L’affaire Renault, à la une cette semaine, rappelle le rôle crucial que représente la gouvernance dans l’évaluation du profil de risque futur d’une entreprise. On sait par expérience que la gouvernance a potentiellement un impact neutre ou négatif sur le profil de crédit d’une entreprise : elle peut déterminer le comportement de la direction ou du conseil d’administration et avoir un impact considérable sur sa gestion du risque, sa surveillance, son processus décisionnel, son efficacité et sa raison d’être.
À la recherche crédit d’Ostrum AM, nous avons toujours considéré la gouvernance comme un pilier essentiel de notre processus d’évaluation du crédit. Nous pensons en effet que les données financières sont des indicateurs décalés de ce qui arrivera à une entreprise. Les indicateurs avancés englobent la compréhension d’un bon nombre de facteurs : les tendances et la dynamique futures du secteur, les différences locales, les détails et la cohérence du modèle économique, la stratégie et la gouvernance futures de la direction et enfin les considérations environnementales et sociales susceptibles de stimuler la demande, de faire évoluer les business models et d’affecter la gamme de produits… La mise en parallèle des paramètres de crédit et de ces considérations qualitatives permet de projeter le profil de risque de crédit d’une entreprise.
Dans ces conditions, l’arrestation de Carlos Ghosn, soupçonné de trafic d’influence, a-t-elle un impact sur notre perception du risque de crédit de Renault ? Pas vraiment. On ne peut jamais prédire le moment où ce risque surviendrait, ni même s’il surviendrait ou non. On est cependant en mesure (et cela a été le cas) de déterminer le risque « homme-clé » que représentait Carlos Ghosn pour Renault et ce que son départ signifierait pour l’entreprise et son profil de risque de crédit.
Un exemple très simple : dans notre univers, un tiers des sociétés que nous jugeons inappropriées pour des investissements obligataires le sont pour des raisons de gouvernance. Une mauvaise gouvernance peut parfois entraîner des risques d’explosion et nous sommes absolument convaincus qu’il ne faut pas exposer l’argent de nos clients à ce type de risque. Les insuffisances existent en matière de gouvernance. Par exemple, plusieurs banques italiennes ont fait faillite depuis 2015. Nous nous sommes tenus à distance parce que nous ne faisions aucune confiance à leur direction et à leurs comportements en matière de prise de risques. Parmi elles, l’une avait compté six directeurs financiers en trois ans, sans pouvoir nous fournir d’explication valable. C’est un signal d’alarme pour le crédit !
Alors, oui, la gouvernance a bien son importance : elle a, comme la santé, un impact neutre sur le crédit tant qu’elle est bonne. Et potentiellement très négatif lorsque le risque se concrétise.