Dans cet article, retrouvez l’échange entre Jean-Marc Jancovici et le journaliste Vincent Roux lors d’une interview pour le Figaro Live qui a eu lieu le 21/02/2023 sur les sujets suivants : Retraites, Ukraine, Inflation, la croissance et le réchauffement climatique, le nucléaire en France, la démondialisation.
Point de Vue avec Jean Marc Jancovici
Vincent Roux : Bonjour Jean-Marc Jancovici. On vient d’entendre Sandrine Rousseau qui justement dit que la croissance finalement pose un problème écologique. Est ce que c’est votre point de vue?
Jean Marc Jancovici : Ce qui est sûr, c’est que les problèmes d’environnement que nous avons aujourd’hui sont des conséquences de la mise en route de flux physiques de plus en plus importants qui ont été ceux d’une activité économique de plus en plus importante. Qu’est ce que c’est que l’activité économique ? Quand on regarde depuis la révolution industrielle, c’est produire en quantité croissante des tables, des chaises, des voitures, des maisons, des appareils, des pistolets à eau et des t shirts. Et à chaque fois qu’on fait ça, on prend dans l’environnement des ressources, on les transforme et on obtient à la fois le produit de la transformation qui nous intéresse la maison, le T-shirt, etc. Et des sous produits indésirables qui ne nous intéressent pas du tout et qui s’appellent la pollution. Et globalement, plus on transforme, c’est à dire plus on a une activité productive importante, plus on pollue, plus on rejette de substances dans l’air, dans l’eau, dans le sol, etc. Donc la croissance économique, c’est la croissance de la production et donc c’est la croissance des rejets. Globalement, c’est tout à fait le cas si on regarde en particulier le rejet principal qui occupe mon activité professionnelle de façon centrale, c’est à dire la question des émissions de gaz à effet de serre. Nous, elles ont accompagné depuis un siècle et demi l’augmentation de la taille de l’économie de façon parfaitement corrélée.
Vincent Roux : Alors, on va y revenir. Justement, puisqu’on entendait Sandrine Rousseau parler de la réforme des retraites, êtes vous de ceux qui pensent que le débat sur les retraites occulte les vrais enjeux et en particulier les enjeux liés aux thématiques qui vous sont chers le climat, le réchauffement climatique?
Jean Marc Jancovici : C’est amusant parce que, coïncidence du calendrier, j’ai vu passer hier une tribune de Jacques Attali dans Les Echos. Alors je ne suis pas toujours d’accord avec ce que raconte Jacques Attali, mais là, en l’occurrence, j’ai trouvé qu’il posait une question qui était drôlement bien sentie. Parlant de la réforme des retraites, il a titré sa tribune Mais que diable allait il faire dans cette galère? Donc en gros, il posait la question en disant pourquoi ça? Et pourquoi maintenant? Et je me pose exactement les deux mêmes questions pourquoi ce sujet et pourquoi maintenant?
Vincent Roux : Ça vous semble incongru?
Jean Marc Jancovici : Alors il y avait aucune urgence à le faire maintenant, plutôt que l’année prochaine ou dans deux ans. D’accord? Là où je suis parfaitement en phase avec les gens qui disent on a un tout petit sujet avec la croissance, c’est que les prévisions de croissance sont absolument centrales dans les projections qu’on peut faire sur l’équilibre entre retraites et actifs. Or, les projections de croissance du Conseil d’orientation des retraites ne se réaliseront pas. Elles se réaliseront pas parce que ça fait déjà maintenant plus de dix ans que l’Europe n’est plus en vraie croissance. D’accord, on a une croissance qui a un peu fictive.
Vincent Roux : Qui est qu’est ce qui vous permet de dire que la croissance est fictive?
Jean Marc Jancovici : Alors j’y répondrai. Après, je laisse la question en suspens.
Vincent Roux : C’est une question qu’on aborde assez souvent ici.
