RISQUES PAYS & SECTORIELS – la fragmentation s’accélère

Paris, le 26 juin 2025 — Dans un monde plus instable que jamais, entre pressions géopolitiques et chaos commercial, 2025 marque un tournant stratégique inquiétant. La politique de confrontation douanière des États-Unis, les tensions croissantes au Moyen-Orient, et les premiers signaux d’essoufflement de l’économie mondiale ont entraîné un recul spectaculaire : Coface annonce le déclassement de 23 secteurs et de 4 pays dans sa dernière revue des risques. Une première depuis plus d’une décennie.

Une économie mondiale en pilotage aveugle

Les tensions commerciales orchestrées par Washington ont ravivé les spectres protectionnistes : droits de douane records, mesures de rétorsion, révision des traités bilatéraux… Les suspensions tarifaires américaines (jusqu’en juillet/août 2025) n’ont pas apaisé les marchés. Au contraire, elles ont laissé place à une incertitude paralysante. La croissance mondiale s’en trouve lourdement pénalisée : +2,2 % en 2025 et +2,3 % en 2026, avec un risque réel de passer sous la barre des 2 % si un nouveau choc géopolitique ou commercial devait survenir.

Inflation : le faux calme avant la tempête

L’inflation globale semble contenue, mais cela pourrait n’être qu’un répit temporaire. Aux États-Unis, elle pourrait grimper à 4 % d’ici fin 2025 en cas de flambée des prix énergétiques. Les banques centrales, conscientes du danger, restent prudentes : la Fed envisage une baisse des taux à l’automne, mais reste conditionnée à la maîtrise de l’inflation ; la BCE poursuit, elle, son cycle de baisse mais approche de son taux plancher.

Le pétrole en équilibre instable

La situation au Moyen-Orient exacerbe les craintes : un blocage du détroit d’Ormuz — 20 % des flux mondiaux — pourrait faire bondir le pétrole au-delà des 100 $/baril. Pourtant, les fondamentaux restent baissiers : surproduction hors OPEP+, faible demande, réintégration des quotas. Sans choc géopolitique majeur, les prix devraient osciller entre 65 et 75 $, dans une volatilité extrême.

Une hécatombe sectorielle

La métallurgie est la première victime : 600 millions de tonnes de surcapacités d’acier, dopées par la Chine, pèsent sur le secteur mondial. L’automobile et la chimie sont également déclassées. Aux États-Unis, ce sont l’IT, les télécoms et la distribution qui sont sous pression. En Chine, le textile et l’habillement souffrent de la guerre tarifaire.

États-Unis : fragilité sous tension

Malgré un marché du travail encore résilient, l’économie américaine patine : recul du PIB de 0,2 % au T1, baisse de la confiance des ménages, contraction industrielle. Le protectionnisme nuit à l’investissement et alimente des incertitudes profondes.

Canada : en première ligne

75 % de ses exportations étant destinées aux États-Unis, le Canada souffre pleinement des hausses tarifaires. Croissance à l’arrêt, consommation en baisse, chômage à 6,9 % : les signaux sont rouges. Les secteurs auto et métal subissent de plein fouet les droits de douane, jusqu’à 50 % de surtaxe.

Chine et Inde : ralentissement masqué

En Chine, les exportations rebondissent artificiellement grâce à la trêve, mais les fondamentaux restent fragiles. L’Inde conserve une croissance de 7 %, mais la consommation ralentit et les marges budgétaires s’effritent.

Amérique latine : coup de frein brutal

Le Mexique est en stagnation, le Brésil freine à cause de politiques monétaires strictes (taux directeur à 15 %), seule l’Argentine surprend : +5 % de croissance en 2025 prévue, portée par les Mileinomics et un secteur agricole revigoré.

Conclusion :
L’économie mondiale entre dans une phase de recalibrage douloureux, où les logiques de blocs et d’autonomie stratégique prennent le pas sur la coopération. Coface tire la sonnette d’alarme : l’heure n’est plus à l’ajustement, mais à la réinvention des modèles économiques. La stabilité est désormais un luxe, et l’agilité devient la clef de survie.