Le 9 Mars 2023 : La reprise économique de la France est soutenue depuis la crise provoquée par la pandémie. Le marché du travail est tendu et l’inflation est à un niveau record. Par Florent Wabont Économiste
Economie
Le PIB français a crû de 2,6 % sur l’ensemble de l’année 2022, selon les statistiques rapportées par l’INSEE. Le dynamisme de l’activité a été robuste au cours du premier semestre, avant de s’essouffler au second. Le pire a pourtant été évité. Il y a encore quelques mois, les pays européens dont la France étaient promis à une récession causée par le manque d’approvisionnement en gaz. Une météo clémente (cause d’un phénomène de dérèglement climatique moins heureux) ainsi qu’un effort en matière de sobriété énergétique ont déjoué les pires scénarios. La consommation des ménages est toutefois mal orientée, l’inflation grignotant le pouvoir d’achat des ménages, qui plus est dans un contexte d’augmentation des tensions sociales. Les indicateurs du sentiment des entreprises se sont fortement dégradés en 2022, avant de rebondir au tournant du mois de novembre, et plus particulièrement en février 2023. Le secteur des services a été particulièrement résilient, permettant notamment à la France de mieux « tenir le coup » par rapport à ses voisins comme l’Allemagne. L’essoufflement est toutefois bien réel. L’analyse de plusieurs indicateurs du cycle signale (à ce stade) une stagnation de la croissance pour le 1er trimestre 2023. Notons par ailleurs la situation inédite sur le marché de l’emploi, avec un taux de chômage au plus bas depuis 2008, ainsi que des difficultés à l’embauche éprouvées par les entreprises.
Du côté de l’inflation, la France fait également un peu bande à part, du moins en apparence. Le niveau absolu de progression de l’inflation toute catégorie confondue (+7 % en janvier sur un an) est certes inférieur à celui de la zone Euro dans son ensemble (+8,6 %) grâce notamment à la mise en place de boucliers tarifaires, mais les suspects identifiés sont les mêmes. Les prix alimentaires y contribuent à hauteur de 2,5 % dans le cas de la France et la pression liée à l’énergie est encore très élevée. Ces deux éléments constituent les conséquences des deux chocs d’offres consécutifs que sont la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. La catégorie des services s’accroît elle aussi, loin des standards historiques, ce qui s’apparente davantage à un choc de demande. En 2023, l’inflation française devrait donc suivre le même chemin que la zone Euro : une inflation totale qui s’atténue grâce aux effets de base, mais une inflation cœur qui s’accroche au-dessus de 2 %.
La question des effets de la politique monétaire est centrale. La hausse du coût du crédit se répercute peu à peu pour les entreprises et les ménages, mais la structure de la dette en France est principalement à taux fixe. L’impact est donc pour le moment circonscrit au flux de nouveaux crédits, et non pas au stock préexistant qui a été contracté sur des maturités relativement longues. La diffusion des relèvements de taux de la BCE sera donc progressive, d’autant que l’échéance du pic de resserrement monétaire ne fait qu’être repoussée. Notons à cet égard le rôle particulier qu’entretient François Villeroy de Galhau (gouverneur de la Banque de France) au sein des débats. Ses prises de parole récentes dans les médias apparaissent comme le point d’équilibre entre les craintes des pays du Sud (Italie…) et la volonté de lutter contre l’inflation des pays du Nord (Allemagne…). Sa vision nous paraît donc éclairante, alors que la BCE tiendra sa prochaine réunion le 16 mars prochain.
” L’analyse de plusieurs indicateurs du cycle signale (à ce stade) une stagnation de la croissance pour le 1er trimestre 2023.