Jean Marc Jancovici : En fait, la production vraie de l’Europe depuis plus de dix ans, elle est en décroissance. Alors qu’est ce que j’appelle la production vraie? Par exemple, la quantité de mètres carrés qu’on construit, ça c’est physique. Par exemple la quantité de tonnes qu’on charge dans les camions, ça, c’est de la production physique. Eh bien, quand vous regardez la quantité de tonnes qu’on charge dans les camions, ça fait depuis 2007 en tendance, elle diminue. Donc, ça veut dire qu’en tendance, l’Europe produit de moins en moins de biens et transporte de moins en moins de biens physiques. Mais fameux tas de chaises, tee shirt, etc…tout ça en tonnage, donc en quantité physique, ça baisse depuis quinze ans. Et le fait que le PIB facialement augmente, il est lié à un certain nombre de conventions qui sont qui conduisent à cette augmentation mécanique, mais qui correspondent pas à une augmentation des biens et des services dont la population bénéficie vraiment. Par exemple, quand la valeur de l’immobilier augmente, les commissions des agences immobilières augmentent. Ça ne fait pas augmenter le nombre de mètres carrés. Et ça c’est pas déflaté. Quand vous faites le calcul du PIB, la quantité de crédit immobilier des banques augmente. Ça c’est pareil. Donc le produit net bancaire augmente alors que vous n’avez pas plus de mètres carrés qui font l’objet de transactions augmentation. Voilà, quand vous avez la valeur des actions qui augmente ou la valeur des œuvres d’art qui augmente, vous avez un certain nombre d’intermédiaires qui grâce à ça gagnent plus d’argent. C’est pareil, ce n’est pas corrigé c’est pas comme ça, c’est.
Vincent Roux : Quelle est la croissance réelle ?
Jean Marc Jancovici : Et donc si je dis on regarde ce que les gens ont vraiment à consommer, en fait, vous vous rendez compte que depuis quinze ans il y a plus de croissance et il y a même une érosion légère. Et ça se traduit même en termes strictement monétaires pour les ménages, puisque vous savez probablement que le revenu disponible des ménages en France diminue depuis 2010.
Vincent Roux : Donc la croissance, elle est plutôt spéculative ?
Jean Marc Jancovici : Allez dire à l’avenir il y aura de la croissance ? Peut être, peut être pas. Or, le Conseil d’orientation des retraites, dans les trajectoires qu’il trace pour l’avenir, il se balade quelque part entre 0,7 % et quasiment 2 % de croissance du PIB par an à l’avenir. Donc ça suppose qu’il n’y aura pas de Covid, pas d’Ukraine et pas de changement climatique et pas de pénurie sur les matériaux et pas de pénurie de pétrole et pas d’eau etc. Tout ça me paraît extrêmement discutable. Alors pourquoi? Quel est le lien avec la réforme actuelle? Le lien, c’est qu’à partir du moment où les hypothèses pour l’avenir sont gentiment farfelues, on est certain qu’il va falloir y revenir ; puisque la réforme qu’on est en train de faire en ce moment se base sur des hypothèses qui ne se réaliseront pas. A partir du moment où vous êtes certains que vous allez devoir y revenir. Quelle est l’urgence de faire ça maintenant plutôt que l’année prochaine?
Vincent Roux : Peut être que ce sera peut être plus dur après? Parce que s’il va falloir y revenir, c’est qu’il va falloir faire une réforme encore plus radicale. Après, il ne faut pas étaler les réformes.
Jean Marc Jancovici : Je ne sais pas, parce que d’ici là, il y a plein d’inflation qui sera passée. Il suffit peut être d’entériner l’inflation, vous savez. Donc je ne sais pas, je ne sais pas. Bon, donc, il n’y avait pas d’urgence à faire cette réforme, à mon avis en début de mandat, alors que par contre, il y a des inconvénients absolument évidents à l’avoir fait, c’est que Macron, qui est sur un deuxième mandat non rééligible, c’était l’occasion de mettre en œuvre des grandes ambitions très utiles au pays et qui est des grands projets de société et quelque part pour lesquelles on aurait les bénéfices après le terme du mandat. Bon, là c’est clair que le sujet des retraites tombe dans cette asymétrie temporelle, c’est à dire qu’il faut souffrir maintenant pour avoir le bénéfice plus tard quelque part. Mais ce n’est pas un grand projet de société, c’est c’est de l’intendance, s’occuper des retraites. Et donc il a raté l’occasion en début de mandat de faire quelque chose qui aurait eu du souffle en rassemblant tout le monde. Et une fois qu’il a commencé par crisper le pays en le divisant en deux sur quelque chose qui est un problème d’intendance important, mais ça reste un problème d’intendance, il a quelque part, il s’est mis en position de faiblesse pour derrière faire un grand projet gaullien d’ambition pour le pays. Voilà, donc je suis tout à fait d’accord avec Attali quand il dit mais qu’est ce qui lui a pris de commencer par ça? Je pense effectivement, qu’est ce qui lui a pris de commencer par ça ?
