24 commence dans quelques jours en Pologne, réduire les conséquences du changement climatique est aujourd’hui une priorité pour les 28 pays membres.
Le vert vous va si bien, n’est-ce pas ?
L’Europe travaille d’arrache-pied pour diminuer ses gaz à effet de serre et encourager les autres pays à en faire autant. De nombreux gouvernements ont suggéré la hausse de la taxation écologique. Par ailleurs, de plus en plus de consommateurs et d’investisseurs se montrent intéressés par le développement durable et l’empreinte écologique des entreprises. Pour combattre le problème, l’Agence européenne de l’environnement a mis en place un marché du carbone. La protection de l’environnement devient tendance et suscite un intérêt croissant. Il est force de constater que les produits respectueux de l’environnement n’ont jamais autant intéressé les consommateurs, ce qui incite les entreprises à s’adapter. Le marché des produits verts connaît donc une certaine croissance et un haut niveau d’innovation.
Malgré cette tendance, les entreprises qui participent à la transition écologique connaissent des difficultés quant à leur structure actionnariale. Les actions dites “vertes” proposent souvent des rendements bien moindres que les actions traditionnelles émises par les entreprises dont la stratégie n’est pas guidée par la protection de l’environnement. Ces dernières n’hésitent pas à exploiter les ressources naturelles dans l’unique objectif de générer des profits. Par conséquent, ces actions dites “polluantes” ont des rendements plus importants, ce qui implique plus de valeur pour l’entreprise, plus de capital, et plus d’incitations à continuer d’exploiter ces ressources, et ceci dans un cercle vicieux du profit.
Et si un autre scénario était possible ? Et si on pouvait trouver un moyen de rendre la finance verte plus attractive ? Et si les actions étaient taxées en fonction de l’impact environnemental de l’entreprise ? En d’autres termes, et si la conscience environnementale était introduite plus en amont, bien avant “l’introduction” de l’éducation du consommateur.
C’est ce que propose le Professeur de finance Roméo Tédongap dans son projet de recherche. L’idée est simple et se fonde sur la classification existante des produits de consommation, en fonction de leur efficacité énergétique. Par exemple, un frigidaire consommant peu d’énergie est de classe A, alors que ceux plus énergivores seront classifiés B, C ou D. Comme chacun le sait, les produits de catégorie A sont souvent les plus chers. Cela signifie que les consommateurs doivent payer un surcoût s’ils veulent un produit plus propre. On leur fait payer leur comportement en faveur de l’environnement. Dans le même temps, les entreprises continuent à produire des produits de faible qualité et de faible efficacité énergétique, car les produits les moins chers sont souvent les plus attractifs pour les consommateurs. En somme, les consommateurs sont aujourd’hui pénalisés financièrement s’ils veulent rejoindre le côté vert de la force.
Contourner le système
Le Professeur Tédongap estime que ce fardeau financier doit être porté par l’entreprise plutôt que par le consommateur. Ainsi, au lieu de labelliser les produits finaux en fonction de leur efficacité énergétique, il propose que les entreprises soient catégorisées selon leur effort en matière environnementale. Ce label ne s’appuierait pas sur l’efficacité énergétique du produit final, mais sur l’Impact Environnemental (IE) de l’entreprise, des matières premières et technologies qu’elle utilise jusqu’aux qualités écologiques des biens et services finaux.
En introduisant cette taxation en amont, l’IE de l’entreprise devient un élément essentiel pour le calcul du rendement des actions de cette même firme. L’IE peut être évalué à travers un Index de Performance Environnementale (IPE) qui représente la stratégie Globale de développement durable de l’entreprise, les Ressources qu’elle utilise (renouvelables ou non-renouvelables), l’Efficacité énergétique du système de production, l’Ecosystème de l’entreprise et l’exploitation Non-destructrice de l’environnement. C’est ce qu’il qualifie d’indice GREEN. En pratique, cet indice serait déterminé et évalué par une agence indépendante.
Plus précisément, une taxation en amont permettrait aux investisseurs tournés vers le profit de réorienter leurs investissements vers des entreprises plus respectueuses de l’environnement. On peut considérer l’exemple d’une entreprise ayant des actions avec un indice GREEN très faible. Les actions de cette entreprise sont considérées comme néfastes pour l’environnement. A chaque fois que ses actions sont vendues, l’acheteur doit payer une taxe. En d’autres termes, à chaque fois qu’une action avec un indice faible est vendue, l’acheteur doit payer non seulement le prix de l’action, mais aussi une taxe environnementale qui dépend de l’indice GREEN associé à l’entreprise, ce qui rend l’actif beaucoup moins attractif en matière de rendement.
A l’inverse, si un investisseur achète une action qui possède un bon indice GREEN, c’est à dire d’une entreprise qui agit en faveur de l’environnement, il doit être récompensé, par exemple par une taxation plus faible sur les dividendes, là où le dividende de l’action polluante doit être surtaxé. Le surplus récupéré pourrait être réinvesti dans les technologies vertes, ou permettre de faire face aux externalités négatives provoquées par la société et la pollution. Dans tous les cas, la taxe représenterait un transfert de richesse des marchés financiers vers l’économie réelle. On sait aussi que les marchés financiers réagissent plus rapidement que l’économie réelle. En somme, le label GREEN permettrait non-seulement le transfert du fardeau mais aussi une politique fiscale plus réactive.
Le récent rapport des Nations Unies appelle à l’urgence climatique (“les nations doivent tripler leurs efforts pour parvenir à la cible des 2°C”), tout comme le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) apportent des éléments probants pour le Sommet de l’ONU pour le climat de l’année 2019, qui se rassemblera sur le thème “Une course que nous pouvons gagner. Une course à gagner.”. Dans ce contexte, nous souhaitons bon vent au Professeur Tédongap et restons attentifs aux résultats de ses recherches.