Le manque d’efforts des producteurs de protéines animales

Les nouvelles données du réseau d’investisseurs FAIRR représentant des actifs de plus de 25 000 milliards de dollars indiquent que les engagements climatiques de grandes marques de l’industrie alimentaire, dont McDonald’s et Nestlé, sont sapés par les carences de leurs fournisseurs. Le leader européen de la volaille, LDC (Le Gaulois, Maître Coq, Loué, Marie, etc.), le seul acteur français du classement, est classé « risque modéré » et se situe à la 21e place du classement.

Les engagements climatiques minés par les fournisseurs

En France, une enseigne de grande distribution telle que Carrefour s’est fixée comme objectif de réduire les émissions liées à l’achat de biens et de services (Scope 3) de 30% d’ici à 2030, par rapport à 2019. Cependant, l’Indice Coller FAIRR montre que l’un de ses fournisseurs, le producteur français de volaille LDC, ne révèle aucun objectif d’émissions de GES pour les Scope 1, 2 ou 3, et fait état d’une augmentation de 8,2 % des émissions de CO2 (178 147t CO2) en 2019 par rapport à 2018, liée à une hausse de sa consommation d’énergie. Pour autant, LDC fait partie des acteurs en pointe en matière de production de protéines durables grâce à une forte diversification de sa production. La société a ainsi développé une marque de protéines alternatives dédiée : Le Gaulois Végétal.

A l’échelle internationale, de nombreuses marques de produits alimentaires ont récemment pris des engagements fermes pour le climat. McDonald’s s’est engagé à réduire ses émissions de 31 % d’ici 2030 et Nestlé à ne plus produire aucune émission nette d’ici 2050.

Ils obtiennent un score de 1 % ou moins

Cependant, l’indice FAIRR révèle que ces entreprises recourent couramment à des fournisseurs comme Fujian Sunner (Chine), Seaboard Corporation (États-Unis) et Cherkizovo Group (Russie) qui obtiennent un score de 1 % ou moins selon les critères GES de FAIRR, ce qui signifie qu’ils ne déclarent aucune de leurs émissions de GES ou n’ont pas d’objectifs publics de réduction.

De fait, trois sociétés sur quatre (78 %) parmi les 60 figurant à l’indice ne déclarent pas toutes leurs émissions de GES et/ou n’ont pas d’objectifs significatifs de réduction (scope 1, 2 et 3). Cette proportion atteint 86 % pour les seuls fournisseurs de viande et de produits laitiers (c’est-à-dire à l’exclusion des pisciculteurs). En outre, 35 % des sociétés inscrites à l’indice ont signalé une augmentation de leurs émissions par rapport à l’année précédente. Ces résultats suggèrent que les engagements climatiques des principales marques de grande distribution sont gravement compromis par l’incapacité de leur chaîne d’approvisionnement en protéines animales à agir contre les changements climatiques.

Le risque accru de nouvelles pandémies

Le FAIRR a également intégré cette année un « Classement des risques de pandémie » fondé sur les critères de notation considérés comme essentiels pour prévenir le risque de futures pandémies zoonotiques :  la sécurité des travailleurs, la sécurité alimentaire, le bien-être animal et la gestion des antibiotiques. L’Indice Coller FAIRR 2020 montre que 44 (73 %) des 60 sociétés inscrites à l’indice sont classées comme « à risque élevé » selon ces « critères pandémiques » et ne font donc pas assez d’efforts pour éviter l’éclosion et la propagation d’une future pandémie.

Il a été clair, tout au long de la crise de la Covid, que pour de nombreuses entreprises, les politiques, les normes et les engagements envers la sécurité des travailleurs ne sont pas allés assez loin pour protéger efficacement les travailleurs et atténuer la perturbation de la chaîne d’approvisionnement. Pour lutter sur ce front, FAIRR annonce le lancement d’un engagement autonome avec huit producteurs mondiaux de viande inscrits à l’indice, dont des entreprises des États-Unis, du Royaume-Uni, du Brésil, de la Chine et du Japon qui avaient toutes connu une perturbation de leurs activités. Par exemple, l’entreprise Tyson Foods a vu cette année plus de 8 % de sa main-d’œuvre américaine infectée par la Covid-19 et connu treize « controverses » différentes reliées à la Covid.

Les investisseurs s’inquiètent également du fait que 42 entreprises (70 %) se sont classées à risque élevé pour la gestion des antibiotiques, ce que de nombreux investisseurs considèrent comme un indicateur de la capacité d’une entreprise de protéines animales à gérer le risque de pandémie. Une seule entreprise inscrite à l’indice évalue le risque de résistance de sa main-d’œuvre aux antimicrobiens (soit 2 % des 57 entreprises qui utilisent des antibiotiques). La résistance généralisée aux antibiotiques a été citée par l’OMS comme l’une des prochaines grandes menaces mondiales à la santé humaine.