Vincent Roux : Puisque vous parliez d’inflation tout à l’heure, on devait se parler en janvier et à l’époque il y avait des restaurateurs qui étaient contraints de baisser leur rideau, des boulangers obligés de mettre la clé sous la porte et des entreprises forcées de stopper leur production. Est ce que tout ça, c’était à cause justement de l’explosion des prix de l’électricité? Est ce qu’on est entré enfin dans l’ère de la sobriété que vous appelez de vos vœux?
Jean Marc Jancovici : Alors non, parce que la sobriété, on est entré dans l’ère de la pauvreté, mais pas dans l’ère de la sobriété. Je m’explique. Dans ma nomenclature à moi, les manières d’économiser de l’énergie, je les décompose en trois morceaux. Il y a un morceau qui s’appelle l’efficacité, donc l’efficacité. Je vais prendre le boulanger, il vous fournit le même pain et il l’a cuit à la même température, mais son four a demandé moins d’électricité pour cuire le pain, il est plus efficace, il est mieux isolé, etc. D’accord, ça c’est de l’efficacité. La deuxième notion, c’est la sobriété. Donc la sobriété, c’est vous vous privez délibérément d’un produit ou d’un service pour économiser la production et les ressources correspondantes. Je ne veux pas prendre l’exemple du pain. Je ne crois pas imaginer que vous arrêtez de manger du pain. C’est pas un truc qui est très très assimilé à des excès, on va dire, de manger du pain. Mais la personne qui a la grosse voiture de luxe qui décide de ne plus utiliser sa voiture et de prendre un abonnement Vélib délibérément, ça c’est de la sobriété. Quand le gilet jaune ne prend plus sa voiture parce qu’il n’a pas les moyens de payer son plein, ça c’est pas de la sobriété, c’est de la pauvreté. Donc la sobriété et la pauvreté, c’est les mêmes gestes physiques. Je change de type de mode de vie, mais dans la sobriété. Je les choisis dans la pauvreté, je les subis. Donc là, l’exemple que vous me donnez sur le boulanger, c’est quelque chose qui est subi, donc ça ne rentre pas dans la catégorie de la sobriété pour moi.
Vincent Roux : Est ce que le facteur prix, on le voit notamment justement avec les questions de factures d’électricité, et ça ne s’arrête pas, ça continue, on le voit. Est ce que ça va faire naturellement, le travail de réduction de consommation énergétique?
Jean Marc Jancovici : Alors Oui, mais d’une mauvaise manière. Il y a deux façons plus exactement, d’avoir une contrainte qui vous impose une baisse de votre consommation de quelque chose. Il y a la contrainte par les prix, le prix monte, vous ne pouvez plus le payer, vous en consommer moins. Et il y a la contrainte réglementaire. On vous demande par voie de réglementaire de moins consommer de quelque chose. Alors je vais prendre l’exemple de l’énergie de chauffage, l’énergie de chauffage, l’option A, c’est le gaz et le fioul voient leur prix fortement monter, donc vous en consommer moins. Option B on vous dit vous devrez vous débarrasser de votre chaudière à gaz pour remplacer ça par un poêle à bois ou une pompe à chaleur. Et là, vous allez aussi consommer moins de gaz. Par la force des choses, Si vous prenez l’option réglementaire, vous avez la possibilité de planifier quelque chose parce que la réglementation, vous pouvez dire c’est à telle date, c’est à telle vitesse, c’est de telle manière, etc… et ça va bien avec une planification. Si vous prenez l’option prix, c’est plus difficile de planifier, parce que si vous augmentez le prix du gaz, vous ne savez pas trop si le ménage en face, il va garder sa chaudière à gaz et baisser le thermostat, garder sa chaudière à gaz et couper le feu. Le chauffage dans une pièce sur deux, remplacer sa chaudière à gaz par un poêle, par une pompe à chaleur etc..
Enfin, vous ne savez pas trop ce qui va faire quand vous êtes dans la réglementation. En général, vous savez mieux ce qu’il va faire parce que vous lui imposer de faire des choses et donc c’est mieux pour planifier et notamment pour planifier la production des alternatives qui va en face. Si vous attendez la hausse de prix, c’est quelque chose qui perd sur les deux tableaux parce que vous avez l’inconvénient de ne pas avoir planifié l’alternative puisque la hausse de prix, elle dit pas immédiatement quelle est l’alternative. Et en plus vous perdez l’argent. Parce qu’à la différence d’une hausse de prix qui arrive par la fiscalité dont les Français ont horreur, comme chacun sait, quand la hausse de prix arrive par la hausse des prix de marché, globalement, c’est un appauvrissement du pays. Ça veut dire qu’on doit acheter plus cher les hydrocarbures aux pays exportateurs. Donc c’est un transfert net d’argent de la France vers les autres pays. Alors moi je veux bien que les fonctionnaires français soient des abrutis qui font n’importe quoi avec notre argent, mais je préfère quand même donner mon argent à des fonctionnaires français qui vont le circuler dans le pays plutôt qu’à le donner à des fonctionnaires russes et saoudiens dont je suis sûr qu’ils ne vont strictement rien en faire pour mon pays.
