Transport maritime : réduire les émissions de CO2

Le 31 Août 2022 : Les experts de demain font le point sur les leviers à la disposition des acteurs du secteur du transport maritime de marchandise pour atteindre l’objectif de réduction nette des émissions de CO2 de 50 % d’ici 2050.

Transport maritime

90 % du commerce international est effectué par voie maritime. Si le secteur n’est responsable à lui seul que de 3 % des émissions de CO2 mondiales, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) estime que le transport maritime est susceptible de connaitre une très forte croissance dans les prochaines décennies. Or, si les acteurs du secteur n’opèrent aucun changement, cette hausse de l’activité pourrait augmenter les émissions de CO2 jusqu’à 130 %.  Afin de réduire leur impact environnemental, les armateurs disposent de plusieurs leviers : solutions opérationnelles, nouvelles technologies de propulsion vélique des navires ou encore, à plus long terme, le remplacement du fuel lourd par des carburants alternatifs.

Améliorer l’efficacité énergétique des navires : un premier pas vers un transport maritime durable

Avant d’envisager de changer de carburant de propulsion, un certain nombre de leviers techniques et opérationnels existent pour réduire la consommation des navires ainsi que les émissions de gaz à effets de serre (GES) associées.

D’un côté, l’approche technique qui consiste à améliorer la performance des hélices, des moteurs ou encore la forme des bulbes d’étrave  (une partie de la coque à l’avant du bateau qui réduit la résistance hydrodynamique pour augmenter sa vitesse) etc., permettrait de réaliser 10 à 15 % d’économie de carburant.

De l’autre, les solutions opérationnelles : optimisations logistiques, réduction de la vitesse de navigation, ou encore l’utilisation de logiciels d’optimisation des routes maritimes, en fonction des vents, vagues et courants, donnerait la possibilité de réaliser 3 à 8 % d’économie de carburant.

Cependant, à elles seules, ces solutions ne permettront pas d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de GES fixé par l’OMI à horizon 2050.

La force du vent : une énergie propre et inépuisable

Complémentaire à la réduction  de la consommation de carburant, l’utilisation de la force du vent pour propulser les bateaux offre de nombreuses opportunités au secteur pour réduire son impact environnemental. D’ailleurs, la France est un véritable leader technologique dans le domaine du transport vélique, grâce à son expertise en course au large. 

Aujourd’hui, deux types d’entreprises capitalisent sur cette énergie pour le transport maritime de marchandises. Des sociétés comme TOWT, Neoline ou Grain de Sail, par exemple, proposent un mode de transport 100 % à la voile. Celui-ci devient même un argument commercial pour des consommateurs attentifs à l’impact environnemental de leurs achats. Cela reste toutefois un marché de niche, la majorité des marchandises transportées étant  plutôt des produits de luxe (café, cacao, alcools etc.).
  
D’autre part, des entreprises comme Ayro, Wisamo – Michelin, Airseas ou encore Beyond the Sea, développent des voiles nouvelle génération (ailes rigides, cerfs-volants ou cylindres rotatifs) pour les navires de commerce. Ces nouvelles technologies promettent de réduire les consommations de carburants des navires de 10 à 30 % pour la même vitesse en fonction des routes empruntées. Aujourd’hui en phase de test ou de prototype, leur déploiement à grande échelle demandera encore du temps et des investissements très importants.

Ce marché très prometteur, voit également émerger des acteurs comme D-ICE Engineering, une deeptech nantaise, qui travaille avec des entreprises comme Ayro pour optimiser l’utilisation de la propulsion vélique via des logiciels très pointus. 

Les carburants de demain : très attendus mais pas encore tout à fait au point

Le Gaz Naturel Liquéfié (GNL), carburant alternatif le plus mature d’un point de vue technologique et opérationnel, constitue une autre solution accessible dès aujourd’hui pour réduire les émissions de GES. Apprécié pour son prix attractif, sa facilité de transport et sa densité, il élimine également les problèmes de qualité de l’air. En revanche, il ne permet de réduire que de 20 % les émissions de CO2 par rapport au fuel classique.

De son côté, le bioGNL pourrait répondre à la problématique d’émissions de CO2, mais il ne semble pas envisageable d’en approvisionner l’ensemble de la flotte maritime mondiale étant donné la compétition de la production de ce biocarburant vis-à-vis de l’exploitation des terres arables pour l’alimentation et des besoins éventuels des secteurs de l’aviation et du routier. 

A plus long terme, l’hydrogène, l’ammoniac ou le méthanol, pourraient s’imposer comme les carburants de demain. Neutres en carbone, à condition d’être  issus de sources propres, ils présentent encore de nombreuses contraintes techniques : conditions de stockage particulières (températures, cuves adaptées, toxicité), volume plus important que le fuel classique et coûts de production encore trop contraignants. D’importants efforts de R&D sont donc nécessaires pour rendre ces carburants compatibles avec le transport maritime, et accessibles à la fois en termes de coûts et d’infrastructure à grande échelle, ce qui demandera des investissements très importants.

L’adoption de ces nouveaux carburants pourrait prendre une dizaine, voire une vingtaine d’années. Certains armateurs maintiendront probablement leur utilisation du carburant habituel et agiront plutôt sur les fumées sortantes en installant des dispositifs d’épuration d’air, appelés scrubbers, afin de neutraliser les pollutions.


L’accélération de la transition dépend de la règlementation  

Au-delà des innovations technologiques, la réglementation et les normes conditionneront les évolutions des énergies de demain. Or, alors que de nombreux secteurs disposent d’une réglementation stricte en matière de transition écologique depuis une vingtaine d’années, ce n’est pas le cas du transport maritime. Cependant, depuis quelques années, de nombreux progrès ont été réalisés par l’OMI, soutenue par le développement d’un esprit de responsabilité des différents acteurs du secteur. Cette prise de conscience de l’impact des activités économiques sur l’environnement a été accélérée avec la crise sanitaire. 

Aujourd’hui, la principale réglementation internationale, appelée « OMI 2020 », a pour objectif de diminuer les émissions d’oxydes de soufre. Depuis le 1er janvier 2020, leurs émissions sont limitées   à 0,5 % contre 3,5 % auparavant. Ce règlement a  incité les armateurs à utiliser un carburant à faible teneur en soufre ou du Gaz Naturel Liquéfié et a fait augmenter le nombre d’installations  de scrubbers. Conséquence : le nombre de navires équipés de cette technologie est passé de 730 en 2018 à 4 340 en 2020, preuve du pouvoir de la réglementation pour faire évoluer les choses.

En 2023, une nouvelle réglementation internationale entrera en vigueur et imposera aux navires déjà en circulation, en plus des navires neufs, d’améliorer leur efficacité énergétique, avec des indices de plus en plus exigeants au fil du temps. En parallèle, l’adoption d’une taxe carbone pourrait par exemple financer la R&D nécessaire au développement de carburants durables et infrastructures associés.