
À l’aube de la COP30, une question fondamentale se pose : comment les entreprises peuvent-elles cesser d’être des destructrices de la nature pour devenir des forces de régénération écologique ? KEDGE Business School apporte un éclairage inédit sur ce sujet à travers son étude prospective. « 2050 : comment dépasser le modèle de l’entreprise prédatrice de la Nature ». Sous la direction de Laurence Le Poder, Doyenne associée à la pédagogie et Directrice de l’Innovation Pédagogique. Des experts et étudiants de Master ont exploré les futurs possibles de l’entreprise face à l’urgence climatique et écologique. Imaginant un monde où les sociétés repensent leur rôle dans la société et dans la préservation des écosystèmes.
Une prospective inédite au cœur des écoles de commerce
La démarche entreprise par KEDGE Business School dépasse le cadre académique traditionnel. Plutôt que de se limiter à analyser les pratiques actuelles. L’équipe de chercheurs et d’étudiants s’est engagée dans une réflexion prospective. Utilisant le design fiction pour créer des scénarios plausibles à l’horizon 2050. Cette méthode consiste à concevoir des récits et objets issus du futur afin d’évaluer leur désirabilité. Et de susciter un débat citoyen autour des transformations nécessaires.
L’objectif est clair : imaginer des modèles d’entreprise capables de sortir de la logique prédatrice qui domine aujourd’hui. Basée sur l’exploitation intensive des ressources et la recherche effrénée de croissance économique. Dans ce projet, la pédagogie et l’innovation se combinent pour former une nouvelle génération de managers conscients des limites planétaires et prêts à inventer des solutions durables.
Les limites planétaires : un constat alarmant
L’étude s’appuie sur une réalité incontestable : les activités humaines ont dépassé les seuils écologiques que la planète peut soutenir. La biodiversité recule à un rythme inquiétant, les océans s’acidifient, les forêts disparaissent et les dérèglements climatiques s’intensifient. À ces problématiques s’ajoutent les tensions sociales et économiques qui résultent de l’inégalité dans l’accès aux ressources et des pressions sur les pays en développement.
Dans ce contexte, les étudiants de KEDGE ont été invités à réfléchir à des futurs contrastés. Le scénario pessimiste de maintien du modèle extractiviste. Qui consiste à puiser sans relâche dans les ressources naturelles, se heurte à l’émergence de visions radicalement différentes. Où les entreprises adoptent des logiques régénératives, coopératives et respectueuses de l’environnement.
Quatre trajectoires possibles pour 2050
Les récits développés par les étudiants présentent quatre futurs potentiels, chacun offrant une vision distincte des entreprises et de la société de demain.
La lente transformation : des progrès écologiques insuffisants
Dans ce scénario, les entreprises font des efforts pour réduire leur impact environnemental, mais ces avancées restent fragmentaires et limitées. La transition écologique progresse lentement, souvent freinée par des intérêts économiques immédiats et par une gouvernance mondiale insuffisante. Si certains secteurs adoptent des pratiques durables, les inégalités persistent et l’exploitation des ressources naturelles continue, bien que de manière partiellement régulée. Ce futur montre que des intentions écologiques sans mesures radicales ne suffisent pas à inverser la tendance actuelle.
La fuite en avant technologique : des solutions à double tranchant
Une autre projection met l’accent sur l’innovation technologique comme principal levier de transformation. Les entreprises automatisent leurs processus, utilisent l’intelligence artificielle pour optimiser l’usage des ressources et développent des solutions high-tech pour compenser leurs impacts environnementaux. Cependant, cette approche soulève de nouvelles questions : sur le plan éthique, les technologies peuvent creuser les inégalités et, sur le plan social, elles posent des défis en matière d’emploi et de gouvernance. L’hypothèse montre que la technologie seule ne peut pas remplacer un changement de paradigme organisationnel et culturel.
Le retour en arrière : une régression dangereuse
Dans un scénario plus sombre, les crises écologiques et économiques provoquent un renforcement des logiques extractivistes. Les entreprises privilégient la survie immédiate au détriment de la durabilité, exacerbant les inégalités et la précarité. Les catastrophes climatiques, la raréfaction des ressources et l’instabilité sociale créent un cercle vicieux où l’urgence domine, mais la capacité de planifier et d’innover durablement est réduite. Cette trajectoire illustre la fragilité du modèle actuel et la nécessité de repenser profondément le rôle de l’entreprise.