Vincent Roux : Alors il y a un certain nombre de centrales qui ont été à l’arrêt pour cause de maintenance, en particulier quatre des plus puissants et des plus récents réacteurs, ceux de Civaux près de Poitiers, ceux de Choses dans les Ardennes. Alors en cause, c’était des fissures qui ont été détectées sur les tuyaux. Est ce que selon vous, le maintien de cet arrêt était nécessaire ou est ce que là on n’a pas péché? Par prudence, on aurait pu passer outre et passer l’hiver et revenir après.
Jean Marc Jancovici : Eh bien, je vous avoue que je ne suis pas un grand spécialiste technique de la chose et j’ai entendu les deux son de cloche dans son audition.
Vincent Roux : Alors là, il faut prendre une décision dans ces cas là.
Jean Marc Jancovici : Et c’est en l’occurrence moi, je n’ai pas à prendre de décision. Mais dans son audition à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une commission d’enquête sur la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, le président de l’ASN a présenté cette décision comme étant parfaitement nécessaire et tout à fait assumée par l’ASN, nonobstant le fait que ça a privé la France d’une production électrique importante et que cela a mis les comptes d’EDF dans une situation extrêmement dégradée. Et j’ai par ailleurs des. J’ai entendu des analyses de gens qui connaissent bien la métallurgie de ce genre d’installation qui m’ont dit on aurait pu attendre les opérations de maintenance normale pour s’occuper du problème, ce n’était pas la peine de les arrêter en urgence. Donc moi personnellement, je ne sais pas quoi penser. Il faudrait que j’y passe deux mois à creuser le truc en détail. Ce que je sais, c’est qu’à l’avenir, il n’est pas exclu qu’on ait de plus en plus souvent à décider dans des situations dans lesquelles aucune décision n’est vraiment très confortable.
Vincent Roux : Vous préférez toujours vivre à Fukushima plutôt que de vivre près d’une autoroute?
Jean Marc Jancovici : Alors si vous voulez, en ce qui concerne mes poumons, sans hésiter une seconde. Oui, bien sûr. Vous savez que la pollution aux particules fines tue des dizaines de milliers de gens chaque année en Europe, Des dizaines de milliers de gens chaque année. Fukushima n’a pas tué une personne à cause du surplus de rayonnements relâchés dans l’environnement.
Vincent Roux : Merci Jean-Marc Jancovici pour ces premières réponses. Il y a une semaine, Louis Gallois était l’invité de cette émission. Nous lui avons demandé ce qu’il pensait d’un mouvement d’étudiants. Je pose la question parce que ce mouvement d’étudiants, on le trouve aussi bien à Polytechnique, dont vous avez été un étudiant à l’Agro ou bien aux Arts et Métiers, avec des ingénieurs qui sont favorables à la décroissance. Quand on lui a posé la question, voici ce qu’il nous a répondu.
Louis Gallois : Du côté des écoles d’ingénieur, je leur dis la décroissance, c’est l’augmentation des inégalités. Parce que quand il le gâteau est plus petit, il y a c’est plus difficile de le partager. C’est l’impossibilité de financer l’amélioration de ces publics, la santé, l’éducation, de financer la transition énergétique. Je pense que la décroissance serait une catastrophe. En plus, donner à un pays comme objectif de diminuer, ça me paraît absolument aberrant sur le plan même. J’allais dire moral.
Vincent Roux : Alors est ce que la décroissance serait une catastrophe pour vous? Et est ce que la croissance, comme le dit Louis Gallois, est nécessaire pour financer la transition énergétique?
Jean Marc Jancovici : Alors pour financer la transition énergétique, je ne sais pas. Mais Louis Gallois a parfaitement raison de souligner que la croissance a permis l’augmentation d’un certain nombre de choses qui aujourd’hui, nous semblent parfaitement sympathiques. Effectivement, la redistribution via l’impôt est quelque chose qui a fortement augmenté à cause de la croissance. La croissance nous a effectivement amené l’enseignement, l’hôpital et tout un tas d’autres choses. Malheureusement, là où je m’écarte de son analyse, c’est que je crois, moi, que ça nous plaise ou que ça nous plaise pas, que la décroissance, o
Vincent Roux : Donc ça veut dire que la décroissance pour vous vous semble inéluctable?
