Robeco – Perspectives T4 2023

Perspectives Crédit : cette fois-ci n’a rien de différent

Le consensus sur le marché est passé d’une forte probabilité de récession à un atterrissage en douceur très probable, du moins aux États-Unis.

  • Les marchés semblent avoir pleinement embrassé l’idée d’un atterrissage en douceur
  • Les décalages de la politique monétaire sont plus longs
  • Positionnement en faveur de la décompression et du portage de qualité

Le positionnement des investisseurs a évolué en conséquence au cours de l’été. Aujourd’hui, la prudence a laissé place à un positionnement d’acheteur net, et beaucoup de stratégistes « sell-side » ont revu à la baisse leurs prévisions de fin d’année concernant les spreads. Nous affirmons que c’est précisément le moment de rester prudent. Les lois économiques se sont toujours appliquées, et cette fois-ci ne devrait pas être différente. Les investisseurs doivent se méfier des affirmations contraires. Historiquement, les cycles de resserrement monétaire importants ont toujours abouti à une récession, seul le décalage dans le temps a varié. De plus, il s’agit de la plus forte hausse de taux depuis des décennies.

Nous n’avons pas de boule de cristal, mais, d’après notre analyse, nous pensons que les marchés sont actuellement trop optimistes et complaisants. Les facteurs à l’origine du décalage dans la transmission de la politique monétaire ont largement fini de produire leurs effets. Le réservoir d’épargne est presque épuisé, les mesures de relance budgétaire ont atteint leur apogée et la reprise du secteur tertiaire a eu lieu.

La hausse des taux d’intérêt commencera bientôt à se répercuter sur les entreprises moins bien notées, ce qui entraînera probablement une décompression entre les segments Investment Grade et High Yield. Une fois que les banques centrales auront fini de relever les taux et que la volatilité des taux aura diminué, les marchés Investment Grade pourraient bien représenter une classe d’actifs attractive par rapport aux actifs plus risqués.

Fondamentaux

Nous continuons de penser que les lois économiques s’appliquent et que ce cycle de relèvements aura des conséquences similaires à celles du passé. La seule différence est que le décalage des effets de la politique est un peu plus long. Ce décalage plus long peut s’expliquer par le déséquilibre auquel le monde a dû faire face après la pandémie : un réservoir d’épargne élevé, une demande de rattrapage pour les services et un grand nombre de commandes en attente dans le secteur automobile, par exemple. En outre, le soutien budgétaire, en particulier aux États-Unis, a contribué à la croissance et à l’emploi. Alors, pourquoi pensons-nous que le marché est trop complaisant concernant les prévisions d’un atterrissage en douceur ? Les effets mentionnés précédemment semblent s’être dissipés.

« Pourquoi pensons-nous que le marché est trop complaisant concernant les prévisions d’un atterrissage en douceur ? »

Tout d’abord, les États-Unis ont bénéficié de mesures de relance budgétaire massives, mais dorénavant l’impulsion budgétaire sera négative. Deuxièmement, la poursuite de la reprise dans le secteur tertiaire n’apportera aucun autre avantage, comme l’indique le passage de l’indice PMI des services sous la barre des 50. Troisièmement, le consommateur a épuisé son excédent d’épargne et la perception très forte de la sécurité de l’emploi ne peut que s’affaiblir à partir de là. En d’autres termes, il est difficile d’envisager une vigueur persistante des dépenses de consommation, si bien qu’il sera plus difficile pour les entreprises de répercuter l’inflation du coût des intrants à l’avenir.

Soyons clairs, cela ne veut en aucun cas dire que nous nous attendons à une récession profonde. Nous n’avons pas observé de cycle de surinvestissement ; par conséquent, nous ne nous attendons pas à une baisse des dépenses d’investissement, qui est généralement symptomatique des récessions profondes. Cependant, nous pourrions finalement constater des dommages collatéraux, semblables à ceux observés en mars de cette année lors de la crise bancaire régionale aux États-Unis.

Valorisations

Les taux sans risque ont continué à augmenter au cours du trimestre, tandis que les spreads de crédit se sont maintenus, voire resserrés. Depuis le début de l’année, dans le segment du High Yield, nous avons observé une compression de l’ensemble des notations, les crédits les moins bien notés surperformant les mieux notés. Cela reflète le fait que le risque de récession a été exclu. Les marchés crédit devraient commencer leur décompression dans les mois à venir, car nous pensons que le marché sous-évalue actuellement le risque de récession. Nous privilégions les positions de portage de qualité qui semblent encore attractives sur une base historique, et nous préférons rester à l’écart de la partie la plus risquée des marchés qui se négocient à des niveaux élevés sur une base historique.

Facteurs techniques

Bien que les facteurs techniques restent défavorables, certains indicateurs positifs laissent entrevoir des opportunités pour les obligations Investment Grade, comme nous l’avons expliqué lors de notre dernier webinaire. La fin du cycle des relèvements étant désormais en vue, nous devrions connaître une période de volatilité des taux plus faible. Une diminution de la volatilité ouvre la voie aux opérations de portage, ce qui profiterait au segment Investment Grade. Cet environnement crée également des perspectives de baisse des rendements des obligations d’État, ce qui contribuera aux performances totales des obligations Investment Grade. Toutefois, il conduit à un scénario différent pour le segment High Yield, car celui-ci a tendance à sous-performer dans un contexte de baisse des taux, ce qui coïncide généralement avec un affaiblissement de l’économie et une augmentation des défauts.

« Il aurait été tout simplement miraculeux que les responsables de la politique monétaire soient en mesure de fixer les taux au niveau idéal et d’organiser un atterrissage en douceur »

Il aurait été tout simplement miraculeux que les responsables de la politique monétaire soient en mesure de fixer les taux au niveau idéal et d’organiser un atterrissage en douceur, évitant ainsi l’inflation et maintenant une croissance économique positive. Les incertitudes liées aux décalages dans la transmission de la politique monétaire sont tout simplement trop nombreuses pour que cela se produise. L’inflation étant sensiblement supérieure aux niveaux visés, il est probable que les banques centrales pécheront par excès de prudence. Cela signifie qu’avec le recul, nous pouvons probablement conclure que les banques centrales ont maintenu des taux trop élevés pendant trop longtemps, mais que, compte tenu de l’incertitude actuelle, leur réaction est tout à fait logique. Sur les marchés crédit actuels, le risque de récession est probablement plus élevé que ce que le marché prévoit.

Conclusion

De nombreux acteurs du marché semblent avoir adopté le scénario de l’atterrissage en douceur et abandonné leurs prévisions de récession. Nous pensons que ce changement de point de vue a été principalement déclenché par la réaction des marchés qui n’a pas été celle qui avait été anticipée. Certes, la prise d’une position prudente a été préjudiciable cette année, en particulier dans le segment High Yield, mais ce n’est pas une raison suffisante pour dévier de notre point de vue. Le positionnement du marché étant devenu plus haussier, nous pensons que c’est une raison de plus pour rester prudent sur la partie la plus risquée des marchés crédit et privilégier les aspects de meilleure qualité du marché. Les sociétés Investment Grade peuvent probablement s’en sortir assez bien dans cet environnement si la récession n’est pas trop profonde.

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