Notons par ailleurs la situation inédite sur le marché de l’emploi, avec un taux de chômage au plus bas depuis 2008 […] “
Pour compléter le tableau, mentionnons enfin les initiatives de la Banque de France qui fait figure des tous meilleurs élèves concernant le verdissement de la politique monétaire. La BCE marque ici sa différence avec la Fed, dont le discours diffère sensiblement. Il ne fait nul doute que ce sujet sera au cœur des débats dans les années à venir…
2022 : record absolu des émissions mondiales de CO2
Selon les derniers chiffres de l’Agence Internationale de l’Énergie, les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie ont augmenté de 0,9 % soit 321 Mt en 2022, atteignant un nouveau sommet à plus de 36,8 Gt. Après deux années exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19, la croissance de l’année dernière a été beaucoup plus lente qu’en 2021 (hausse de 6 %). Le déploiement accru de technologies énergétiques propres telles que les énergies renouvelables, les véhicules électriques et les pompes à chaleur a permis d’éviter 550 Mt d’émissions de CO2 supplémentaires. En 2022 sur l’augmentation de 321 Mt de CO2, 60 Mt peuvent être attribuées à la demande de climatisation et de chauffage pour faire face à des conditions climatiques exceptionnelles et 55 Mt à l’arrêt des centrales nucléaires. La croissance des émissions de CO2 en 2022 a été bien inférieure à la croissance du PIB mondial (3,2 %), renouant ainsi avec la tendance décennale de découplage entre les émissions et la croissance économique qui avait été rompue par la forte reprise des émissions en 2021. Les émissions provenant du gaz naturel ont diminué de 1,6 %, soit 118 Mt, à la suite d’un resserrement continu de l’offre conséquence de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les réductions des émissions de gaz ont été plus particulièrement prononcées en Europe (-13,5 %).
L’augmentation des émissions dues au charbon a plus que compensé les réductions dues au gaz naturel. Dans le contexte d’un mouvement de passage du gaz au charbon pendant la crise énergétique mondiale, les émissions de CO2 provenant du charbon ont augmenté de 1,6 %, soit 243 Mt, dépassant de loin le taux de croissance moyen de la dernière décennie et atteignant un nouveau record historique de près de 15,5 Gt. Les émissions provenant du pétrole ont augmenté encore plus que celles du charbon, de 2,5 % soit 268 Mt, pour atteindre 11,2 Gt. Près de la moitié de l’augmentation est due à l’aviation, les voyages aériens ayant connu un net rebondissement après le creux de la pandémie, avoisinant 80 % des niveaux de 2019. Modérant cette augmentation, les véhicules électriques ont continué à gagner du terrain en 2022, avec plus de 10 millions de voitures vendues, dépassant 14 % des ventes mondiales d’automobiles.
La plus forte augmentation sectorielle des émissions en 2022 provient de la production d’électricité et de chaleur, dont les émissions ont augmenté de 1,8 %, soit 261 Mt. Une forte expansion des énergies renouvelables a limité le rebond des émissions de l’énergie liées au charbon. Les énergies renouvelables ont ainsi assuré 90 % de la croissance mondiale de la production d’électricité l’année dernière.
Les émissions de l’industrie ont diminué de 1,7 % pour atteindre 9,2 Gt l’année dernière. La baisse globale a été largement soutenue par une diminution de 161 Mt de CO2 des émissions industrielles de la Chine, reflétant une baisse de 10 % de la production de ciment et de 2 % de la production d’acier. Les émissions de la Chine sont restées relativement stables en 2022, diminuant de 23 Mt soit 0,2 %. L’Union européenne a connu une réduction des émissions de CO2 de 2,5 % malgré les perturbations des marchés du pétrole et du gaz, les pénuries d’eau dues à la sécheresse et l’arrêt de nombreuses centrales nucléaires. Les émissions du secteur du bâtiment ont nettement diminué, grâce à un hiver doux.
Les émissions américaines ont augmenté de 0,8 %, soit 36 Mt. Le secteur des bâtiments a connu la plus forte croissance des émissions, en raison des températures extrêmes. Les principales réductions d’émissions proviennent de la production d’électricité et de chaleur, grâce à une augmentation sans précédent de l’énergie solaire photovoltaïque et éolienne, ainsi qu’au passage du charbon au gaz. Alors que de nombreux autres pays ont réduit leur consommation de gaz naturel, les États-Unis ont vu leurs émissions augmenter de 89 Mt de CO2 provenant du gaz, utilisé pour répondre aux pics de demande d’électricité pendant les vagues de chaleur estivales. Les émissions des marchés émergents et des économies en développement d’Asie, à l’exception de la Chine, ont augmenté plus que celles de toute autre région en 2022, de 4,2 % ou 206 Mt de CO2. Plus de la moitié de l’augmentation des émissions de la région provient de la production d’électricité à partir du charbon.
” La plus forte augmentation sectorielle des émissions en 2022 provient de la production d’électricité et de chaleur, dont les émissions ont augmenté de 1,8 % soit 261 Mt. “
Ainsi, malgré un développement plus rapide que prévu des technologies d’énergie propre, le monde court toujours sur une trajectoire de croissance non durable, qui appelle donc à des actions plus fortes pour accélérer la transition.