Jean Marc Jancovici : Oui, elle est inexorable. Pour moi, elle est aussi inexorable que le fait que je vieillis. Et aussi sympathique ou peu sympathique selon la façon qu’on va avoir de le gérer. Mais je crois que de dire il ne nous appartient, il n’appartient qu’à nous de faire en sorte que l’avenir soit de la croissance ou de la décroissance. Je pense que malheureusement, c’est une mauvaise manière de voir le problème. Je pense que nous allons avoir de la décroissance des flux physiques de façon absolument inexorable et donc ce sera physiquement plus dur de construire un mètre carré physiquement, plus dur de déplacer une tonne à 100 kilomètres h physiquement, plus dur de faire un mètre carré de tissu rapidement, ça sera physiquement plus dur.
Vincent Roux : Et physiquement, pourquoi? C’est à dire.
Jean Marc Jancovici: Parce que tout ça demande de l’énergie et que l’énergie, qu’on le veuille ou qu’on le veuille pas, on va de toute façon en avoir moins. C’est à dire ou bien on le voudra et on en aura moins pour des raisons climatiques, ou bien même si on ne le veut pas, on en aura moins quand même pour des raisons géologiques. Il y a une analyse du chiffre project qui a été publié il y a maintenant un an
Vincent Roux : Que vous dirigez et que vous avez fondé.
Jean Marc Jancovici : Oui , c’est une association que je préside qui est un think tank. Donc ça produit des analyses, des rapports, des propositions, etc. Et il y a un an, on a publié une analyse très exhaustive des possibilités d’approvisionnement en pétrole de l’Europe jusqu’en 2050. Alors en fait, le travail qu’on a fait, c’est qu’on a regardé la quantité de pétrole qui sortirait du sol du sous sol, plus exactement des seize premiers fournisseur de l’Europe d’ici à 2050. Et la réponse, c’est que la production des seize premiers fournisseur de l’Europe, qui sont aussi les seize premiers producteurs mondiaux sauf le Brésil et le Canada, seraient divisés par deux d’ici à 2050. Ce qui veut dire que leurs exportations vers l’Europe puisqu’ils vont d’abord servir leurs populations domestiques, qui va être divisé par n’importe quoi entre deux et 20. Donc de toute façon, même si on ne veut pas des hydrocarbures, on va en avoir considérablement moins et il va bien falloir qu’on s’organise en conséquence. Ça refait le lien avec ce que je disais tout à l’heure sur notre cher président et ses retraites. Il me semble que d’organiser le pays en fonction de ce que je viens de dire et. Et dans un deuxième temps de savoir comment est ce qu’on organise les retraites dans ce truc d’ensemble. C’était mettre le problème dans le bon ordre, les problèmes dans le bon ordre. Donc là, ce que je dis simplement, c’est que la décroissance physique, la diminution des flux physiques qui structurent l’économie, on ne va pas y couper. Et donc la bonne question, c’est comment est ce qu’on s’organise en conséquence? Et le mouvement des jeunes ingénieurs aujourd’hui dans les écoles, je ne sais pas tant si il est de souhaiter la misère du monde ou de souhaiter qu’on prenne acte des réalités du monde et qu’enfin on fasse des efforts.
Vincent Roux : Est ce que la démondialisation pourrait justement conduire à une sobriété dans un certain nombre de domaines, notamment dans celui de l’alimentation, qui vous est cher? Aujourd’hui, on a du bœuf argentin, du mouton néo zélandais, on voyage là.
