Dans un monde en plein bouleversement, du fait des transitions énergétique, numérique et démographique, l’ESG constitue un outil idéal pour appréhender les grandes mutations à l’œuvre au sein des entreprises. Cette démarche doit toutefois s’accompagner d’une politique d’engagement actionnarial.
La vision court-termiste, qui a longtemps été à l’œuvre sur les marchés financiers, peut- elle céder le pas à une vision de moyen et long terme ? Le développement croissant de la finance durable au cours de la décennie écoulée – à travers les fonds ISR (investissement socialement responsable) ou l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) – n’est bien sûr pas étranger à ce phénomène. Cette transformation doit désormais s’inscrire dans une démarche stratégique d’intégration généralisée.
Trois transitions à gérer
L’année 2015 a marqué un véritable tournant pour la finance durable sous l’impulsion d’une part, de la COP 21 et de l’Accord de Paris sur le climat, et d’autre part de la publication des Objectifs de Développement Durable par les Nations Unies. Les sociétés de gestion, et les gérants en premier lieu, ne pouvaient plus passer à côté de cette lame de fond. En France, l’entrée en vigueur de l’article 173 de la loi sur la transition énergétique a encore plus accéléré le changement des mentalités, notamment chez les acteurs institutionnels. La société civile pousse également l’ensemble des acteurs financiers à s’engager davantage et à adopter une nouvelle vision de la finance et de l’investissement. Et sous l’impulsion croissante des « Millenials », les épargnants souhaiteront, de plus en plus, donner du sens à leur épargne et ainsi rechercheront une performance financière de leurs placements associée à une performance environnementale et sociétale, en lien avec leurs valeurs.
Dans
ce contexte, l’analyse ESG a elle aussi évolué pour ne plus être
uniquement un outil de mesure de risque, mais devenir un instrument de
détection de nouvelles opportunités d’investissement.
Il s’agit
d’adresser les trois grandes transitions qui modifient aujourd’hui les
modèles économiques de toutes les entreprises : la transition
énergétique et environnementale vers une économie bas-carbone, avec des
enjeux de gestion des impacts environnementaux de l’activité des
entreprises ; la transition numérique qui, avec l’arrivée du « big
data » et la montée en puissance de l’intelligence artificielle, impacte
toute la chaîne de valeur des entreprises dans tous les secteurs de
l’économie ; enfin, la transition démographique, enjeu crucial dans un
monde confronté au vieillissement de la population, à l’urbanisation
croissante et à la montée des inégalités sociales et/ou salariales au
sein des entreprises. La gestion du capital humain devient encore plus
une nécessité impérieuse pour toute entreprise.
Une politique d’engagement volontariste
Face à ces trois défis, une approche généralisée et transversale à l’échelle de la société de gestion s’impose. Cette démarche doit en effet être le fruit d’une conviction forte de la Direction Générale, conviction déclinée à l’ensemble des équipes. En outre, se doter d’analystes extra-financiers est une première étape indispensable, mais non suffisante. Il est aussi impératif de combiner analyse extra-financière et financière au sein d’une seule et même équipe. Une telle démarche permet de compléter le diagnostic financier d’une entreprise, d’obtenir une vision globale et de mieux prendre en compte sa stratégie industrielle et commerciale de moyen et long termes. Cette alliance réhabilite ainsi les approches d’investissement de moyen et long termes.
Au-delà de l’analyse et des décisions d’investissement, l’approche ESG doit également se matérialiser par une politique de vote et d’engagement auprès des entreprises. A ce titre, il est judicieux d’adopter une démarche d’engagement actionnarial. L’enjeu est simple : être au plus près des entreprises pour les accompagner dans l’amélioration de leurs propres pratiques. Cet engagement peut être structuré autour d’actions individuelles, entreprise par entreprise, à travers un dialogue récurrent avec le « top management » sur ces sujets ESG. Enfin, il semble aussi nécessaire de mener des actions collectives dans des initiatives de place ou à travers des plateformes comme celle des Principes pour l’Investissement Responsable (PRI). Pluridisciplinaire, l’intégration ESG apparaît clairement comme une nécessité pour accompagner le changement de paradigme à l’œuvre sur les marchés financiers.