La principale conclusion de l’étude de Natixis Investment Managers (Natixis IM) : les craintes de récession qui grandissent et viennent assombrir les perspectives des économies et des marchés mondiaux pour le second semestre 2022.
Natixis Investment : L’inflation en tête des risques du marché
L’étude menée auprès de 34 stratégistes de marché, gérants de portefeuille, analystes de recherche et économistes chez Natixis Investment Managers, ainsi que 15 gérants d’actifs parmi les affiliés et Natixis Corporate and Investment Banking.
« Dix ans d’environnement de taux bas et un accès facile aux liquidités ont entraîné une confiance excessive et ont conduit à une surperformance significative des actions de croissance. Cette situation est désormais révolue. La clé est entre les mains des banques centrales qui pourront agir sur la réduction de l’inflation et ainsi, diminuer le coût du capital à long terme », a déclaré Katy Kaminski, Chief Research Strategist and Portfolio Manager, AlphaSimplex Group LLC.
Durant plus d’une décennie, le principal facteur de performance du marché fut la convergence unique de taux bas, d’une faible inflation et d’une volatilité réduite. Depuis le début de l’année, on assiste à un changement de paradigme dont l’inflation a été en grande partie le catalyseur.
En conséquence, 7 personnes sur 10 positionnent l’inflation sur le podium des risques pour le second semestre de l’année. En dépit d’une légère inflexion après l’atteinte d’un point culminant, l’inflation obtient la note maximale de 10 sur l’échelle des risques pour près de 4 experts sur 10 (36%).
En la matière, le rôle des banques centrales est jugé crucial : plus de la moitié du panel (52%) tiennent leurs décisions et leurs politiques comme des facteurs-clés. En outre, ils sont 46% à penser que les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement qui ont contribué à stimuler l’inflation au début de la pandémie, continueront à peser jusqu’à la fin de l’année. Toutefois, moins d’une personne sur quatre pense que l’inflation restera durablement élevée.
Vers une possible, voire inévitable récession ?
Face aux perspectives de hausse des taux d’intérêt et de resserrement des politiques monétaires, les stratégistes placent la récession en deuxième position sur la liste de leurs inquiétudes. Elle est même un « risque majeur » pour 64% d’entre eux.
Si les banques centrales ont entre leurs mains de nombreux outils pour lutter contre l’inflation, il s’agira surtout de déployer les plans d’actions au bon moment, car le moindre manquement ou erreur pourrait être lourd de conséquences.
Pour beaucoup, la question est la suivante : ces mesures vont-elles entrainer une récession de quelques mois (deux à trois trimestres) ou aboutir à une stagflation qui durera des années ? Face à ce champ des possibles, il n’est pas étonnant que plus de la moitié (55%) du panel redoute une erreur d’appréciation des banques centrales qui apparaît donc comme un risque à prendre en considération.
« Le terme même de récession fait peur. Et pourtant, la seule façon d’enrayer l’inflation repose justement sur la capacité des banques centrales à déclencher cette récession. Nous entrerions alors dans une dynamique post choc inflationniste et les marchés pourraient rebondir », a déclaré Mabrouk Chetouane, Head of Global Market Strategy, Natixis Investment Managers Solutions.
Les autres risques majeurs : guerre et pétrole
Les répondants n’ignorent pas les événements géopolitiques mondiaux, comme la guerre en Ukraine : ils sont même 65% à placer la géopolitique au premier rang des risques et près de la moitié (47%) citent le prix de l’énergie comme une menace forte pour les marchés au second semestre.
Sur ce sujet, les prévisions du panel sont les suivantes : ils sont 49% à estimer que le pétrole brut West Texas Intermediate terminera l’année dans une fourchette de 100 à 125 dollars. Si 15% d’entre eux pensent que les prix dépasseront la barre des 125 dollars, un tiers (33%) prévoit une baisse des prix comprise entre 85 et 100$.
Le COVID ne cristallise plus les inquiétudes
Il convient de relever parmi les résultats de l’étude, une évolution notable de l’opinion des personnes interrogées quant à la COVID-19. Malgré des mesures de confinement, la poursuite du télétravail, voire l’arrivée de nouveaux variants, particulièrement contagieux comme le BA.5, ils ne sont que 9% à mentionner la COVID comme un risque pour le 2ème semestre.
L’approche Value toujours privilégiée
Au cours de la dernière décennie, les taux d’intérêt bas conjugués à la faible volatilité avaient créé une conjoncture favorable à l’excellente performance des actions : les actions décotées étaient moins porteuses et la gestion de croissance était donc favorisée. Or, l’une des principales conséquences en matière de tendances de marché liée à la pandémie a été au contraire le plébiscite de l’investissement value.
A la faveur de la hausse des taux et d’une volatilité accrue, l’approche Value continue de surpasser le style Growth. Près de six répondants sur dix (58%) pensent que cette tendance va se poursuivre au moins quelques mois encore, et même quelques années pour 24%. Moins d’une personne sur cinq (19%) présume que la course à la valeur est révolue.
« Les marchés évoluent rapidement : de ce nouvel environnement émergent des possibilités d’investissement de niche qui sont autant d’opportunités, parfois plus attractives que les indices plus larges. Et cela, dans de multiples secteurs », a déclaré Chris Wallis, CEO, CIO, and Senior Portfolio Manager, Vaughan Nelson Investment Management.
Les regards vers les marchés obligataires
L’un des plus grands changements dans le paysage de l’investissement au cours du premier semestre 2022 a été la lente mais régulière remontée des taux d’intérêt, les rendements obligataires suivant le même rythme. Après avoir clôturé l’année 2021 à 1,512, une série de hausses de taux – dont une hausse surprise de 75 points de base en juin – a porté les rendements à 2,975 le 30 juin 2022.
Preuve de leur attention forte aux décisions des banques centrales, 73% des stratégistes parient sur de nouvelles hausses. Ils sont 36% à miser sur des bons du Trésor américains entre 3% et 3,5% à fin 2022. Le même nombre anticipe encore plus de hausses, avec des taux dépassant les 3,5%.
« Cette année, les marchés obligataires du monde entier ont subi des pertes sans précédent alors que dans l’esprit d’un grand nombre, les obligations étaient exemptes de risque. Tout porte à croire que nous avons dépassé le pic inflationniste : il est donc temps de trouver les opportunités qui s’offrent à nous, notamment dans les secteurs de la finance, de l’énergie et de l’industrie », a déclaré Adam Abbas, Portfolio Manager and Co-Head of Fixed Income, Harris Associates.
Les experts ne s’accordent pas sur les conséquences de cette nouvelle donne obligataire pour les investisseurs. Selon 27%, les hausses de taux pourraient continuer à faire baisser la valeur des obligations, créant ainsi des opportunités attractives pour les investisseurs avertis qui suivent avec attention le marché.
La fin d’une époque ?
Pour les stratégistes de Natixis IM, le monde a changé de façon spectaculaire au cours des six derniers mois. L’ère de l’argent facile permise par la politique d’’assouplissement quantitatif, les taux bas et la faible inflation a coïncidé avec des années de surperformance pour les marchés. Mais une rupture a eu lieu et conduit à une nouvelle normalité marquée par une plus grande volatilité et une plus grande incertitude. La grande question désormais pour la plupart des investisseurs pourrait bien être de savoir combien de temps cette nouvelle donne va-t-elle durer.
Le rapport complet de l’enquête est disponible ici.