Jean Marc Jancovici : Là, pour le coup, il faudrait l’organiser. Alors d’abord, la démondialisation, Elle est déjà un tout petit peu en route. Depuis 2008, la part du commerce international dans le PIB a déjà perdu. Alors je vais vous dire un truc de mémoire elle a déjà dû perdre 10 %. C’est à dire que, en 1970, sauf erreur de ma part, les échanges internationaux représentaient 25 % du PIB mondial. C’est monté jusqu’à 60 % du PIB mondial en 2008 qui a été le maximum historique et depuis il me semble que c’est redescendu à 50. Donc la démondialisation, elle est déjà à petite vitesse, un peu en route en ce qui concerne l’agriculture, parce que ou c’est les exemples que vous avez cités, il se trouve que la France. Et quand même plutôt du bon côté de la barrière au sens où on a un grand territoire, on a beaucoup de surfaces cultivables. Et aujourd’hui, si on importe tous les produits que vous avez cités, on importe de plus en plus de poulets à l’étranger, on importe de plus en plus de boeufs étrangers, on importe, etc. Alors on ne fait pas pousser beaucoup d’oranges chez nous, mais il y a quand même beaucoup de choses qu’on peut faire pousser chez nous. C’est plutôt dû à des structures de marché plutôt qu’à l’impossibilité physique de faire tout ce qu’on pourrait faire chez nous. Donc ça, c’est quelque chose qui s’organise, mais ça c’est un sujet de comment dire, de cadre global. Il se trouve que l’Europe s’est dotée d’un cadre global sur l’agriculture qui, à mon avis, n’est pas adapté aux défis que nous allons avoir pour l’avenir. Et c’est un problème qui doit se traiter au niveau européen puisque c’est à l’Europe que nous avons confié la compétence en la matière.
Vincent Roux :Qu’est ce qui vous révulse le plus? Un climato sceptique ou un antinucléaire?
Jean Marc Jancovici : Un indifférent à la question m’ennuie encore plus. C’est à dire qu’aujourd’hui, je suis beaucoup plus inquiet de l’existence d’une classe politique et d”une classe dirigeante économique qui n’a pas l’air de réaliser dans quel monde on va vivre que d’un antinucléaire ou d’un climato sceptique.
Vincent Roux : Est ce que vous demandez toujours au gouvernement de vous accorder 3 h pour une explication?
Jean Marc Jancovici : 20 h
Vincent Roux : Est ce que vous êtes capable de faire un prix à 1 h ?
Jean Marc Jancovici : Est-ce que vous devenez expert comptable en 30 minutes? Non. Donc, à partir du moment où il y a un sujet vraiment important sur qui est vraiment structurant, j’insiste pour l’avenir du pays, il me semble que ça vaut bien 3 h.
Vincent Roux: Que répondez-vous à ceux qui pensent que le renouvelable est plus sûr que le nucléaire?
Jean Marc Jancovici: Que c’est faux? Vous avez alors ça dépend ce qu’on appelle sur quels plans? Ça dépend sur quels plans. Sur le plan sanitaire, c’est inexact. Vous avez des analyses médicales, enfin des travaux de médecins qui ont été faits, qui donnent le nombre de morts par gigawatt heure ou mégawattheure ou téra watts des diverses sources de production électrique.
Vincent Roux: Le journaliste Berger est venu sur ce plateau et elle nous a dit que les éoliennes sont le prochain scandale sanitaire.
Jean Marc Jancovici : Alors je ne sais pas si c’est le prochain scandale sanitaire, mais en tout cas, ce que je sais, c’est que si vous mettez dans les renouvelables les barrages, ils ont beaucoup plus tués que les centrales nucléaires. Beaucoup. Et même sans mettre les barrages, les autres, vous avez des accidents de mine. Vous avez parce qu’il faut les métaux pour faire les éoliennes et les panneaux solaires. Et en fait, si vous comptez ce genre de trucs, vous vous rendez compte que c’est pareil avec le nucléaire.
Vincent Roux : La raison pour laquelle on a fermé Fessenheim, c’est pour montrer à EDF qui est le chef sait ce qu’a dit un de vos confrères de Marianne ce que vous a confié le délégué interministériel à la fermeture de Fessenheim. Francis Rol Tanguy, vous confirmez qu’il vous a bien dit ça? Oui, c’était pour montrer à EDF qui était le chef et pas pour des questions environnementales.
Jean Marc Jancovici: Alors c’était peut être aussi pour des questions environnementales invoquées, je ne sais pas. Mais en tout cas, je vous confirme que j’ai bien entendu ça dans le bureau de Monsieur Rolland Tanguy.
Vincent Roux:: Jean-marc Jancovici Le monde sans fin avec Christophe et Christophe Blain, c’était aux éditions Dargaud. Il n’y a aucun erratum de l’éditeur, je tiens à le préciser. C’est absolument passionnant, ça vaut son prix et c’est vraiment captivant. On ne le quitte pas. Ça pose des problèmes sociaux dans son entourage parce que vous passez votre week end avec avec la bédé, mais ça vaut le coup. C’est donc aux éditions Dargaud. Merci beaucoup Jean-Marc Jancovici d’être venu ici dans les studios du Figaro.