L’égalité écologique et sociale : un modèle régénératif
Enfin, le scénario le plus optimiste imagine des entreprises intégrant pleinement la transition écologique et sociale. Les modèles économiques sont repensés pour valoriser l’usage plutôt que la possession, favoriser la coopération plutôt que la compétition, et intégrer des objectifs environnementaux et sociaux mesurables dans la raison d’être de chaque organisation. Des structures telles que les coopératives, les entreprises à mission et les perma-entreprises émergent, créant de la valeur collective tout en régénérant les écosystèmes. Cette projection démontre que des politiques ambitieuses et un engagement collectif peuvent transformer radicalement l’économie.
Les piliers d’une entreprise régénérative
À travers leur travail, les étudiants proposent des pistes concrètes pour réinventer l’entreprise.
Repenser la place de la Nature
Plutôt que de considérer la nature comme une simple ressource à exploiter, les entreprises pourraient reconnaître les écosystèmes comme des parties prenantes à part entière. Cela implique de protéger les habitats, de restaurer les sols et les forêts, et de créer des mécanismes de gouvernance intégrant les droits de la nature. Une telle approche pourrait transformer la manière dont les décisions stratégiques sont prises, en plaçant la durabilité au cœur des choix économiques.
Valoriser l’usage plutôt que la possession
L’économie de la fonctionnalité, qui privilégie l’usage des biens plutôt que leur accumulation, constitue un levier puissant. Louer, partager ou mutualiser des ressources réduit la consommation globale, diminue les déchets et encourage des modèles plus circulaires. Les entreprises peuvent ainsi proposer des services plutôt que des produits, générant de la valeur tout en limitant l’empreinte écologique.
Encourager la coopération et la résilience
Le modèle compétitif classique peut être remplacé par une logique coopérative et territoriale. Alliances inter-entreprises, partenariats locaux et initiatives collectives renforcent la résilience des communautés et créent un impact positif sur les territoires. Ces stratégies favorisent un partage équitable des ressources et stimulent l’innovation collaborative.
Développer des technologies sobres
Le recours à des solutions low-tech, accessibles et peu énergivores, permet d’éviter les dérives de la fuite en avant technologique. Ces innovations, simples mais efficaces, sont reproductibles à grande échelle et contribuent à réduire la consommation de ressources tout en favorisant l’inclusion.
Intégrer des objectifs sociaux et environnementaux mesurables
Les entreprises à mission et celles qui adoptent des indicateurs environnementaux et sociaux suivent une trajectoire plus responsable. Le suivi régulier des impacts, la transparence et l’évaluation des progrès permettent de responsabiliser les acteurs et de garantir que la stratégie économique s’aligne avec les objectifs de durabilité.
Soutenir la transition par des politiques publiques
Enfin, l’action des pouvoirs publics est cruciale. Transparence salariale, fiscalité écologique, incitations aux modèles régénératifs et accompagnement des reconversions professionnelles constituent des leviers déterminants pour accélérer la transformation. La coopération entre secteurs privé, public et citoyens est essentielle pour garantir une transition juste et efficace.
Une génération engagée pour un futur durable
Le projet de KEDGE illustre l’engagement de la nouvelle génération de managers. Ces étudiants ne se contentent pas d’imaginer des scénarios : ils proposent des stratégies concrètes et inspirantes, visant à transformer la relation entre économie et écologie. Le message est clair : l’entreprise ne doit plus se limiter à la création de valeur financière, mais contribuer à la régénération de la planète et au bien-être collectif.
Leur travail ouvre un champ de réflexion inédit pour les décideurs, les entreprises et les citoyens. Il démontre que les choix faits aujourd’hui détermineront la nature des entreprises de demain et la résilience des sociétés face aux crises écologiques et sociales.
Vers une nouvelle vision de l’entreprise
À quelques semaines de la COP30, cette étude invite à repenser fondamentalement le modèle économique actuel. Loin de se contenter de réduire les impacts négatifs, il s’agit d’inventer des organisations capables de régénérer les écosystèmes et de promouvoir une société plus juste et durable.
En 2050, les entreprises pourraient être bien plus que des acteurs économiques : elles pourraient devenir des forces positives, transformant le rapport entre l’homme et la nature. Pour cela, l’innovation pédagogique, la créativité des étudiants et l’engagement des acteurs économiques et politiques sont essentiels. KEDGE Business School, en explorant ces futurs possibles, montre la voie et rappelle que le changement est à portée de main, à condition de l’envisager dès aujourd’hui.
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