Le rapport de la banque mondiale sur l’usage des revenus carbone nous permet d’ observer un accroissement actuel considérable des revenus associés en raison de l’élévation des prix associés ainsi que de la multiplication des systèmes de prix du carbone.
25 taxes carbones et 26 marchés de quotas échangeables étaient en fonctionnement à travers le monde au premier mai 2019. Les juridictions couvertes par un ou plusieurs prix explicites du carbone représentent environ 60 % du PIB mondial.
Il est à noter que les revenus associés à ces prix du carbone ont doublé en deux ans, passant de 22 milliards en 2016 à 44 milliards en 2018. On peut d’ores et déjà déterminer que cette tendance devrait se poursuivre dans le futur, du fait :
1/ de l’augmentation du nombre de taxes et systèmes de quotas échangeables, et
2/ des prix imposés par ces systèmes : de récentes études suggèrent que des prix du carbone autour de 70 $/tCO2 pourraient générer des revenus équivalents à 1-4 points de PIB en 2030, presque partout dans le monde.
Ces revenus, à la condition qu’ils soient bien utilisés, peuvent permettre d’allier l’ambition climatique à une grande variété d’objectifs économiques et/ou sociaux, et participer ainsi à une communication efficace sur les bénéfices de telles politiques.
L’histoire nous prouve d’autre part que les prix du carbone remportent une large adhésion chez les spécialistes de politiques publiques pour la lutte contre le changement climatique, cependant ils se heurtent partout à une méfiance non négligeable auprès du grand public.
Ce rapport rédigé avec la Banque Mondiale et l’AFD, avec le soutien de Vivid Economics, permey à I4CE de mieux comprendre les facteurs qui sous-tendent les choix d’usage des revenus des prix du carbone à travers le monde, pour proposer un guide pratique aux décideurs qui mettent en place ou réévaluent leur prix du carbone national.
S’il est une leçon à tirer des expériences nationales balayées dans ce rapport, c’est que le sujet est éminemment empirique : l’usage des revenus optimal dépend évidemment très finement de la structure économique du pays concerné, mais aussi de son contexte social, de son cadre institutionnel, et des équilibres politiques en présence.
Il apparaît tout à fait impossible d’exhiber une solution universelle pour l’usage des revenus du carbone. Néanmoins, le rapport se concentre sur six catégories d’usage, qui peuvent être panachées suivant le contexte :
- Une réforme fiscale plus significative, qui vise autant la croissance économique que la réduction des émissions;
- Un support additionnel aux efforts de réduction des émissions (par exemple en soutenant des technologies bas-carbone);
- La poursuite d’autres objectifs de développement, comme l’amélioration des politiques de santé et d’éducation;
- La lutte contre les fuites de carbone;
- Le soutien aux populations ou aux entreprises les plus affectées par les politiques climatiques, au moyen de transferts directs ou de programmes dédiés;
- La réduction de la dette, une autre façon d’améliorer l’équité intergénérationnelle.
Le tableau ci-dessous résume les avantages et les limites de ces différents usages des revenus:
Usage | Avantages | Limitations |
Réforme fiscale | Peut améliorer l’efficacité du système fiscal, avec un impact positif pour l’emploi et la croissance | Moins visible que des options alternatives ; d’autre part, nécessite de cibler certaines exemptions de taxe pour soutenir les populations les plus affectées |
Support à l’atténuation | Peut renforcer l’efficacité climat du prix du carbone, en complétant un mécanisme de marché par des soutiens directs ; peut soutenir des réductions d’émissions dans des secteurs non-couverts par le prix du carbone ; est généralement l’un des usages les mieux acceptés du public | Les coûts administratifs peuvent être élevés, en comparaison avec d’autres options. La complémentarité des approches nécessite des études amont approfondies |
Autres objectifs de développement | Représente une source de revenus efficace pour les pays où existent des barriers à l’accès à la finance pour certains objectifs de développement Peut être vecteur d’acceptabilité, selon la place dans l’opinion publique des thématiques adressées | Peut avoir des coûts administratifs élevés, si le système ne s’appuie pas sur des structures d’allocation des revenus déjà en place |
Limitation des fuites de carbone | Réduit le risque d’augmentation d’émissions dans des juridictions non-couvertes Réduit les impacts pour la compétitivité, sur le court terme Est vecteur d’acceptabilité par les acteurs de l’économie | Le travail d’identification des secteurs à soutenir et des moyens pour le faire est important Un design soigné est nécessaire pour ne pas contrecarrer les objectifs de réduction d’émissions |
Soutien aux populations et acteurs économiques | Limite les impacts sociaux de l’action climatique Coûts administratifs réduits, il est facile de s’appuyer sur des structures d’allocation existantes | Souvent moins visible que d’autres options d’usage des revenus (selon le canal de redistribution choisi) ; contribue donc moins à l’acceptation publique de la tarification |
Réduction de la dette | Libère des capitaux, réduit le poids économique des intérêts | Visibilité très faible ; pas de contribution aux objectifs de court-terme |