
Écosystème éducatif : l’école ne peut pas agir seule : plaidoyer pour un écosystème éducatif plus équitable.
Ce rapport dresse un constat clair : malgré des décennies de réformes. L’école seule ne suffit pas à corriger les inégalités scolaires. Loin de blâmer l’institution scolaire, l’Impact Tank appelle à une mobilisation collective des acteurs publics, privés. Associatifs et citoyens pour construire un véritable écosystème favorable à l’égalité des chances.
L’Impact Tank
Le 16 mai 2025, l’Impact Tank, premier think-and-do-tank dédié à la mesure d’impact. Et aux innovations sociales créé à l’initiative du Groupe SOS. Et quatre universités (Sciences Po, Sorbonne Université, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris Dauphine-PSL). Présente son rapport « L’école ne peut pas agir seule » au Sommet de la mesure d’Impact. Coorganisé avec le Conseil économique social et environnemental.
Fruit d’un travail collectif, ce rapport a fédéré une vingtaine de personnes représentant plusieurs acteurs associatifs, publics et privés tels que BNP Paribas. La Fondation AlphaOmega, l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire, la Banque des territoires, et bien d’autres. Il a été rédigé sous la responsabilité de Tony Bernard. Directeur général de l’Impact Tank et Aude Kerivel, sociologue et directrice du Laboratoire d’évaluation des politiques publiques et des innovations (LEPPI). Il propose un panorama critique des grandes réformes pour l’égalité des chances de l’Education nationale de 2007 à 2023. Et recense 212 initiatives privées qui œuvrent en faveur de cette priorité nationale. En insistant sur l’importance de la mesure de l’impact. Pour démultiplier les expérimentations qui fonctionnent et orienter l’action publique.
Chiffres clés
- En 2023 on comptabilise plus de 12,7 millions d’élèves et apprentis en France. Dont 6,4 millions d’écoliers, 3,4 millions de collégiens et élèves en SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté). Et 2,2 millions de lycéens. Il y avait 2,93 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur en 2022-2023.
- Le système éducatif de la France est classé au 23e rang des pays de l’OCDE en 2023.
- Près d’un jeune sur cinq (18%) en sortie du système éducatif est au chômage en 2022.
- De 2008 à 2023, huit ministres de l’Education nationale, promulguant chacun au moins quatre réformes majeures.
- Entre 2004 et 2020, les effectifs des élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ont augmenté de 187%.
- 9% des étudiants des grandes écoles sont issus des catégories socioprofessionnelles (CSP) défavorisées. Alors qu’ils représentent 25% des jeunes entre 20 et 24 ans ; ces chiffres sont respectivement de 60% et de 23% pour les étudiants issus de CSP très favorisées.
- La part des femmes dans les métiers de l’hébergement médico-social et l’action sociale est de 82,7% ; elle se situe autour de 30% dans les métiers du numérique.
- 110 structures et 212 projets à impact en faveur de l’égalité des chances analysés par le groupe de travail. 38 % de ces projets réalisent des études de mesure d’impact ; ce chiffre monte à 84% pour les associations, qui représentent 70% de l’échantillon
- 120 indicateurs de mesure d’impact visant 11 publics spécifiques.
- 18 recommandations à destination des pouvoirs publics et des acteurs privés.
1. Un contexte d’inégalités persistantes
Le système éducatif français continue de reproduire les inégalités sociales. Les enfants issus de milieux défavorisés accèdent moins facilement à l’enseignement supérieur, sont surreprésentés parmi les décrocheurs et restent confrontés à une orientation scolaire subie.
Malgré de nombreuses réformes (carte scolaire, parcours Avenir, réforme du lycée…), les résultats sont mitigés. L’évaluation des politiques publiques reste souvent incomplète, et les expérimentations peinent à être généralisées même lorsqu’elles sont prometteuses.
2. L’école n’a pas les moyens d’agir seule
Le rapport rappelle que de nombreux facteurs d’échec ou de réussite dépassent les murs de l’école : conditions de logement, précarité familiale, accès à la santé, environnement numérique, etc. Il serait donc illusoire d’attendre de l’école qu’elle résolve seule des problèmes profondément enracinés dans les inégalités sociales.
Dès lors, l’Impact Tank propose une approche systémique : créer des ponts entre l’éducation, l’action sociale, l’insertion professionnelle, la santé mentale, et l’environnement économique.
3. Les apports concrets de l’innovation sociale
Le cœur du rapport repose sur un recensement de 26 initiatives à fort impact social. Ces dispositifs, portés par des associations, entreprises, collectivités ou établissements d’enseignement supérieur, montrent qu’il est possible de répondre aux défis éducatifs de manière efficace, concrète et mesurable.
