Le 26 janvier 2023 : La mobilité française se concentre sur la voiture, même sur de courtes distances. Le défi de décarboner les voyages.
Vivre sans voiture ?
Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il nous faudra rouler moins souvent, moins vite et moins longtemps. En France, les voitures particulières contribuent à hauteur de 54 % aux émissions de gaz à effet de serre des transports, un secteur qui pèse pour un tiers du bilan carbone national.
Comment réduire la dépendance à la voiture ? Tout le monde ne transporte pas sa famille au complet, ni une armoire normande à chaque trajet. Mais tout le monde ne peut pas non plus troquer sa voiture contre un bus, un vélo ou une paire de baskets pour chaque déplacement.
Six graphiques pour comprendre les enjeux actuels de la mobilité des Français, ce qui pourrait changer et comment :
Un temps de trajet très stable, une distance qui s’allonge
En moyenne, les Français font trois trajets par jour pour une durée d’environ une heure, selon le travail mené par Aurélien Bigo, chercheur associé de la Chaire énergie et prospérité à l’Institut Louis-Bachelier et auteur d’une thèse sur la décarbonation des transports d’ici à 2050. Cette moyenne quotidienne, exprimée en minutes par jour, est étonnamment stable depuis deux siècles, alors que la distance parcourue a très fortement augmenté à partir des années 1950, avec la diffusion massive de l’automobile, puis dans une moindre mesure de l’avion ; la moyenne passe alors d’une dizaine de kilomètres par jour et par personne à plus de 50 kilomètres en 2019″
Au XXIe siècle, l’essor de l’automobile a écrasé le reste des mobilités, atteignant les deux tiers des déplacements quotidiens en 2019 : « Cette dominance des modes routiers se fait au détriment des modes actifs, tandis que les transports en commun résistent essentiellement dans les grandes villes et pour les trajets à longue distance », détaille le chercheur, spécialiste de la transition énergétique des transports.
L’évolution des distances parcourues selon le mode de transport
- 74 % des trajets domicile-travail en voiture, et 52 % pour moins de 2 kilomètres
Les trajets entre le domicile et le lieu de travail, particulièrement longs en France (une heure et vingt-trois minutes pour les actifs qui se déplacent), sont les mieux documentés. Selon les dernières données de l’Insee, en 2017, sur les 24,6 millions d’actifs allant au travail, 74 % utilisaient leur voiture (soit 18,1 millions de personnes), 16 % prenaient les transports en commun, 6 % marchaient et 2 % utilisaient le vélo.
Parmi les résultats étonnants, la voiture est utilisée dans 52,9 % des trajets, y compris pour les trajets inférieurs à 2 kilomètres (soit moins de vingt minutes de marche ou moins de cinq minutes à vélo) – là, 1,95 million de personnes sont concernées. Pour la même distance, 30,6 % des Français utilisent leurs pieds (1,13 million) et 5 % le vélo (185 000 personnes).
33 % des déplacements domicile-travail sont inférieurs à 5 km
Ce graphique présente les proportions des différents mode de transports selon la distance domicile-travail à parcourir. Lecture : 56,3 % des personnes qui parcourent entre 1 et 2 km pour se rendre au travail le font en voiture.
- 90 % de recours aux voitures en zone rurale
Si dans l’ensemble la voiture écrase tous les autres modes de transport pour se rendre au travail, on observe des différences nettes selon la taille des villes. Dans les communes de petite et moyenne dimension, le recours à la voiture est massif, y compris dans les « communes centre », puisqu’il frôle les 70 %, et jusqu’à 90 % pour les communes « couronnes » (en périphérie), comme l’écrit l’Insee. Le recours aux transports en commun plafonne à 14 % dans les « centres », et 13,5 % des habitants optent pour le vélo et la marche ; en périphérie, ces chiffres tombent à 1,9 % pour les transports en commun et 7,2 % pour les « modes doux » (marche et vélo).
Hors de l’aire d’attraction de Paris, la voiture est reine (82,1 %)
Ce graphique en barres représente la proportion du mode de transports des habitants pour se rendre au travail hors de l’aire d’attraction de Paris. Lecture : 67,5 % des personnes résidant dans les communes-centres hors du pôle d’attraction de Paris se rendent au travail en voiture.
Dès que l’on sort des « aires d’attraction des villes », en raison des distances accrues et de l’offre moins dense de transports en commun, 90 % des actifs utilisent leur voiture pour se rendre au travail.
- Le cas particulier de Paris et sa région
Le tableau est très différent pour Paris, l’Ile-de-France, ainsi que quelques grandes villes denses, peuplées et bien dotées en transports en commun. La place de l’automobile y est moindre dans les déplacements domicile-travail – l’annonce de « réseau RER » en projet dans les dix plus grandes villes françaises pourrait amplifier ces résultats.
Recours élevé aux transports en commun dans l’aire d’attraction de Paris
Ce graphe en barres représente la proportion du mode de transports des habitants pour se rendre au travail dans l’aire d’attraction de Paris. Lecture : 44,7 % des personnes résidant dans les autres communes du pôle d’attraction de Paris se rendent au travail en transports en commun.
- 43 % des automobilistes pourraient se déplacer à pied ou à vélo
Le centre des aires urbaines est plus favorable au report modal – c’est-à-dire au passage d’un mode de transport vers un autre. Selon l’Observatoire des territoires, « 9 % des déplacements motorisés pourraient être faits à pied et un peu moins de la moitié (43 %) à vélo », par les résidents des « communes centre » d’aires urbaines.
Ces chiffres sont un peu plus faibles chez les habitants des zones périurbaines, même s’ils restent élevés, puisqu’ils atteignent un tiers des trajets qui pourraient être effectués en marchant (6 %) ou à vélo (28 %).
Un report modal théorique partout supérieur à un tiers
Ce graphique présente la proportion de trajets qui pourraient être effectués autrement qu’en voiture, selon le lieu et le type d’habitat. Lecture : En banlieue, hors Île-de-France, 36 % des trajets effectués en voiture pourraient l’être à vélo et 8,8 % à pied.
L’observatoire précise que ce calcul théorique est réalisé en analysant les trajets de moins d’un kilomètre, pour le report modal vers la marche, ou de un à quatre kilomètres pour le vélo, sans prendre en compte l’état de santé des individus, les équipements publics (trottoirs, pistes cyclables, parkings à vélo, etc.), le relief ou les enchaînements de déplacement. Il s’agit davantage de montrer qu’il existe des « réserves » importantes de report modal vers les transports non polluants, en particulier dans les centres urbains, « précisément là où les freins à leur mise en œuvre sont les plus limités ».