Comment un gestionnaire d’actifs comme Schroders influence-t-il activement les sociétés dans lesquelles il investit ?

Dans le débat sur la capacité des investisseurs à encourager une reprise plus durable, le rôle de l’actionnariat actif est un point essentiel. L’investissement ESG, qui tient compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, connaît une popularité croissante. Les gestionnaires actifs peuvent influencer les sociétés dans lesquelles ils investissent par l’engagement et en acquérant une meilleure compréhension des risques et des opportunités auxquels ils sont confrontés. Les investisseurs étant de plus en plus considérés comme de possibles catalyseurs du changement, schrolders a interrogé Elly Irving sur ce thème.

Comment les sociétés d’investissement actives comme Schroders s’engagent-elles concrètement auprès des entreprises ?

Elly explique qu’il existe de nombreuses méthodes d’engagement différentes. « Il est nécessaire de dialoguer avec les entreprises sur leurs pratiques, dans le cadre d’un appel téléphonique ou d’une rencontre individuelle. Nous rencontrons la direction de l’entreprise et des spécialistes sur des questions spécifiques. Nous effectuons des visites sur place, nous participons à des réunions d’investisseurs et organisons nos propres événements, par exemple pour engager le dialogue avec les administrateurs non exécutifs, dans le cadre de nos processus de recherche.»

Des priorités doivent être posées. Elly explique : « Il existe plusieurs façons de réfléchir à cela, mais c’est avant tout basé sur un processus, donc peut-être une baisse de la notation ESG ou une explication des raisons pour lesquelles nous avons voté contre la direction ; cela peut également être dicté par notre recherche thématique. »

Parmi les exemples de domaines de recherche thématique que l’équipe a entreprise, on peut citer les plastiques, le sucre et le changement climatique. Elly note qu’il peut également être bénéfique de travailler avec d’autres gestionnaires d’actifs dans le but de combiner des pourcentages de participation dans une société qui n’a pas donné suite aux pressions des investisseurs. En joignant nos voix, il est plus facile d’influencer une entreprise ou de l’encourager à fournir plus d’informations.

« Les deux exemples récents sont notre participation à Climate Action 100+, pour l’analyse des risques liés au changement climatique, et notre adhésion à la Workforce Disclosure Initiative, qui tente de promouvoir une plus grande transparence sur les pratiques en matière de capital humain au sein des entreprises », ajoute-t-elle.

Quelles sont les cibles et la fréquence de l’engagement de Schroders auprès des entreprises ?

Elly indique qu’au cours des cinq dernières années, les engagements de Schroders ont considérablement augmenté.

« Il y a quelques années, nous étions engagés auprès de 243 sociétés alors qu’aujourd’hui notre engagement concerne plus de 2 000 entreprises. Nous sommes également devenus beaucoup plus mondiaux dans nos engagements. Il y a cinq ans, seulement 18 % de nos actions d’engagement étaient hors d’Europe. Aujourd’hui, ce chiffre est de 55 % », déclare-t-elle. La portée de l’action de Schroders est donc devenue plus mondiale. Elly explique que la stratégie d’engagement comporte deux volets : « le recueil d’informations ou l’influence sur les pratiques de l’entreprise. »

Pouvez-vous nous parler d’un engagement actuel consistant à recueillir des informations – qu’en est-il des services pétroliers et des émissions de carbone ?

À l’heure actuelle, les entreprises du secteur des services pétroliers tirent plus de 90 % de leur chiffre d’affaires de la production de pétrole et de gaz. Elles fournissent généralement des équipements ou des services au secteur de l’exploration et de la production de pétrole, mais elles ne produisent pas elles-mêmes de pétrole.

Si l’attention médiatique se concentre sur les sociétés qui extraient et produisent des combustibles fossiles, l’impact de ce secteur ne doit toutefois pas être négligé.

Elly précise : « Au dernier trimestre 2019, nous avons porté notre attention sur le secteur des services pétroliers et sur sa trajectoire vers la neutralité carbone. Avec l’équipe Actions européennes de Schroders, nous avons cherché à comprendre comment ces sociétés réfléchissaient à la transition bas carbone. Quels sont leurs efforts actuels et prévus pour se développer dans le domaine des énergies renouvelables et du bas carbone ? Quelle est leur capacité d’adaptation ?

Certaines ont même suggéré que la construction et le génie éoliens offshore seraient moins complexes que leurs équivalents pétroliers et gaziers existants. Cependant, seules quelques-unes avaient fixé des objectifs en matière de dépenses d’investissement, de revenus ou de recherche et de développement. »

Elly explique : « Nous élargissons ce projet d’engagement afin de comparer les résultats entre différentes régions géographiques. La collecte d’informations de différentes sources améliore notre compréhension et étaye les conclusions tirées par nos analystes et gérants de fonds et, par conséquent, les décisions d’investissement. »

Pouvez-vous nous dire comment vous avez appliqué ces stratégies en ce qui concerne le sucre ?

Schroders a commencé en 2015 à s’engager en recueillant des informations sur le sucre, qu’il avait identifié comme un risque émergent.

« Nous avons estimé qu’il existait un risque potentiel de baisse des bénéfices des entreprises en raison de l’évolution du comportement des consommateurs, ainsi que de la préoccupation croissante des régulateurs et des organismes de santé publique face à la progression de l’obésité et du diabète », explique Elly.

Elle ajoute : « Nous avons constaté que nous n’avions pas suffisamment d’informations pour déterminer quelles sociétés avaient une forte « empreinte sucre ». Nous ne pouvions pas identifier lesquelles investissaient dans la recherche et le développement pour trouver des substituts à faible teneur en sucre. »

Quels sont les résultats des engagements concernant le sucre ?

Elly indique que, suite à la recherche et au dialogue de l’équipe, des objectifs ont été convenus.

Elle précise : « Nous pouvons désormais mieux quantifier et comprendre le risque lié au sucre. Nous l’avons soumis à l’examen de plusieurs universitaires, organisations non gouvernementales et organisations de santé publique. Nous avons ensuite engagé le dialogue avec les entreprises sur la base de nos attentes. »

Elle ajoute : « Nous avons communiqué avec plus de 55 sociétés à l’échelle mondiale. Au début de l’année, nous avons constaté des progrès très positifs dans les rapports des entreprises au regard de nos attentes. »

Compte tenu de la nouvelle perspective sur l’obésité et la santé que la crise du coronavirus a imposée aux autorités, il semble inévitable que la consommation de sucre fasse l’objet d’une surveillance accrue des gouvernements.