Quelques exemples :
- Le programme PQPM (PourQuoi Pas Moi ?) aide les jeunes issus de milieux modestes à accéder à des filières sélectives via du tutorat et du mentorat. Il double leur probabilité d’être admis dans ces filières.
- L’École de la 2e Chance offre une alternative efficace pour les décrocheurs motivés, en combinant accompagnement intensif, immersion professionnelle et aide financière.
- PHARES, porté par l’ESSEC, accompagne les jeunes en situation de handicap vers l’enseignement supérieur grâce à du tutorat et des projets collectifs.
Ces initiatives reposent sur des méthodes rigoureuses, une connaissance fine des territoires et une capacité d’adaptation. Leur réussite montre que des synergies sont possibles entre les acteurs publics et privés.
4. Mieux évaluer pour mieux généraliser
Le rapport souligne un déficit de culture de l’évaluation dans les politiques éducatives françaises. Trop d’initiatives restent expérimentales, faute d’indicateurs d’impact partagés et de volonté politique pour les étendre à grande échelle.
L’Impact Tank milite donc pour la création d’un référentiel commun d’évaluation de l’impact social, prenant en compte :
- le bien-être des élèves,
- leur progression éducative,
- leur insertion professionnelle,
- la mixité sociale,
- la participation des familles.
Ce référentiel permettrait de sortir d’une logique statistique pour aller vers une approche centrée sur les besoins réels des publics concernés.
5. Une vision inclusive de l’éducation
L’inclusion est au cœur du rapport. Qu’il s’agisse des élèves en situation de handicap, des jeunes sans réseau pour trouver un stage, ou des familles éloignées de l’école, l’enjeu est de créer un environnement éducatif accessible à tous.
Plusieurs propositions concrètes sont formulées :
- Développer des lieux neutres de dialogue entre familles et enseignants.
- Imposer des quotas de stages pour les élèves sans réseau.
- Financer davantage les associations locales d’accompagnement éducatif.
6. Le rôle incontournable du secteur privé
Contrairement à une vision traditionnelle de l’éducation, le rapport insiste sur le rôle que doivent jouer les entreprises dans la lutte contre les inégalités scolaires. En bout de chaîne de l’égalité des chances, elles peuvent agir plus en amont en :
- accueillant des stagiaires de tous milieux,
- intervenant dans les établissements pour des témoignages ou du tutorat,
- co-construisant des parcours d’orientation avec l’école.
Cette logique de responsabilité sociétale est partagée par une majorité de citoyens, selon une enquête de l’OCDE citée dans le rapport.
7. Conclusion : vers une coalition de l’égalité des chances
Le message principal du rapport est que l’éducation doit devenir l’affaire de tous. Les réformes éducatives ne porteront leurs fruits que si elles sont articulées avec des politiques sociales, économiques et sanitaires cohérentes.
Le rapport appelle donc à la création d’une « coalition pour l’égalité des chances », réunissant État, collectivités, associations, entreprises, citoyens et chercheurs.
Ce collectif aurait pour mission de :
- documenter les initiatives à impact,
- en faciliter le déploiement,
- en faire un levier de transformation à grande échelle.
En somme, « L’école ne peut pas agir seule » est un appel lucide, exigeant mais optimiste, à repenser notre modèle éducatif à l’échelle de la société tout entière. Il propose un changement de paradigme où l’éducation ne serait plus uniquement le fait de l’Éducation nationale, mais le fruit d’une responsabilité collective partagée et évaluée.
« Nos travaux ont mis en évidence la diversité des acteurs impliqués dans la lutte contre les inégalités scolaires », explique Tony Bernard, Directeur général de l’Impact Tank. « Du côté des pouvoirs publics, les évaluations sont rares, et lorsqu’elles existent, elles nécessitent un temps long qui n’est pas toujours en phase avec le temps politique. Il est parfois nécessaire d’attendre l’appropriation d’une mesure sur le terrain pour en évaluer les impacts et certains dispositifs visent des effets sur le long terme (orientation, insertion…). Du côté des acteurs privés et de l’Économie Sociale et Solidaire, la mesure d’impact doit servir de boussole pour piloter son impact et le démultiplier. Partout, la mesure d’impact doit permettre plus largement de comprendre pourquoi les inégalités persistent au fil des réformes et des textes de loi et apporter des réponses. »
A propos de l’Impact Tank
Lancé en octobre 2020 à l’initiative du Groupe SOS et de quatre universités (Sciences Po, Sorbonne Université, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris Dauphine-PSL), l’Impact Tank est le premier think-and-do-tank dédié à la valorisation et la mise à l’échelle des innovations sociales à impact positif. Il croise expertise académique et expérience de terrain pour inspirer l’action publique, les modèles entrepreneuriaux de demain et la mobilisation des acteurs privés au service des enjeux sociaux et environnementaux.
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