Jeremy Coller, fondateur du réseau FAIRR et directeur des investissements de Coller Capital déclare :

« Si l’agriculture animale mondiale était un pays, elle serait le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Les données de FAIRR indiquent que trois quarts des géants mondiaux de l’industrie des viandes et des produits laitiers dissimulent l’ampleur réelle de leurs émissions climatiques ou refusent d’établir des objectifs concrets afin de les réduire. L’agriculture industrielle mine à la fois les ambitions climatiques des grandes marques et la viabilité des Accords de Paris. La pandémie de Covid a poussé à un seuil critique les producteurs de viande et de produits laitiers déjà sous pression. Alors que beaucoup d’investisseurs perdent de leur intérêt, le secteur se doit de mettre en place des normes de durabilité. » 

Yann Gerain, Gérant & analyste ESG chez Comgest :

« La recherche FAIRR montre que l’industrie de la viande et des produits laitiers se trouve à la croisée des chemins. Pour assurer sa pérennité et respecter les engagements pris par la grande distribution et la restauration, elle se doit d’améliorer rapidement la façon dont elle gère les enjeux liés au développement durable, des risques climatiques aux conditions de travail, en passant par l’utilisation des antibiotiques. C’est le cas à la fois sur le marché français et à l’international. Le secteur est particulièrement vulnérable aux crises comme celles engendrées par le changement climatique et la Covid-19, tout en portant une part de responsabilité. »

Les principaux enseignements de l’Indice Coller FAIRR 2020 à l’indice

  • Protéines alternatives : une hausse de 46 % cette année du nombre de sociétés respectant les meilleures pratiques en matière de protéines alternatives. En 2020, 22 entreprises ont amélioré leurs pratiques, contre 15 l’an dernier et 5 en 2018. L’entreprise canadienne Maple Leaf est la seule entreprise à avoir enregistré un score de 100 % dans cette catégorie et s’est fixé comme objectif d’atteindre 3 milliards de dollars de ventes de protéines végétales d’ici 2029.
  • Antibiotiques : 70 %, soit 42 entreprises, se classent « à risque élevé » pour la gestion des antibiotiques. Même s’il est encourageant de voir que quatre entreprises ont commencé cette année à divulguer des données sur les antibiotiques, toutes les entreprises bovines ou laitières inscrites à l’indice sont à risque élevé et ne divulguent pas d’informations sur leur utilisation d’antibiotiques.
  • Gestion des déchets : 98 % – soit 49 sur 50 – des entreprises de viande et de produits laitiers se classent à risque élevé et ne communiquent pas d’objectifs quant à la gestion des eaux usées ou d’autres polluants potentiels. Il s’agit du facteur de risque avec le score moyen le plus bas.
  • Déforestation : 72 % (43) de toutes les entreprises sont classées à risque élevé en matière de déforestation. Seules 2 des 50 entreprises de viande et de produits laitiers (à l’exclusion des pisciculteurs) ont une politique globale pour lutter contre la déforestation ou l’atténuer dans toutes les régions où elles s’approvisionnent en soja.
  • Utilisation de l’eau : cette année, 7 entreprises mènent des évaluations des risques liés à l’utilisation de l’eau dans leurs installations, contre 2 l’an dernier. Cependant, 8 des 50 (16 %) entreprises de viande et de produits laitiers n’ont toujours pas de politique sur l’utilisation de l’eau et une majorité d’entre elles ne mesurent ni ne signalent pas les pénuries d’eau.
  • Bien-être animal : 41 entreprises (68 %) sont classées à risque élevé en matière de bien-être animal, les entreprises avicoles et d’ovoproduits sont classées plus à risque que tout autre producteur de protéines. Seules 8 entreprises du classement 2020 se classent à faible risque mais une majorité n’ont toujours pas divulgué leurs objectifs en termes de bien-être animal.
  • Gouvernance : les deux tiers (67 %) des entreprises se classent « à risque élevé » en matière de gouvernance durable, un nouveau facteur de risque intégré à l’indice 2020. Seules deux sociétés sont classées comme à risque faible, soit les sociétés d’aquaculture Bakkafrost et Mowi.
  • Conditions de travail : plus de la moitié des entreprises figurant à l’indice (57 %) se classent à risque élevé quant aux conditions de travail. Seulement 28 % (17) des entreprises déclarent avoir des représentants des travailleurs dans leurs comités de santé et de sécurité.
  • Sécurité alimentaire : en tant que facteur de risque avec le score moyen le plus élevé, 43 % des sociétés inscrites se classent à « risque modéré » en matière de sécurité alimentaire. 75 % d’entre elles déclarent que leurs installations ont obtenu la certification reconnue par la Global Food Safety Initiative (GFSI). Cependant, seules huit entreprises déclarent que 100 % des installations sont certifiées GFSI.