Bénédicte Peyrol députée de l’Allier et membre de la commission de la finance de l’Assemblée nationale a donné une interview au mois de mars au magazine Capital.
Après avoir donné quelques pistes de réflexion dans un rapport parlementaire remis en janvier, la députée vient de faire voter à l’Assemblée une série d’amendements à la loi Pacte visant à renforcer l’offre “verte” et solidaire dans les contrats d’assurance vie. Entretien.
Capital : Quel est le constat actuel en matière de financement de la transition écologique ?
Bénédicte Peyrol : Ce qu’on constate, ce n’est pas tant qu’il y a besoin de plus d’argent. C’est qu’il faut le réorienter dans des projets en faveur de la transition écologique. La finance a pris des dispositions et c’est très bien. Mais il faut transformer la prise de conscience en action réelle. Dans l’Allier, j’identifie beaucoup d’entreprises qui pourraient contribuer à la transition écologique. Mais elles ne sont pas assez accompagnées pour identifier leurs besoins. Il n’y a personne pour les accompagner dans le montage de projets. Or on connaît parfaitement les besoins, rien qu’en matière de rénovation énergétique des logements. Il faut impulser une dynamique pour que ces besoins se transforment en projets concrets et que des fonds privés puissent venir les financer.
Capital : L’épargne des particuliers peut-elle jouer un rôle ?
Bénédicte Peyrol : Bien sûr ! Il existe des investissements labellisés, dont l’encours est orienté vers la transition écologique ou les secteurs solidaires. Vous avez par exemple le label TEEC (Transition énergétique et écologique pour le climat), qui correspond aux investissements verts, dont le référentiel est rigoureusement restrictif. Il renvoie à des investissements qu’on pourrait presque qualifier de “verts foncés”. Vous avez ensuite le label ISR (Investissement socialement responsable), qui englobe à la fois les investissements solidaires et responsables. Vous pouvez ainsi financer un peu d’écologie, comme le recyclage des déchets, tout en soutenant l’insertion de personnes en situation de handicaps, par exemple.
Capital : Ces labels sont d’ailleurs déjà présents dans certains contrats d’assurance vie…
Bénédicte Peyrol : Plusieurs assureurs sont effectivement déjà impliqués dans le financement de la transition écologique, avec une volonté de proposer des fonds qualitatifs. Mais il faut aller plus loin. En première lecture de la loi Pacte, nous avons contraint les assureurs à proposer des unités de compte vertes et solidaires dans leurs portefeuilles. A compter de 2020, ceux-ci devront obligatoirement proposer au moins une unité de compte verte ou une unité de compte solidaire, dans leurs contrats multisupports. Et à partir de 2022, ils devront proposer les deux.
Capital : Cela veut-il dire que les assurés vie seront contraints d’investir dans ces portefeuilles ?
Bénédicte Peyrol : Non, il s’agit d’une mesure d’obligation de présentation pour les assureurs. L’épargnant, lui, aura toujours le choix d’investir ou non dans ces labels. Il ne sera pas tenu de souscrire un pourcentage dans telles ou telles unités de compte. En revanche, nous lui donnons la possibilité de choisir son assureur en fonction du comportement de celui-ci.
Capital : Comment ça ?
Bénédicte Peyrol : Les particuliers qui souhaitent donner un sens à leur épargne doivent pouvoir obtenir de plus amples indications sur les produits proposés et la destination de leurs investissements. En seconde lecture du texte à l’Assemblée, nous avons donc également intégré différentes obligations concernant l’information donnée aux épargnants. Il s’agit de mesures de transparence. Les assureurs devront communiquer aux souscripteurs et détenteurs de contrats la part réelle de leur épargne qui est (ou sera) allouée à la transition écologique et aux secteurs solidaires. Ce qui permettra aux particuliers de choisir leur assureur en fonction de ses engagements.
Capital : Des disposition directement en lien avec les dernières mesures de transférabilité, également votées à l’Assemblée…
Bénédicte Peyrol : Oui, c’est une avancée complémentaire. Comment rendre verte l’épargne existante ? En autorisant les transferts. Sinon on ne concerne que les stocks dormants. On ne s’attend pas à un transfert massif vers les fonds labellisés. Mais il faut au moins concerner un maximum de contrats existants.
Capital : Le gouvernement pourrait-il actionner le levier fiscal pour accélérer le transfert des contrats actuels vers ces fonds labellisés ?
Bénédicte Peyrol : Les sujets fiscaux étant brûlants, je ne suis pas certaine que ce soit le moment d’ouvrir le débat sur la fiscalité de l’assurance vie. Mais il y a des dispositions à prendre pour rendre la fiscalité plus favorable aux investissements dans la transition écologique. Première étape : voir si l’information donnée aux souscripteurs et détenteurs de contrats fonctionne et laisser les fonds verts se structurer.